ALGÉRIE :
Diviser pour régner

octobre 2010

Le 21 septembre 2010, deux Algériens de Kabylie convertis au christianisme comparaissaient devant la Justice de leur pays pour non respect du jeûne de Ramadan.

Le procureur de la République a requis contre eux trois ans de prison ferme. La police avait filé discrètement les deux accusés pour les surprendre en flagrant délit.

A première vue, on est tenté de croire à une persécution religieuse. D’autant plus que quatre animateurs d’une église pentecôtiste doivent comparaître le 26 septembre pour « pratique d’un culte non autorisé ». La politique s’en mêle pourtant.

Depuis la fin des années 80 et les premiers mouvements de colère en Algérie, plus particulièrement en Kabylie on constate un nombre croissant de conversions au protestantisme dans sa version américaine de l’évangélisme. Cette mode n’est pas tombée du ciel et l’on sait, en arrière-plan, des propagandistes d’outre-Atlantique actifs dans cette campagne.

Pendant au moins une quinzaine d’années, on pouvait s’étonner de l’inaction, face à ce phénomène, du pouvoir algérien, d’habitude intolérant à l’égard des cultes non-musulmans.

Puis au début des années 2000, on entendit des prêches émanant de religieux proches du pouvoir flétrir les conversions au christianisme. Ainsi, le 15 mai 2004, à l’université des sciences islamiques Émir Abdelkader, à Constantine, Amar Aouli insista sur l’existence de 15 églises à Tizi-Ouzou (Kabylie) et prétendit que 30% de la population les fréquentaient.

Après la dénonciation des « sorcières » restait à lancer la chasse. En 2006, les autorités algériennes promulguaient une loi punissant de deux à cinq ans de prison assortis de lourdes amendes celui « qui incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion ».

On sait le noyau dur des militaires et du gouvernement algérien plus enclin à utiliser la religion musulmane à des fins politiques que réellement imprégnés de religiosité. On sait aussi cette faction très hostile à toutes manifestations de la spécificité kabyle, surtout quand, dans cette région rebelle par tradition, celle-ci s’exprime en la défiant.

Dès lors on comprend mieux le retard à l’allumage de la réaction du pouvoir pour contenir la montée des conversions au christianisme. Il a laissé monter en puissance ces dernières pendant plus de vingt ans pour, en Kabylie, dresser les musulmans contre les chrétiens, et dans l’ensemble de l’Algérie, les Arabes, ou réputés tels(1), contre les Kabyles.

Quand les responsables d’un pays jouent une partie de la population contre l’autre, suscitant des divisions et cherchant à lever la haine contre des concitoyens devenus boucs émissaires, ils deviennent indignes de gouverner. Mais qui s’en inquiète ?

 

Note

(1) Au VIIIème siècle, les guerriers arabes furent quelques milliers à envahir la future Algérie. Beaucoup d’arabophones algériens sont en réalité des descendants de Berbères arabisés. S’ils se disent Arabes, c’est le plus souvent par ignorance de leurs racines.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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