une guerre pour rien |
Le 31 décembre 2016, en Syrie, le cessez-le-feu conclu sous légide de la Russie était déjà branlant. Appliqué à partir du 29 à minuit, il était violé dans la région de Damas, dans le secteur de Wadi Barada, à la suite de raids dhélicoptères contre des positions rebelles. Les responsables du régime affirment que ces derniers ont pollué leau dAïn Al-Fijeh, une source indispensable à lapprovisionnement de la capitale, en y déversant du pétrole. Les rebelles disent quau contraire les hélicoptères ont largué des barils dexplosifs pour rendre la source inutilisable. Cette seconde hypothèse semble la plus crédible puisque lon imagine mal les rebelles détruisant leur approvisionnement en eau. Cet épisode de la guerre des dépêches donne une idée de la difficulté de sinformer sur le théâtre syrien. Le cessez-le-feu conclu suit de quelques jours la fin dun autre drame : la bataille dAlep et lévacuation de la population civile comme des combattants. En utilisant les bombardements intensifs et larme de la famine, Bachar Al-Assad et ses alliés ont obtenu ce quils voulaient : la deuxième ville du pays vide de ses habitants opposés au régime qui, dans la neige, se sont égaillées dans les campagnes sous contrôle rebelle. Aucun journal na pris la peine de révéler cette autre catastrophe humanitaire. Reste à se pencher sur les causes et les conséquences de ce qui se passe aujourdhui en Syrie. Alep: hopital soutenu par MSF, bombardé
par le régime. 14 morts, 28 avril 2016 Mais il faut savoir pourquoi cet acharnement des deux côtés. Le régime voulait préserver lillusion de sa légalité en reprenant le contrôle de la deuxième ville du pays. La rébellion, la Révolution pour les Syriens, avait une autre raison : pour se donner une légitimité, elle était invitée à se maintenir dans Alep par les pays occidentaux, dont la France. Notre pays, plus particulièrement, a des raisons de vouloir la peau du régime syrien. Nous devons à ce dernier lassassinat de lambassadeur Louis Delamare en 1981 à Beyrouth. Sans oublier lattentat du Drakkar (voir photo ci-dessous), en 1983, qui a tué 58 de nos parachutistes avec le feu vert de Damas. En outre, le comportement tyrannique du clan Assad, les tirs à balles réelles contre des manifestants désarmés, les tortures et les exécutions sommaires dans les prisons justifiaient notre soutien à la Révolution. Cest donc en toute sérénité que, sur ordre de leurs gouvernements, les services de renseignement occidentaux ont encouragé les rebelles à renverser le régime. La partie émergée de lactivité des pays occidentaux aux côtés de la Révolution syrienne se voyait, et se voit encore à Gaziantep. Cette ville turque située à une cinquantaine de kilomètres de la frontière syrienne est devenue la base arrière du soulèvement. En dépit de sa taille réduite, environ un million dhabitants, on y trouve les représentations diplomatiques de la plupart des pays occidentaux, là où se nouaient les contacts. Dans ce contexte, Alep avait une importance particulière car, par rapport à Gaziantep, elle est à équidistance de la frontière. Elle était la tête de pont rêvée pour la conquête progressive de la Syrie sous le drapeau de la Révolution. Moustapha Sitt Mariam Nassar alias Abou Moussab
al Souri, theoricien des groupes jihadistes et proche de Ben
Laden.
Quant aux Occidentaux, ils se sont laissés aveugler par le leurre des attentats. Ne voyant plus que ladversaire terroriste, ils ont oublié leur objectif premier, la destitution du régime syrien et la libération de sa population. Autrement dit, après avoir encouragé ce malheureux peuple à prendre les armes contre son oppresseur, nous lavons abandonné aux mains des Russes.
Nous parlons pour le bien des Syriens, mais aussi pour le nôtre. Car soyons honnêtes : jusquà la dernière bataille dAlep, on pouvait distinguer les rebelles, en faveur de la démocratie, et les jihadistes. Abandonnant les rebelles aux manoeuvres des Russes, nous les poussons dans les bras des jihadistes, les seuls, sur le terrain, à leur donner des armes et de la nourriture pour se battre. Trahissant Alep, nous nous sommes trahis nous-mêmes, en renforçant le camp de nos ennemis. |
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