ISRAËL REVENDIQUE
DES DROITS SUR LE PÉTROLE
IRAKIEN DE BASSORA

avril 2009

L’État hébreu réclame 20% de la production de pétrole de la région irakienne de Bassora, rapporte « Actualité juive » du 5 mars 2009. Sur cinq pages, dont une d’interview sur le sujet avec Avi Pazner, ancien ambassadeur d’Israël en France, l’hebdomadaire de la communauté juive fonde cette revendication sur la découverte d’un parchemin remontant au VIème siècle et dont l’auteur, un ancien gouverneur de Bassora *, aurait donné cette riche province pétrolière « aux juifs ».

L’histoire commence en 1933 quand, dans la province irakienne de Bassora, des ouvriers travaillant aux forages pétroliers déterrent des amphores à l’intérieur d’une grotte plantée à flanc de colline. Dans ces dernières, ouvertes au musée de Bagdad, on découvre des parchemins, dont l’un signé par un certain Ahmed Sard, gouverneur de la province de Bassora.

Et là, divine surprise, on lit : « Moi, Ahmed Sard, gouverneur de la province de Bassora, lègue devant Dieu, cette province aux Juifs en remerciement de ce que le docteur et savant Yaakov Ben Avraham a fait pour mon fils unique Nebuchadnezzer, lui sauvant la vie ».

Un Juif, Irakien de naissance et archéologue de son état, avait assisté à l’ouverture de l’amphore contenant le parchemin. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, craignant « que son pays ne s’allie avec les puissances de l’Axe », son fils Naïm s’enfuit d’Irak et arrive en Palestine, dans le courant de l’année 1941. Plus tard, à la naissance de l’État hébreu, en 1948, il entre au ministère des Affaires étrangères.

Là, il révèle l’histoire du parchemin au ministre, Moshe Sharett, qui s’empresse d’en informer le Premier ministre David Ben Gourion. La décision est alors prise. « Israël n’a nullement l’intention de revendiquer, comme il en aurait le droit, sur la base des documents, la province de Bassora. Mais il va demander 20% des royalties du pétrole de la province », écrit « Actualité juive ».

Naïm, juriste de formation, est chargé de mission pour ouvrir des négociations avec le gouvernement de Bagdad. Selon l’hebdomadaire, il y parvient mais, un jour de 1950, les interlocuteurs irakiens ne viennent pas au rendez-vous. L’équipe de Naïm a tout juste le temps de quitter le pays.

La province de Bassora se situe dans l’extrême sud de l’Irak. A elle seule, elle produit 70% du pétrole irakien.

 

Une certaine Bitia va renouer le fil en ce début de XXIème siècle. Chargée depuis plusieurs années de la numérisation des archives du ministère des Affaires étrangères, elle tombe sur le document de « l’accord pétrolifère entre Israël et l’Irak ». Elle en avise Tzippi Livni, actuelle ministre, qui décide de reprendre les négociations avec Bagdad. Avi Pazner, comme nous le savons ancien ambassadeur d’Israël en France, se voit chargé de la mission. Dans une interview, il dit s’être rendu en Irak à partir de la Jordanie « déguisé en émir arabe ».

« Nous avons des droits historiques, insiste-t-il. Israël, en tant que représentant du peuple juif, représentant notamment les communautés qui n’existent plus aujourd’hui, a des droits légaux sur ce qui appartenait à ces communautés ».

Il dit avoir entrepris des négociations et précise : « Comme vous pouvez l’imaginer, les Irakiens ne négocient pas avec nous parce qu’ils ont plaisir à le faire, mais parce que nous brandissons la menace d’aller devant une juridiction internationale...Ils pourraient être contraints à nous verser 50% des revenus » pétroliers de la région de Bassora.

Puis Pazner d’ajouter : « nous avons l’intention de partager avec les communautés juives du monde entier ».

Dans un long article, Sandrine Szwarc écrit : « La France sera l’un des principaux bénéficiaires des subsides qu’Israël devrait verser aux communautés de la Diaspora. Au bas mot, chaque année, 80 millions d’euros, selon les fluctuations du cours du pétrole, seront partagés entre le Consistoire central, chargé d’administrer le culte, et le FSJU (Fond social juif unifié), qui représente les associations juives dans les domaines du social, de la culture, de l’enseignement et de la jeunesse ».

Les ténors de la communauté reprennent en choeur, Joël Mergui, président du Consistoire central, parle de manne venue du ciel pour « renforcer la communauté ». David Saada, directeur du FSJU, évoque de développement des « centres communautaires ».

Le dossier d’ « Actualité juive » a suscité quelque émoi dans la communauté. Dans le courrier des lecteurs du numéro suivant, on lit sous la plume d’André Djian de Toulouse : « C’est en discutant avec un ami à la synagogue, et alors que je lui commentais votre dernière une nous révélant qu’Israël revendiquait ses droits sur la province de Bassora, qu’il m’apprit que c’était tout simplement une blague de Pourim *». Une blague à l’occasion du jour de carnaval juif. Rions donc mais tout en doutant que les Irakiens, les Arabes en général, aient beaucoup de goût pour l’humour juif.

En tout cas, l’affaire en aura fait rêver plus d’un. Le lecteur de Toulouse avoue pour sa part : « Je me faisais une telle joie à l’idée que cette région nous appartenait et je m’imaginais tout ce que l’on aurait pu faire avec tout cet argent ». Du reste, dans sa réponse, la rédaction précise : « Beaucoup se sont laissé prendre et, au regard de certaines réactions, ils sont nombreux ceux qui y croient toujours ».

Fête du Pourim, gravure
Gravure de la fête du PourimDu reste, dans « Actualité juive » du 12 mars, revenant sur la fête du Pourim, le patron de la publication place son éditorial sous le titre « Dis-moi comment tu te déguises, je te dirai qui tu es ». Une clé peut-être pour comprendre cette fausse revendication d’Israël sur les richesses pétrolières de Bassora.

 

 

Notes

* La fête de Pourim est célébrée tous les ans par les juifs en référence à l’épisode de la Bible dit de la reine Esther. Cette dernière, pour séduire le roi perse, avait caché son appartenance juive. Elle la révèlera plus tard et parviendra ainsi à obtenir la grâce des juifs menacés de mort par leurs ennemis, le droit d’exterminer ces derniers et l’accession de son oncle au rang de Premier ministre. Une fable sur le double sens des choses et l’art de la dissimulation. L’usage juif a fait de cette fête l’occasion de se déguiser et de se livrer à quelques plaisanteries. Un 1er avril Hébraïque en somme.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
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