le déclic terroriste |
juin 2010
Le 1er mai 2010, la police de New York découvrait
une camionnette contenant une bombe artisanale faite de feux
dartifice, dune bouteille de gaz et dengrais
agricole, souvent utilisé par les terroristes en raison
du chlorate de sodium ou de potassium que ce type de produits
peut contenir. 53 heures plus tard, à laéroport
Kennedy de New York, les forces de sécurité arrêtaienun
certain Faisal Shahzad, un Pakistanais détenteur de la
nationalité américaine, avant que son avion ne
décolle pour Dubaï. Les enquêteurs et la presse
sinterrogent sur les raisons qui ont amené le jeune
homme à basculer dans le terrorisme. On sait néanmoins le jeune homme dorigine pachtoune, lethnie pourvoyeuse en combattants des Taliban. Le village de la famille de son père, situé dans la région de Peshawar, sappelle Mohib Banda. Ce père nest du reste pas un personnage anodin. Officier dans larmée de lair pakistanaise, il a atteint le grade de « vice-marshal », léquivalent dun général deux étoiles. Il a servi comme pilote de combat et sest fait remarqué par son habileté en matière dacrobaties aériennes. En 1992, quittant larmée, il est devenu assistant du directeur général de laviation civile pakistanaise. Shahzad commence ses études au Pakistan, puis on le retrouve en 1997 dans une université privée de Washington (1). En décembre 1998, il obtient un visa « F-1 student », qui lautorise à rester aux États-Unis pour étudier mais lui interdit de travailler. Cependant, en 1999, il attire déjà lattention. Sur décision des douanes américaines, il est en effet signalé pour avoir introduit environ 80 000 $ en liquide dans le pays. Il nen poursuit pas moins ses études à luniversité de Bridgeport. Étudiant sans histoires, il llait en boîte de nuit le week-end. Cependant, le 11 septembre 2001, regardant les images des attaques à la télévision, un de se camarades laurait entendu dire léquivalent en anglais de : « Bien fait pour eux ». En mai 2002, il décroche son diplôme en informatique et le mois suivant, obtient un visa lui permettant de travailler aux États-Unis. Trois ans plus tard, il a son MBA (2) alors quil travaille déjà comme analyste financier pour le département comptabilité dElizabeth Arden, une compagnie fabriquant des cosmétiques. Entre-temps, le 24 décembre 2004, il épouse Asif Mian, une Pakistanaise de nationalité américaine qui vit dans le Colorado. Cependant, le mariage, arrangé selon la tradition par les parents, se déroule à Peshawar. La jeune femme est elle-même dorigine pachtoune. A ce genre de détails, on mesure, malgré la distance, la dépendance psychologique du jeune homme à son milieu dextraction. Le premier signe de radicalisation dont nous disposons remonte au 25 février 2006, quand Shahzad, envoyant un E-mail à plusieurs de ses amis, écrivit : « Pouvez-vous me donner un moyen de sauver les opprimés ? Un moyen de répondre quand les roquettes pleuvent sur nous et que le sang des musulmans coule ? Quand tout le monde sait que la oumma musulmane courbe léchine sous les pressions de lOccident. Quand tout le monde sait à quelle sorte dhumiliation nous sommes confrontés partout sur la terre ». On comprend que son séjour à Peshawar, à quelques dizaines de kilomètres des sites bombardés par les Américains, a suscité en lui une forte émotion. Dans le même temps, il nen reçoit pas moins la « green card », la carte verte qui lautorise à résider définitivement sur le sol des États-Unis. Le 17 avril 2009, enfin, il obtient la citoyenneté américaine, suite à son mariage. Puis il donne des signes de plus en plus inquiétants de radicalisation. En 2008, au cours dun voyage au Pakistan, déjà il demande à son père « lautorisation » daller combattre en Afghanistan. Celui-ci refuse. Puis il tente dimposer le port du voile à sa femme. Au printemps 2009, enfin, il quitte brusquement son travail et interrompt les remboursements de lemprunt de sa maison. Puis le 2 juin 2009, il appelle sa femme de laéroport de New York. Il lui annonce son départ pour le Pakistan, la laissant libre de le suivre ou de rester. Elle décide de rejoindre sa famille, à Dahran, en Arabie Saoudite, où son père travaille comme ingénieur dans le pétrole. Shahzad réapparaîtra le 3 février 2010. Trois mois plus tard, il sapprêtera à tuer. À la réflexion, nous croyons, quune fois de plus, les services américains ont été victimes de leur trop grande confiance en eux-mêmes. (1) Il sagit de « Southeastern
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