LOPIUM DE LA DÉMOCRATIE |
novembre 2014
Le 22 septembre dernier, des manifestations détudiants éclataient devant le siège du gouvernement de Hong Kong. Le 26, les rangs des mécontents grossissant, les démonstrations sétendaient, brisant les cordons de policiers. Ponctuellement, les forces de lordre répondirent violemment mais furent vite ramenées à plus de réserve, en raison de lintérêt suscité en Occident par ces échauffourées et du statut particulier dHong Kong. Pour comprendre, il faut remonter deux siècles en arrière. Les puissances européennes cherchaient à semparer de la Chine. La Grande-Bretagne, pour affaiblir le pays, ne trouva rien de mieux que dy introduire de lopium produit dans ses colonies indiennes. En 1839, éclata alors ce que lon appelle la guerre de lopium dont la première phase se termina par le traité de Nankin, le 29 août 1842. Sous la contrainte, lautorité chinoise octroya alors lîle de Hong Kong en concession à lempire britannique. Cette première acquisition territoriale sera augmentée de deux extensions sur le continent en 1860 et en 1898. Une limite a néanmoins été fixée : plusieurs fois reporté, de fait prolongé, le bail ne portait que sur 99 ans et, en termes de droit, la Chine restait propriétaire des lieux. Pour les Britanniques, Hong Kong représenta longtemps une tête de pont installée sur le sol chinois pour étendre leur puissance. Aussi, au début, neu-rent-ils que bien peu de considération pour ces Chinois tout juste mieux traités que du bétail. Aucun système éducatif nétait mis en place, la moindre autorité était détenue par un Britannique et lordre maintenu par des Gurkhas, redoutables guerriers amenés du Népal. Mais, avec la fin de la Deuxième guerre mondiale, sonnait le tocsin des empires coloniaux. La population de Hong Kong se montrait de plus en plus rétive à cette domination oppressive et raciste, très éloignée du modèle français qui, nen déplaise aux grincheux, comportait une large part dassimilation. Résultat, grèves et émeutes éclataient auxquelles les Britanniques répondaient souvent en ouvrant le feu. En 1956, lors de manifestations, 44 personnes furent tuées et en 1967, 28. Tout rassemblement de plus de trois individus était déclaré illégal et un suspect pouvait être détenu pendant six mois renouvelables sans procès. Les Britanniques savaient néanmoins leur autorité sur Hong Kong promise à une fin prochaine. Aussi, dans les années soixante, lancèrent-ils un programme déducation, permettant en outre à la population daugmenter son niveau de vie. De cette mutation naquit une nouvelle population qui se forgea une identité propre, à mi-chemin entre celle des Chinois du continent et le monde occidental. Puis vint le 1er juillet 1997, date dextinction du bail sur Hong Kong et du retour de lancienne colonie dans le giron chinois. Pour y mettre les formes, Pékin promit de préserver un statut démocratique pour lélection du chef du pouvoir exécutif local. Aujourdhui, tout le problème est là : si ce responsable est bien élu au suffrage universel, les candidats ne peuvent se présenter quavec lassentiment du pouvoir central. Cest la fin de cette main mise que réclament les manifestants. Leurs revendications sont dabord bien reçues par le plus grand nombre des citoyens dHong Kong. Mais les manifestations et les barrages dressés par les étudiants gênent la circulation, provoquant lengorgement des transports publics, la fermeture des écoles et des administrations. Résultat, les activités économiques ralentissent. Parmi les premiers à sen plaindre, les chauffeurs de taxi. Le 13 octobre, à leur tour, ils manifestent, écrivant sur leurs véhicules : « On nen peut plus ». En outre, les Chinois continentaux ont pris lhabitude de faire du « shopping » à Hong Kong, faisant de cette forme de tourisme une ressource importante de lenclave. Or, les commerçants parlent dune perte de 5 millions deuros par jour, dune baisse de 50% de la fréquentation des hôtels. Sil tablait sur la lassitude des habitants, Pékin a bien joué ! Aussi, le 14 octobre, quand des hommes masqués déferlent sur les positions des étudiants pour démanteler les barrages, quon le veuille ou non, la population ressent un certain soulagement. Que lon soupçonne ces hommes masqués dappartenir aux Triades, la mafia locale, na que peu deffet sur lopinion. Trahissant en revanche la collusion du pouvoir avec eux, la police charge immédiatement ferrailles et planches formant lossature des barrages détruits dans ses camions. Aux yeux des dirigeants chinois, lenjeu était important. Ils craignaient en effet que les manifestants de Hong Kong, inspirant les mécontents de tout le pays, ne soient pour eux le signal dun soulèvement général. Doù leur prudence, mais aussi leur fermeté, pour gérer la crise.
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