VIKTOR ORBAN
Le lynchage

mars 2012

Depuis début janvier 2012, de concert, la plupart des médias tiennent un discours extrêmement agressif à l’endroit de Viktor Orban, Premier ministre de Hongrie. En résumé on l’accuse d’instaurer une dictature raciste. Nous en entendons même certains annoncer l’arrivée d’un régime fasciste sur les marges de l’Europe. L’entrée en vigueur d’une nouvelle Constitution, le 1er janvier, en Hongrie, à déclencher cette vague d’émotion. Qu’en est-il exactement ?

L
e 18 janvier, littéralement en transe, Daniel Cohn-Bendit déclarait, face à Viktor Orban, dans l’enceinte du Parlement de Strasbourg : « L’Europe n’est pas un paillasson ! Depuis les lois liberticides, votées par votre gouvernement, les SDF, les intellectuels, les juifs, ne se sentent plus en sécurité dans votre pays. Ma famille juive n’est plus en sécurité. Les minorités ont le droit de vivre en sécurité, en Hongrie » (1). Un pogrom des minorités, a commencé contre les Juifs, serait-il en marche en Hongrie ?

Pour répondre à cette question essentielle et à d’autres, nous disposons du texte de la nouvelle Constitution hongroise, traduite en français et publiée près d’un an avant son entrée en vigueur. L’Union européenne avait du reste réuni une commission, dite « Commission de Venise », les 17 et 18 juin 2011, puis édité un rapport dont nous nous servons aussi.

Dans la Constitution, que lisons-nous ? : « Les minorités ethniques vivant en Hongrie sont des éléments constitutifs de l’État. Chaque citoyen hongrois, membre d’une minorité nationale ou ethnique, a le droit d’assumer et de préserver librement son identité. Les minorités ethniques vivant en Hongrie ont droit au développement de leur propre culture, à l’utilisation de leur langue maternelle, à l’enseignement dans leur langue maternelle et à l’utilisation de leur nom dans leur propre langue ». Plus loin : « Les minorités ethniques vivant en Hongrie peuvent créer des organes locaux et nationaux d’autogestion ».

Nous ne voyons-là rien d’agressif à l’endroit des minorités. Bien au contraire ! Pourtant, la Commission de Venise, malgré tout loin de la harangue de Cohn-Bendit, reproche à la nouvelle Constitution de ne parler que du respect des « droits des citoyens appartenant aux minorités nationales, sans définir d’obligations positives de l’État à cet égard ». L’accusation ne tient pas, puisque les droits spécifiques des minorités en question sont affirmés et donc garantis par l’État. Plus grave, quand la Commission dit que la Constitution « tendrait à dire que les membres des minorités ethniques (...) ne font pas partie de la population », on tombe dans la diffamation.

Les attaques contre la Constitution commencent dès le préambule. La Commission de Venise n’a pas manqué d’y noter la référence au christianisme voulue par les Hongrois : « ... que notre roi Saint Etienne (2), lit-on, il y a mille ans, ait placé l’État hongrois sur des fondations solides et ait fait de notre patrie une partie de l’Europe chrétienne » déplait profondément à ceux qu’il convient d’appeler « la ligue anti-chrétienne ». Les mêmes oublient la référence à Dieu dans nombre de Constitutions, à commencer par celles des Britanniques et des Américains, et même l’évocation de la loi islamique, dans celles de la majorité des pays musulmans.

Autres reproches dirigés contre eux, les auteurs de la Constitution on écrit : « Nous rejetons toute prescription sur les crimes contre l’humanité commis envers la nation hongroise et ses citoyens sous les dictatures du national-socialisme et du communisme ». Suivi de : « Nous ne reconnaissons pas la Constitution communiste de 1949 car elle a instauré un régime tyrannique ; nous la déclarons ainsi nulle et non avenue ». Cela trahirait, selon certains, la volonté d’exonérer l’État hongrois des crimes perpétrés sous l’occupation allemande. Pour d’autres, ce qui est contradictoire, de criminaliser les communistes. Nous n’y voyons que le désir des Hongrois de rompre avec ces deux dictatures.

Nous avons même lu sous la plume d’éditorialistes que la Constitution substituait le mot « Hongrie » à la « République de Hongrie », comme s’ils voyaient là une dangereuse intention, à leurs yeux, de retourner à la monarchie. Dans l’article B, sous le titre « Fondements », on lit pourtant : « La Hongrie est une République ».

Les détracteurs de la nouvelle Constitution sont néanmoins sur un terrain plus solide quand ils critiquent l’article D : « Guidée par la cohésion d’une nation hongroise unie, la Hongrie porte la responsabilité de la situation des Hongrois vivant hors des frontières du pays. Elle aide au maintien et au développement de leur communauté... » Lit-on.

Il faut, pour comprendre, se souvenir des conséquences du traité de Trianon, le 4 juin 1920 (2). La Hongrie, dans le camp des vaincus de la Première Guerre mondiale, perdit les deux tiers de son territoire. Des villes à majorité peuplées de Hongrois furent annexées par les pays voisins et un tiers d’entre arrachés à la mère patrie.

On n’a pas oublié l’excuse linguistique invoquée par les nazis pour s’approprier une partie de la Tchécoslovaquie et l’Anschluss pour annexer l’Autriche, annonçant la Seconde Guerre mondiale. Certes, la majorité des Hongrois perçoit comme une injustice cette amputation du territoire mais nulle part nous n’entendons chez eux la volonté de le reconquérir. En revanche, le lien culturel et affectif rattachant les Hongrois à leurs anciens compatriotes reste fort. Nul ne pourrait prétendre à gouverner le pays en reniant cette réalité.

La Commission de Venise n’a cependant pas tort d’attirer l’attention sur cette notion de « responsabilité » de la Hongrie à l’égard des « personnes d’origine hongroise citoyennes d’un autre pays ». Elle pourrait en effet faire « apparaître des conflits de compétences entre les autorités hongroises et celles des pays concernés ».

La Bulgarie et la Roumanie, convient-il néanmoins de rappeler, pour ne parler que de ces deux pays, accordent des passeports aux populations de langue bulgare ou roumaine citoyennes de pays limitrophes. Or, dans ces deux cas, l’Union européenne ne trouve rien à y redire.

La Commission de Venise s’acharne pourtant. Elle trouve en effet « problématique que la liberté de la presse ne soit pas érigée en droit de l’individu, mais en obligation de l’État » dans la Constitution hongroise. Remarque piquante car, en France par exemple, la « liberté de la presse » n’est « pas érigée en droit de l’individu ». Les puissances de l’argent en sont les tuteurs. Il suffit pour s’en convaincre de savoir la plupart des médias appartenant à des groupes financiers et les journalistes perdant leur emploi quand ils ne se montrent pas assez malléables.

Plus comique encore, on a entendu des commentateurs reprocher à Orban de s’ériger en dictateur de son pays en renforçant les pouvoirs présidentiels. Manque de chance, Orban n’est pas Président, mais Premier ministre de Hongrie.

 ORBAN LE MAUDIT

Né le 31 mai 1963, le 16 juin 1989, Orban prononçait un discours à l’occasion d’une cérémonie en faveur des victimes du soulèvement de 1956. Il demandait alors le retrait des troupes soviétiques du pays. En 1990, il devenait député. En 1991, il recevait une bourse de la Fondation Soros, le financier des soulèvements démocratiques en Europe de l’est. À la tête du parti nommé Fidesz, de 1998 à 2002, il servait comme Premier ministre. Obéissant aux règles du mondialisme et de l’ultra-libéralisme, il était alors couvert d’éloges. Le Fidesz ayant perdu les élections, Orban ne retrouvait le pouvoir qu’en 2010, après une victoire écrasante de son parti. Entre temps, il a compris.

Une autre surprise nous attend. Se penchant sur la réforme du pouvoir judiciaire hongrois, la Commission de Venise s’alarme à propos de l’abaissement de l’âge de la retraite des juges de 70 à 62 ans. « La Commission, est-il écrit, s’interroge sur cette mesure, eu égard aux règles et principes fondamentaux d’indépendance, de statut et d’inamovibilité des juges ». Faudrait-il aux Hongrois conserver leurs juges jusqu’à la mort ?

On comprend la Constitution hongroise ne méritant pas les critiques acerbes qu’elle reçoit. Cela sent le prétexte. Mais pour quelle raison ?
Il y a, pour énerver la gauche, l’article L : « La Hongrie défend l’institution du mariage en tant qu’union de vie fondée sur un engagement volontaire entre un homme et une femme... » Les défenseurs du mariage « gay » n’apprécient pas. Il y a aussi l’article II, sous le chapitre « Liberté et responsabilité » qui, disant « La vie du foetus doit être protégée dès sa conception », représente un empêchement à l’IVG.

Mais est-ce suffisant pour déclencher une réprobation aussi généralisée ?

Il faut chercher ailleurs. Le journal « L’Humanité », aujourd’hui obligé à dire quelques vérités pour continuer d’exister, nous ouvre une piste. Il écrivait dans son édition du 18 janvier dernier : « Le principal grief que porte la Commission (européenne) à un nom : indépendance de la Banque centrale... Orban entend faire diminuer le taux d’intérêt, de 7%, qui asphyxie le pays ».

Sur un autre ton, celui de la finance internationale, le « New York Times » du 15 décembre 2011, ne s’exprimait pas autrement. La nouvelle Constitution, lisait-on « apparaît dangereusement proche de l’élimination finale de l’indépendance de la Banque centrale ». Plus loin, le journaliste précisait les causes de l’inquiétude de Wall Street : « Orban a nationalisé des fonds de pensions... » et, crime impardonnable, « le gouvernement a demandé aux banques d’absorber les pertes pour aider les consommateurs hongrois qui ont emprunté de l’argent en francs suisses et en euros ».

Il faut savoir, depuis 2006, le forint, la monnaie hongroise, n’a pas cessé de s’effondrer. En l’espace de six ans, il a perdu plus de 60% par rapport au franc suisse et à l’euro. Les Hongrois, nombreux à avoir contracté des emprunts dans ces monnaies, sont incapables de rembourser. En septembre dernier, à l’instigation d’Orban, le Parlement a voté une loi permettant aux débiteurs de payer leurs dettes à un taux fixé à 180 forints pour un franc suisse.

Voulant s’assurer un certain contrôle sur la Banque centrale et fixant la parité des dettes contractées auprès des institutions financières étrangères, Orban cherche à éviter la ruine de son pays. Il ne veut pas pour la Hongrie le sort de la Grèce et se bat pour cela. Cela déplaît dans les milieux spéculatifs. Voilà la raison du déferlement de haine lancé contre la Hongrie et sa Constitution. Amusant de voir la gauche sur la même ligne que les banquiers de Wall Street pour attaquer Orban.

 

Notes

(1)« Actualité Juive » du 26 janvier 2012.
(2) Voir notre article sur l’Histoire de la Hongrie

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

Lire aussi:
 
 
Retour Menu
Retour Page Accueil