LES GUERRES DU PETROLE

 
Août 2003

 

LES GUERRES DU PÉTROLE

 

 Les États-Unis consomment chaque année un quart de l'énergie produite sur la planète alors qu'ils n'en produisent que 19%. Autrement dit, ils sont déficitaires pour 6%. Pire, en un siècle, ils ont pratiquement épuisé leurs réserves de pétrole. Leur sol ne contient plus que 2,12% des réserves mondiales. Or, rançon du développement, à l'horizon 2020, les experts s'attendent à une demande en hydrocarbures bondissant de 50% dans le monde. Résultat, les Américains craignent de se retrouver dépendants de l'étranger quand la demande va de plus exploser. Voilà pourquoi le contrôle des puits de gaz et de pétrole, mais aussi des pipelines pour les transporter, sont au centre des préoccupations de Washington.

On ne saurait insulter l’intelligence de nos lecteurs en leur annonçant comme un scoop l’intérêt de Washington pour le pétrole irakien. Il faudrait être bien naïf pour ne pas y voir la cause de l’attaque du printemps par Bush et Blair associés dans cet acte de piraterie. Ce n’est cependant pas le seul endroit ou la même cause produit le même effet: la guerre.

 L’OR NOIR DE LA CASPIENNE PASSE PAR GROZNI ET LE KOSOVO

Les récentes découvertes d’hydrocarbures ont transformé la Caspienne en nouvel eldorado. Problème cependant, c’est une mer fermée et pour apporter le pétrole et le gaz il faut traverser la terre ferme. Plusieurs itinéraires s’offrent.

èLe premier envisagé traverse l’Afghanistan et, par le Pakistan arrive dans le Golfe Arabo-Persique. Dès 1994, les Américains ont soutenu les Taliban pour cette raison. Ils comptaient sur eux pour pacifier le pays et construire en sécurité leurs oléoducs. Hamid Karzai, actuel Président du pays, négociait alors sur ce plan avec les Taliban pour le compte de la compagnie pétrolière Delta-Oil. En octobre 2001, l’attaque américaine n’avait pas pour seule cause la volonté de réduire les bastion de l’islamo-terrorisme. Le pétrole jouait aussi son rôle. En pure perte, du reste, car les forces américaines, ne parvenant pas à pacifier le pays, le projet s’est enlisé.

èPour le gaz, le second itinéraire passe par l’Iran, contournant la Caspienne au sud. Il se serait branché sur le réseau de gazoducs en construction ou en projet en Turquie et de là serait dirigé vers le port de Ceyhan en Méditerranée. Cette route, néanmoins, transitant par le territoire de l’ennemi iranien, est inacceptable aux yeux de Washington.

èLes Russes, cependant, veulent rester maîtres dans la région. Fin 1998, ils inaugurent un oléoduc partant du Kazakhstan (au nord de la Caspienne) et rejoignant la Mer Noire, à Novorossisk. Un autre, partant de Bakou, pour rejoindre lui aussi Novorossisk traverse Grozni. Ce passage du pétrole par la capitale de la Tchétchénie explique la férocité de la guerre qui s’y déroule. Comme pour le prouver, en 2000, Gazprom, combinat de l’État russe, a signé un contrat d’exportation pour le gaz du Kazakhstan.

èLe pouvoir américain ne s’estime pas pour autant vaincu. Depuis 1997, plus encore depuis les avancées russes, Washington pousse ses compagnies pétrolières à ouvrir une nouvelle route, le TCP (Trans-Caspian-Pipelines). Transportant gaz et pétrole, il partirait de Bakou, lui aussi, mais pour rejoindre le port de Ceyhan, sur la Méditerranée. Ce projet, pourtant séduisant d’un point de vue politique, rebute techniciens et financiers. Très long, il oblige en outre à franchir les montagnes d’Anatolie. Résultat, il coûte cher. Trop cher.

èA Washington, on sait se montrer pragmatique. Puisque, sauf retournement de situation, les hydrocarbures pompés dans la Caspienne transiteront par les pipelines de Moscou, les Américains passeront pas les Russes et chargeront à Novorossisk et Djoubga. Cela explique les silences américains sur les excès de la guerre en Tchétchénie. Autre difficulté cependant, les Turcs s’opposent à l’accroissement du trafic des pétroliers dans un détroit du Bosphore déjà encombré par le trafic maritime. Pour sortir les hydrocarbures de la Mer Noire, il faut, par voie de terre, franchir les Balkans. Burgas, dans une Bulgarie féodalisée par Washington, doit servir de point de départ. En Albanie, à Vlora, sur la Mer Adriatique, le gaz et le pétrole seront chargés par les Américains. Entre Burgas et Vlora, les pipelines traverseront la Macédoine et le Kosovo. Voilà pourquoi Washington voulait tant, en 1999, attaquer la Yougoslavie.

 

 

 LE CAMP AMÉRICAIN DE BONSTEEL AU KOSOVO

Voilà aussi pourquoi, aujourd’hui, la plus grande base américaine avancée, depuis la guerre du Vietnam, se trouve au sud du Kosovo, à Urosevac, à proximité du tracé des pipelines. Cette base, nommée "Camp Bondsteel," héberge 7000 hommes, compte 300 bâtiments et 25 kilomètres de routes. Elle est protégée par des fortifications de 14 kilomètres de long et 84 kilomètres de lignes barbelées. 55 hélicoptères, Apache et Black Hawk, y sont basés en permanence.

 LE RACKET DE TIMOR

 

Le 20 septembre 1999 une force australienne débarque sur la partie orientale de l’île de Timor. Le 30 août, la population avait voté pour l’indépendance à la suite d’un référendum conduit sous l’égide des Nations-Unies. Endémique, la violence du pays d’occupation, l’Indonésie, redoublait. Aussi, quand les Australiens interviennent, le monde pousse un soupir de soulagement. Mais, la plupart des commentateurs politiques ignorent, ou font mine d’ignorer, le dessous des cartes.

La partie orientale de Timor avait été conquise par la force en 1975. En 1981, la répression avait déjà fait 200 000 morts. Le tiers de la population.

L’Australie conclut alors un ignoble marché. Entre elle et le Timor Oriental, gît de par le fond une immense nappe de pétrole. Le hasard l’a placée plus proche des côtes de Timor. Pourtant, pour se taire aux Nations-Unies à propos des massacres et de l’occupation indonésiennes, l’Australie réclame, et obtient de Jakarta, la plus grosse partie du champ pétrolifère.

Quand, en 1999, le résultat du référendum est proclamé, les Australiens ne volent pas au secours d’un peuple persécuté, ils viennent s’assurer du contrôle du pétrole. La preuve? Lorsque les Timorais demandent une modification des accords passés avec Jakarta et un partage plus équitable des ressources d’or noir, les Australiens refusent et menacent leurs voisins d’interrompre leur aide humanitaire.

Là encore, l’omniprésence de Washington se confirme. A peine l’armée australienne débarquée à Timor, "Philipps Petroleum," une compagnie américaine, prend la tête d’un consortium pour construire un pipeline de 500 km de long, entre le port australien de Darwin et la zone pétrolière timoraise.

 Des violences intolérables ou des crimes contre l’humanité, il en est de nombreux de par le monde. On n’a pas vu les Américains intervenir pour y mettre fin:

Pourquoi? De mauvaises langues disent, parce que ces pays n’ont ni gaz, ni pétrole.

 

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