ALEP :
une guerre pour rien

janvier 2017

Le 31 décembre 2016, en Syrie, le cessez-le-feu conclu sous l’égide de la Russie était déjà branlant. Appliqué à partir du 29 à minuit, il était violé dans la région de Damas, dans le secteur de Wadi Barada, à la suite de raids d’hélicoptères contre des positions rebelles. Les responsables du régime affirment que ces derniers ont pollué l’eau d’Aïn Al-Fijeh, une source indispensable à l’approvisionnement de la capitale, en y déversant du pétrole. Les rebelles disent qu’au contraire les hélicoptères ont largué des barils d’explosifs pour rendre la source inutilisable. Cette seconde hypothèse semble la plus crédible puisque l’on imagine mal les rebelles détruisant leur approvisionnement en eau. Cet épisode de la guerre des dépêches donne une idée de la difficulté de s’informer sur le théâtre syrien.

Le cessez-le-feu conclu suit de quelques jours la fin d’un autre drame : la bataille d’Alep et l’évacuation de la population civile comme des combattants. En utilisant les bombardements intensifs et l’arme de la famine, Bachar Al-Assad et ses alliés ont obtenu ce qu’ils voulaient : la deuxième ville du pays vide de ses habitants opposés au régime qui, dans la neige, se sont égaillées dans les campagnes sous contrôle rebelle. Aucun journal n’a pris la peine de révéler cette autre catastrophe humanitaire. Reste à se pencher sur les causes et les conséquences de ce qui se passe aujourd’hui en Syrie.

Alep: hopital soutenu par MSF, bombardé par le régime. 14 morts, 28 avril 2016
Hôpital bombardé par le régime à Alep, 14 morts
Comme dans le reste de la Syrie, les manifestations contre le régime ont commencé à Alep au printemps 2011. Les agglomérations du nord du gouvernorat d’Alep sont tombées aux mains de la rébellion armée au début de l’été 2012. Le 19 juillet, le Liwa Al-Tawhid, affilié à l’armée syrienne libre, les rebelles, entrait dans Alep. Des renforts étaient alors dépêchés par le régime amenant à la coupure de la ville en deux et à des affrontements incessants entrelardés de périodes de calme. Jusqu’à la défaite de la rébellion à la mi-décembre 2016.

Mais il faut savoir pourquoi cet acharnement des deux côtés. Le régime voulait préserver l’illusion de sa légalité en reprenant le contrôle de la deuxième ville du pays. La rébellion, la Révolution pour les Syriens, avait une autre raison : pour se donner une légitimité, elle était invitée à se maintenir dans Alep par les pays occidentaux, dont la France.

Notre pays, plus particulièrement, a des raisons de vouloir la peau du régime syrien. Nous devons à ce dernier l’assassinat de l’ambassadeur Louis Delamare en 1981 à Beyrouth. Sans oublier l’attentat du Drakkar (voir photo ci-dessous), en 1983, qui a tué 58 de nos parachutistes avec le feu vert de Damas. En outre, le comportement tyrannique du clan Assad, les tirs à balles réelles contre des manifestants désarmés, les tortures et les exécutions sommaires dans les prisons justifiaient notre soutien à la Révolution. C’est donc en toute sérénité que, sur ordre de leurs gouvernements, les services de renseignement occidentaux ont encouragé les rebelles à renverser le régime.

Attentat du Drakkar

La partie émergée de l’activité des pays occidentaux aux côtés de la Révolution syrienne se voyait, et se voit encore à Gaziantep. Cette ville turque située à une cinquantaine de kilomètres de la frontière syrienne est devenue la base arrière du soulèvement. En dépit de sa taille réduite, environ un million d’habitants, on y trouve les représentations diplomatiques de la plupart des pays occidentaux, là où se nouaient les contacts. Dans ce contexte, Alep avait une importance particulière car, par rapport à Gaziantep, elle est à équidistance de la frontière. Elle était la tête de pont rêvée pour la conquête progressive de la Syrie sous le drapeau de la Révolution.

Moustapha Sitt Mariam Nassar alias Abou Moussab al Souri, theoricien des groupes jihadistes et proche de Ben Laden.
Il a aidé entre autres le Gia. Arreté à Quetta par les Usa en 2005 et livré à Damas qui le libère en 2012 avec d'autres jihadistes
Abou Moussaab al Souri de son vrai Moustapha Nassar

Mais le régime syrien n’avait pas l’intention de se laisser faire. D’abord il a facilité la naissance de Daech en libérant des radicaux islamistes de ses prisons dès 2011. Ensuite, il a fait intervenir les Iraniens, le Hezbollah, enfin les Russes à partir d’août 2015.

 

 

Quant aux Occidentaux, ils se sont laissés aveugler par le leurre des attentats. Ne voyant plus que l’adversaire terroriste, ils ont oublié leur objectif premier, la destitution du régime syrien et la libération de sa population. Autrement dit, après avoir encouragé ce malheureux peuple à prendre les armes contre son oppresseur, nous l’avons abandonné aux mains des Russes.

Pourquoi pas les Russes au lieu des Occidentaux ? Diront certains. Certes, les Occidentaux ne sont pas parfaits. Mais a-t-on souvent vu les Russes apporter la liberté et la démocratie ?

Nous parlons pour le bien des Syriens, mais aussi pour le nôtre. Car soyons honnêtes : jusqu’à la dernière bataille d’Alep, on pouvait distinguer les rebelles, en faveur de la démocratie, et les jihadistes. Abandonnant les rebelles aux manoeuvres des Russes, nous les poussons dans les bras des jihadistes, les seuls, sur le terrain, à leur donner des armes et de la nourriture pour se battre. Trahissant Alep, nous nous sommes trahis nous-mêmes, en renforçant le camp de nos ennemis.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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