COUP DE SONDE
DANS LA RÉGION AF-PAK

octobre 2014

La situation empire au Pakistan et en Afghanistan, la région Af-Pak. Alors que plusieurs manifestations violentes se sont déroulées au Pakistan, l’influence des groupes jihadistes ne cesse de croître dans le nord ouest, à la frontière de l’Afghanistan. Ce sont les informations que nous venons de recevoir de l’un de nos contacts dans la région. De plus, signale ce correspondant, certains éléments de l’armée et des services de renseignement (l’ISI) exercent un double jeu qui s’apparente à la haute trahison en soutenant certains réseaux jihadistes.

A
u mois de février dernier, des agents de l’EI et de Al-Nosra (1) sont arrivés dans la région du nord-ouest du Pakistan pour recruter des combattants. Pour des populations pauvres, les rémunérations offertes sont très attrayantes. Plusieurs groupes jidadistes pakistanais ont fourni des hommes et se déclarent désormais intégrés à l’une de ces deux organisations.

Parmi les structures ralliées à l’EI (Etat islammique), figure Lal Masjed (la Mosquée rouge), située au centre d’Islamabad, à 500 mètres de l’Holiday Inn (2). Son directeur s’appelle Abdul Aziz Ghazi. Il a aussi sous son autorité un réseau d’écoles coraniques.

D’autres se sont ralliés à Al-Nosra, comme Jaish-e-Mohammad (l’Armée de Mahomet) ou le Lashkar-e-Taiba, le Sipah-e-Sahaba etc...

Plus grave, des pays étrangers considérés comme amis sont, selon notre contact, en relation avec ces groupes. Le Qatar soutient le réseau de l’EI et l’Arabie Saoudite celui d’Al-Nosra. Au mois de juin, les EAU (Émirats Arabes Unis) et le Bahreïn, pourtant peu suspects de menées jihadistes, ont donné de l’argent à des islamistes pakistanais pour les envoyer combattre en Syrie.

Depuis le début de l’année, l’armée pakistanaise, sans doute préoccupée comme les EAU et le Barheïn par l’interventionnisme croissant de l’Iran aux côtés de Damas contre les sunnites (3), entraîne des hommes issus des milieux jihadistes mais venant du Pendjab, région du Pakistan plus tranquille. Elle les envoie ensuite combattre en Syrie aux côtés de l’EI ou de Al-Nosra. L’entraînement a principalement lieu au Sud Waziristan, sur le territoire de la tribu des Mehsud.

Il faut dire le Pakistan se débattant dans des situations inextricables. Confronté à une crise économique, il a du mal à nourrir sa population. Du moins les plus pauvres, victimes du renchérissement de la nourriture. A cela s’ajoute le problème des réfugiés. Depuis 2009, les populations qui ont fui les combats entre forces gouvernementales et Taliban dans le Sud Waziristan s’entassent dans des camps à Dera Ismail Khan et à Tank.

En Afghanistan, on voit les prolongements de l’instabilité pakistanaise s’ajouter à celle du pays.

Les Indiens ont leur part de responsabilité. Ils sont en effet très présents dans les provinces du Ningarhar et de Khost, dans l’est de l’Afghanistan à la frontière du Pakistan, où leurs entreprises et leurs ONG lancent des projets d’exploration minières. Ils y recrutent aussi des jeunes gens pour les envoyer étudier en Inde. Quand ceux-ci reviennent, ils constituent l’avant-garde d’une opinion anti-pakistanaise en décalage avec le sentiment local, pro-pakistanais chez les Pachtouns du sud.

Mais il y a plus grave. Des groupes du TTP (Terik-e-Taliban Pakistan), les Taliban pakistanais, avaient été retournés par l’ISI (les services pakistanais) qui leur avait fait des promesses. Ces dernières n’ayant pas été tenues, ces groupes dissidents du TTP se sont révoltés contre les forces gouvernementales pakistanaises. Ils ont trouvé asile dans les régions du Nangarhar et de Khost, où sont implantés les Indiens. Là, avec l’indispensable feu vert des Américains, ils sont soutenus, financés et armés par les services secrets de New Delhi qui facilitent leurs attaques contre les forces gouvernementales pakistanaises.

Certes, les Américains trouvent là l’occasion de se venger du double jeu des services pakistanais. Quant aux Indiens, ils sont ravis de causer des difficultés à leur ennemi traditionnel, le Pakistan.

Néanmoins, ces tactiques de harcèlement ont aussi pour conséquences d’amplifier la paranoïa d’Islamabad en lui donnant le sentiment d’être encerclé. Cela ne le conduit pas à cesser ses relations incestueuses avec les mouvements jihadistes mais au contraire à les amplifier pour se protéger. Comme nous l’a dit un général pakistanais pour justifier l’utilisation de groupes radicaux : « Ils sont pour nous comme une armée de réserve » (4).

Notes

(1) Il s’agit de mouvements jihadistes implantés en Syrie et en Irak. L’EI (Etat ilamique) ou Daech a annoncé la création du califat.
(2) Alain Chevalérias était sur place en 2007 pendant l’encerclement de Lal Masjed.
(3) C’est le résultat du durcissement du conflit latent entre sunnites et chiites.
(4) Ce sont les propos tenus par le général CR Mirza Aslam Baig, qui a commandé l’armée pakistanaise de 1988 à 1991 et participé à l’entraînement d’éléments étrangers.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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