COUP DE BAMBOU
À BANGUI

décembre 2013

Le 5 décembre, le Conseil de sécurité des Nations Unies votait la résolution 2127, autorisant le « déploiement de la Mission internationale de soutien à la Centra-frique (RCA) » la MISCA, conduite, sans le dire, par la France.

Comme à chaque intervention française en Afrique, deux camps se forment. D’une part les contestataires, d’autre part ses partisans, au nom de la légitimité et de la nécessité. Il faut, pour se faire une opinion, tenir compte de plusieurs aspects.

En terme de droit, d’abord, la France se voit « accréditée » par les Nations Unies. Cependant, elle l’était aussi en Libye en 2011.
Or cette opération, inutile et dangereuse, conduite en outre en violant la résolution concernée, a engendré une situation pire que celle prévalant sous Mouammar Kadhafi et livré une partie du pays aux djihadistes. Peut-on craindre une répétition de ce scénario en RCA ?

Depuis fin 2012, la RCA subissait une offensive rebelle. La Selaka, descendait du nord, où se concentrent les 15% de musulmans du pays, vers le sud, globalement chrétien. Le 24 mars dernier, le soulèvement s’emparait de Bangui, mettait le chef de l’exécutif en fuite et le patron des rebelles, Michel Djotodia, un musulman en dépit de son prénom, devenait Président de la République.

Officiellement la Selaka était alors dissoute, mais le statut de ses combattants devenait diffus. Certains intégraient l’armée officielle, d’autres continuaient de sévir par bandes. Les agressions et les meurtres se multipliaient, principalement contre la majorité chrétienne, allant jusqu’à faire parler de situation « pré-génocidaire ». Djotodia se révélait impuissant à maîtriser ses hommes.

Ce n’est pas tout. Un de ses lieutenants a un passé chargé. Élevé au rang de général, Nourredine Adam est aujourd’hui chargé de la sécurité et commandait jusqu’à il y a peu une police politique. Il a reçu une formation religieuse en Arabie Saoudite et, séjournant en Égypte, a intégré l’académie de police. De 2003 à 2007, il aurait servi à la protection rapprochée de la famille de cheikh Zayed, l’émir d’Abou Dhabi, avant de créer sa propre société de sécurité à Charjah, l’émirat arabe le plus islamiste du Golfe.

Le Président lui-même n’est pas exempt de tous soupçons. D’après une lettre datée du 17 avril 2012, dont la copie circule à Bangui, pour demander de l’argent aux pays arabes, il aurait affirmé vouloir instaurer un régime islamique en RCA et aurait dit « tous les chrétiens sont des menteurs ».

Dans cette affaire, la France a deux raisons d’intervenir : d’une part pour empêcher un génocide qu’on lui reprocherait si elle ne fait rien, d’autre part pour éteindre un foyer conquérant islamique qui tend à prendre les couleurs du djihadisme.

Certes, on peut prendre argument de l’indépendance de nos anciennes colonies africaines pour rester passifs. Mais c’est oublier les liens politiques et historiques qui nous lient à ces populations. C’est aussi oublier que le meilleur moyen d’éviter une déferlante migratoire reste que la sécurité prédomine en Afrique en même temps que le développement économique. Une bonne raison pour ne pas laisser la situation empirer.

Reste à s’interroger sur les risques de l’intervention. Elle est complexe puisque nous devons désarmer les deux camps. Elle est en revanche indispensable puisque, à la diffé-rence de l’opération libyenne, nous nous attaquons au coeur du problème : l’expansion militaire des islamistes.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
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