2012,
UNE ANNÉE MENAÇANTE

février 2012

En 2011, en termes de politique étrangère, force est de constater les révolutions arabes constituant l’événement dominant.

Dès le début, quand éclataient les troubles en Tunisie, en décembre 2010, nous avons mis en garde contre un trop grand enthousiasme. Nous annoncions déjà les risques d’instabilité dans la durée et diagnostiquions la menace islamiste.

En ce début d’année 2012, nous voyons non sans inquiétude se confirmer nos craintes. En Tunisie, le parti islamiste, Ennahda, a remporté plus de 40% des suffrages aux élections. Certes, le Président élu appartient à la majorité moderniste, mais la rue reste instable et des conflits locaux éclatent sporadiquement.

En Égypte, dès le premier tour, il faut parler d’un raz de marée islamiste dominé par les Frères musulmans. Comme on peut le voir avec la reprise des manifestations place Tahrir et la nouvelle envolée d’exactions meurtrières de la police contre les chrétiens coptes et les opposants, la situation est loin de l’accalmie. Ironie du sort, après une révolution populaire, l’instauration d’un régime militaire pourrait s’avérer la seule solution pour restaurer la sécurité.

Enfin, en Libye, personne n’ose parler d’élections, le CNT, sorte de gouvernement autoproclamé ne contrôle pas tout le pays et n’existe qu’avec l’assentiment des milices armées, dont beaucoup islamistes. Enfin, on commence à percevoir les conséquences néfastes de la fin de Kadhafi dans la zone sahélienne : les armes sorties des arsenaux libyens finissent dans les mains de l’AQMI, branche d’Al-Qaïda, et d’opposants touaregs en ébullition au Niger et surtout au Mali.

Reste la Syrie où, avec un courage révélant la dimension de sa colère après trente ans d’une dictature sanguinaire, la population défie le pouvoir à mains nues. Là aussi, malgré la maturité politique de cette révolution, on peut assister à des conséquences tragiques. Comme l’occupation par la Turquie, sous prétexte d’apporter la liberté, voire pire, l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans avec le soutien de la même Turquie.

Quant aux autres pays de la sphère arabe, ils ne sont pas hors de danger. En Arabie Saoudite, régime islamo-conservateur sclérosé, l’État se voit menacé à la fois par une forte minorité chiite excitée par l’Iran, une mouvance islamiste plus radicale encore et une frange moderniste en quête d’un assouplissement des règles de vie.

Au Koweït, pour faire face au mécontentement latent, l’autorité en place n’a rien trouvé de mieux que de suspendre le Parlement. Au Bahreïn, royaume où la majorité chiite vit sous la loi d’une minorité sunnite, la révolte gronde encore et le sang a déjà coulé.
En Irak, aujourd’hui abandonné par les Américains fauteurs du désordre, on vit entre insécurité et risque d’éclatement du pays.

Même aux Emirats Arabes Unis, pourtant considérés comme calmes, des voix se font entendre contre les monarchies en place. Restent l’Algérie, tenue d’une main de fer par les services secrets, et le Maroc, où le roi sert pour le moment de verrou, à échapper encore à la vague révolutionnaire.

Alors oui, que les peuples s’expriment et veuillent décider de leur avenir, nous ne saurions qu’approuver. Quant à se réjouir, est-ce bien l’intérêt de ces mêmes peuples, et le nôtre, que de voir l’ensemble du monde arabe s’enflammer, tomber dans l’instabilité ou passer à l’islamisme du Maghreb au Golfe arabo-persique ?

Alain Chevalérias

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 

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