La Défense française en péril

octobre 2011

En 1990, nos forces armées comptaient 466 000 soldats dont 240 000 appelés. En 2011, nous n’avons plus que 241 000 hommes sous les drapeaux, dont 96 000 gendarmes, ce qui réduit l’effectif combattant, sans dégarnir les forces de l’ordre, à 145 000. Tout aussi inquiétant, résultat de la suppression de la conscription, nous ne disposons plus que de 57 000 réservistes, contre 240 000 dix ans plus tôt : quatre fois moins. Résultat de ces réductions drastiques, nous n’envisageons pas de projeter plus de 30 000 hommes pour une durée d’un an non renouvelable sur les théâtres opérationnels. Il va nous falloir des guerres courtes, si la défense de nos intérêts le commande, et contre des armées pas trop nombreuses. À titre de comparaison, l’armée chinoise est formée de 1 250 000 soldats et les forces russes d’un million.

Afin de réduire les effectifs militaires, on a d’abord confié des fonctions, autrefois occupées par ces derniers, à des civils. Comme l’entretien et les réparations des véhicules ou les services de bouche. Néanmoins, un appelé du contingent avait reçu une formation militaire de base et, même serveur dans un mess, pouvait porter une arme, au moins pour assurer la garde en cas de besoin. En revanche, un civil ne peut en aucun cas assumer cette tâche.

A partir de 2007, on verrouillait un peu plus, en « externalisant » de nombreux services. En clair, on faisait appel à des entreprises privées pour assumer divers besoins de l’armée.

Aujourd’hui, par exemple, le parc automobile est fourni par « GE Fleet Services ». Cette entreprise a signé un contrat pour 20 120 véhicules commerciaux. Mieux, les véhicules de combat eux aussi sont concernés. Nous louons des unités tactiques, des Range Rover.

Ces choix ont plusieurs conséquences. Aspect considéré comme libératoire d’une contrainte, les réparations sont désormais effectuées par le prestataire de service. Résultat, les mécaniciens civils embauchés par l’armée se retrouvent souvent oisifs. Qu’à cela ne tienne, le ministère envisage de les débaucher, ajoutant quelques chômeurs à la cohorte des sans emplois.

Mais il y a plus grave au regard de notre Défense. Autrefois, quand un véhicule tombait en panne, y compris en zone de combat, des soldats le réparaient sur place. Dorénavant, il faut l’envoyer dans les ateliers civils du prestataire de services.

La contrainte apparaît légère en temps de paix. Mais imagine-t-on le caractère ubuesque de la situation quand un régiment, basé normalement à Toulouse ou à Metz, est envoyé en opération quelque part en Afrique : il faut rapatrier le véhicule par avion, à grands frais, et attendre son retour.

 Année  1990  2011
 Effectif militaire total  466 000  241 000
 Dont, appelés  240 000  0
 Et
gendarmes
 87 000  96 000
Réserve
mobilisable
 350 000  57 000
Budget
annuel
 182 milliards F.
ou 28 M. d’euros
 31 milliards d’euros


Autre aspect auquel personne ne pense, de retour dans leur unité, avons-nous appris de militaires, aucune vérification n’est faite pour détecter des mouchards ou autre matériel espion qui pourraient y avoir été dissimulés.

N’importe qui peut donc installer, par exemple une balise de position, pendant les travaux. Restera au commanditaire du malin, pourquoi pas un agent ennemi, cela arrive en temps de guerre, à suivre notre véhicule sur un écran, pour le détruire ou pour connaître le mouvement de nos troupes sur le terrain.

A cela s’ajoute la dépendance à l’égard d’entreprises étrangères. Les marchés « d’externalisation » sont conclus avec le « moins disant », le moins cher, à la suite d’appels d’offres. Or, contrairement au passé, les fournisseurs nationaux ne sont pas pressentis en priorité.

« GE Fleet Services », par exemple, appartient au conglomérat américain General Electric, basé à Fairfield, dans le Connecticut. Quant aux Ranges Rovers, elles sont fabriquées par la firme Land Rover, à l’origine britannique, mais rachetée depuis 2008 par le trust indien Tata Motors.

On imagine les difficultés auxquelles devrait faire face notre armée si, en plein conflit, un pays ordonnait à ses entreprises de bloquer les fournitures de services.

Au handicap tactique, s’ajoute le manque à gagner pour nos entreprises nationales et donc pour notre économie.

Cet aspect n’est pas négligeable, y compris pour la conclusion de petits marchés. Il y a peu, la Défense lançait un appel d’offre pour 5000 treillis de combat noirs. Trois entreprises étaient sur les rangs, dont la française Paul Boyer. La Tunisie a obtenu le contrat. Autre exemple, notre armée avait besoin de 80 bottines fourrées. Les Chinois ont été choisis comme fournisseur, les Français étant trop chers. Comme si nous pouvions nous aligner sur les prix de l’Empire du Milieu !

Sans doute cette mise en péril de notre appareil de Défense n’est-il pas suffisant. La protection de nos casernements militaires est elle aussi mise en péril.

Autrefois, un peloton, relevé toutes les 24 heures, montait la garde à l’entrée des quartiers et aux points sensibles. En permanence, des sentinelles étaient postées et une partie de l’effectif restait éveillée, les autres se reposant en tenue, prêts à répondre à la moindre réquisition.

Aujourd’hui, dans le cadre de la professionnalisation de l’armée, les tours de garde durent une semaine. Impossible de demander le même effort pendant sept jours que sur la durée d’un seul ! Aussi, durant la nuit, tout l’effectif dort dans des draps et des alarmes électroniques sont disposées aux points sensibles pour remplacer les sentinelles.

Le cas d’un casernement nous a été signalé. Nous tairons son nom pour éviter que l’information ne serve à des « malfaisants ». L’armurerie est à distance du poste de garde, de plus côtoyant la route principale. Selon notre informateur, si l’alarme se déclenche, compte tenu du temps de sa mise en état de réagir et du chemin à parcourir, la garde peut être sur place en dix minutes. En théorie du moins, car à la suite l’alertes intempestives, les hommes sont assez peu réactifs.

Sur ce site, imaginons un commando bien préparé, usant par exemple d’une voiture bélier à partir de la route. Il aurait vite fait de disparaître avec les armes avant que nos soldats ne soient sur place.

Il ne nous reste qu’à prier pour que nous ne soyons pas obligés de mener une vraie guerre. Car, comme Rome autrefois, de lâchetés en renoncements, nous sommes sans défense.

 Le 5 juillet 2011, sur RTL, Hervé Morin a annoncé le risque d’effondrement de la Défense française à partir de 2013.

Devant le journaliste Jean-Michel Apathie, l’ancien ministre de la Défense a dit : « Nos compatriotes doivent avoir en tête qu’ils auront rendez-vous avec l’Histoire en 2013... Parce qu’à la fin de l’année 2012, le budget de la Défense est construit sur un certain nombre de recettes exceptionnelles, la vente d’immobilier, la vente de (NDLR : incompréhensible) qui appartiennent aux armées, vont se terminer. A ce moment, soit la France devra faire l’effort nécessaire pour que nous restions une puissance militaire, soit la France déclinera et connaîtra le même sort que la plupart des armées européennes. Ce que nos compatriotes doivent savoir, c’est qu’une opération militaire comme celle de la Libye, qui n’est pourtant qu’une opération aérienne certes importante, nous ne pourrions pas la mener sans les Américains. Parce que nous n’avons pas les avions ravitailleurs suffisants, nous n’avons pas les moyens d’observation suffisants... Notre système s’effondrerait si nous ne mettons pas les moyens nécessaires à partir de 2013. C’est une question d’indépendance et de souveraineté. C’est un débat majeur de la Présidentielle. J’ajoute qu’il y a quel-que chose que nos compatriotes doivent avoir profondément inscrit en eux-mêmes. C’est que les Européens doivent être en situation d’assurer leur sécurité par eux-mêmes. Que le déclin, le renoncement européens nous amènent à être progressivement dans les mains des Américains... »

Petit bémol à cette envolée patriotique, la France a effectué des coupes sombres dans le budget de la Défense quand Morin était ministre. C’était le moment de monter au créneau.


L’effondrement de notre Défense en cas d’attaque de nos satellites

Dans Xenophon, les cahiers d’Épée *, le colonel Jean-Luc Lefebvre souligne les faiblesses des armées, en général, plus particulièrement de la nôtre, si nos réseaux de satellites se voyaient mis hors d’usage.

En effet, sans satellites, nos télévisions, nos communications, notre couverture de prévision météo, la circulation aérienne, la navigation assistée etc... plus rien ne fonctionnerait. Aveugles, coupées des donneurs d’ordres, nos armées seraient rivées au sol. Lefebvre appelle à une évaluation de notre « résilience » à la cessation de fonctionnement de nos satellites, par exemple à la suite d’une attaque dirigée contre eux. En d’autres termes du degré de dépendance de nos armées des réseaux de satellites. Certes, on connaît la méthode : il faudrait utiliser des systèmes et des méthodes aujourd’hui déclassés ou quasi tombés en désuétude, comme la lecture de cartes papier. « Il n’est pas inutile, remarque-t-il, de continuer à imprimer des cartes et à apprendre à s’orienter avec une boussole (...) Si on ne le fait pas, continue-t-il, dans une vingtaine d’années, et pour prendre ce seul exemple, toute une génération, devenue spatiodépendante, sera à la merci de la moindre défaillance accidentelle ou provoquée des systèmes spatiaux ». L’auteur conclut qu’il convient d’apprendre « à se passer de tout soutien spatial, au moins pour ce qui concerne les fonctions vitales d’un État ».

*Société française de conseil en intelligence stratégique, Épée est dirigée par le colonel Jacques Hogard, ancien de la Légion étrangère et des Forces spéciales.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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