janvier 2003
Les faits: le 19 septembre 2002, le président de Côte d'ivoire, Laurent Gbagbo, est en Italie quand éclate une insurrection dans son pays. A Bouaké, ville du centre, le commandant de la région militaire et le ministre des sports, en déplacement, sont exécutés. Le général Robert Gueï meurt dans des circonstances non élucidées. Gbagbo l'accuse d'avoir fomenté la rébellion. Auteur d'un précédent coup d'État militaire en décembre 1999, cette fois néanmoins il semble hors de cause. Comme pour le prouver, sortis des rangs de l'armée des mutins s'organisent dans le nord, la région à majorité musulmane. Pourtant pour Gbagbo, la Côte d'Ivoire est victime d'une agression étrangère. Il désigne comme coupable le Président Blaise Compaoré du Burkina-Faso. Le 22 septembre, Paris dépêche des renforts pour assurer la sécurité des ressortissants étrangers, en priorité nos 20 000 compatriotes résidant dans le pays. Le 20 octobre, nos troupes se déploient sur la ligne de front pour séparer les belligérants. Enfin, du 15 au 23 janvier, á Marcoussis (Essonne), à l'invitation de la France Gbagbo signe des accords avec ses adversaires. |
Ce faisant, il accepte dans son gouvernement plusieurs ministres issus des rangs de la rébellion. Pourtant, de retour à Abidjan, il affirme devant les manifestants: "Je ne vais pas vous trahir... A Marcoussis ce qui s'est dit, ce sont des propositions." D'un mot, il a rendu caduques les négociations. |
Tout a commencé à la fin du
XIXème siècle, quand les troupes de Samory Touré,
conquérant musulman venu du La décolonisation, en 1960, laisse un pays fragile. Outre sa dichotomie nord-sud, il est divisé en une soixantaine d'ethnies et presque autant de langues. En outre, grâce à la mise en valeur de son potentiel agricole et aux investissements français, la Côte d'Ivoire prospère. Preuve de son dynamisme, 40% de la masse monétaire de la CDEAO (1) circule sur son territoire. Aussi attire-t-elle les migrations des contrées voisines, principalement musulmanes, accentuant le déséquilibre avec la communauté chrétienne. |
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Président fondateur de l'État, Félix Houphouët-Boigny est catholique. Pendant 33 ans, gérant les tensions nées des différences avec sagesse, il parvient à contenir les mauvais génies de la guerre civile. Dernier à accéder à la magistrature suprême, Laurent Gbaqbo est soutenu par les évangélistes protestants. Comme Outre-Atlantique George Bush. Alors dans l'opposition, Gbagbo se rend aux États-Unis en 1997. Aujourd'hui ambassadeur de Côte d'Ivoire aux États-Unis, Pascal Kokora le reçoit en grande pompe et lui sert de poisson pilote dans les milieux officiels américains. Reçoit-il alors l'appui des cercles protestants fanatiques associés à George Bush? Les fils du complot se nouent-ils à ce moment? En tout cas, l'orientation "mystique"
du candidat Gbagbo se précise avec les élections,
en octobre 2000. Dans "Notre Voie," le journal de son
parti, un prédicateur évangéliste révèle
" le choix de Dieu." Il veut Gbagbo à la tête
de la Côte d'Ivoire à cause, dit le message divin,
"des prières de son épouse." |
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Révélant un soutien politique de milieux américains, dans une publication protestante des États-Unis, on lit à propos des opposants à Gbagbo: "Ils réclament un gouvernement musulman et à la fin la charia (loi islamique)... C'est une bataille spirituelle." Pourtant, rien de semblable n'a été demandé par les rebelles. Le 3 janvier 2003, un ancien membre du Congrès écrit dans le Washington Times: "Les mêmes forces islamiques intégristes qui ont semé le désordre dans maintes parties du monde sont à l'oeuvre en Côte d'Ivoire..." On a le sentiment qu'en Amérique des groupes de pression cherchent à mettre de l'huile sur le feu. Faut-il s'étonner, dès lors, des drapeaux américains brandis par les manifestants pro-Gbagbo et, surtout, des slogans de leurs banderoles? "S'il te plaît Bush, aide la Côte d'Ivoire contre le terrorisme français," dit l'une. " Nous avons confiance dans les USA, " affirme l'autre. Dans l'autre Camp, celui des rebelles de coloration musulmane, le MPCI (Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire) apparaît comme la formation principale. On voit se profiler derrière lui le soutien du Burkina Faso, refuge traditionnel des déserteurs de l'armée ivoirienne. On devine aussi l'ingérence de la Libye. On évoque surtout le nom d'Anthony Ward et de sa société, Armajaro. Ce "trader" britannique sévit sur le marché du cacao, dont la Côte d'Ivoire fournit 43% de la production mondiale. Il travaille avec les sociétés américaines ADM, Cargill et AIG Fund, très actives sur le marché du cacao. Or, à la suite de la crise, le prix de la tonne de celui-ci a doublé. La presse Ivoirienne accuse Anthony Ward d'avoir financé la rébellion pour faire monter le prix du cacao, dont il avait acheté des engagements de vente à bas prix. Est-ce un hasard? Depuis 2002, Washington s'intéresse beaucoup au cacao de Côte d'Ivoire:
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Les Français sont tombés dan un piége à double détente. Les Ivoiriens aussi. Dans les deux camps, les Américains se sont servis d'eux comme de marionnettes. Pour semer la désordre et récupérer la mise .
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