|
juin 2009
|
Un vide inoccupé Au moment de l'invasion de l'Irak, en mars 2003, l'ONU a été délibérément contournée par les Américains donnant ainsi un coup fatal à l'un des fondements de l'ordre international : le multilatéralisme. Ce dernier avait été considéré jusqu'alors comme l'unique garantie d'une prise de responsabilité collective afin de préserver la paix et la sécurité internationale. Les Américains ne se sont pas seulement contentés de marginaliser l'ONU au cours du processus de leur intervention militaire, mais ils ont aussi refusé de lui confier la gestion de l'après-guerre. Leur gestion de la situation a été malheureuse, pour ne pas dire catastro- phique, donnant raison à la boutade de Winston Churchill quand il disait : " Les Américains finissent toujours par trouver la bonne solution, mais seulement après avoir épuisé toutes les mauvaises ". Cette gestion à la petite semaine a poussé les Américains à agir en ne concédant qu'un rôle effacé à l'ONU et en privilégiant leurs intérêts, en dépit de l'ampleur des problèmes et des difficultés rencontrés sur le terrain. Nous sommes loin de l'idéal énoncé dans la Charte des Nations Unies, appelant à "préserver les générations futures du fléau des guerres " L'action de l'ONU, à partir de son retour en 2004, n'a enregistré que de piètres résultats, que ce soit sur le plan politique, cherchant à faciliter la réconciliation nationale irakienne, ou dans le domaine socio-économique, pour assurer la reconstruction d'un pays meurtri par tant de guerres et de sanctions. Cette action demeurée sans effet ni éclat est la cause de l'altération de sa crédibilité de l'ONU et, par là même, celle de l'approche multilatérale dans une région particulièrement fragile. Les différentes résolutions du Conseil de Sécurité sur le mandat de l'ONU en Irak n'ont suscité qu'interrogations, sur leur pertinence, leur efficacité, voire leur faisabilité. La mission de l'ONU était plus destinée à aider l'administration américaine de l'époque qu'à vraiment assister le peuple irakien afin qu'il se rétablisse de sa douloureuse et longue agonie. C'est pourquoi toutes ses actions entreprises par le fameux " International Compact With Iraq ", à propos de la question de Kirkouk, se sont soldées par de cuisants échecs, ne suscitant aucune adhésion et finissant même par s'aliéner tout soutien. D'un autre côté, il est à regretter que ce vide intolérable, ressenti par les Irakiens, n'ait malheureusement pas été comblé par les autres organisations régionales dont l'Irak fait partie. Ainsi la Ligue Arabe, à défaut d'une volonté sérieuse de ses membres d'honorer leurs engagements vis-à-vis de l'Irak, s'est contentée d'encenser son Secrétaire Général, clamant haut et fort devant la presse qu'il a été le premier à décider d'ouvrir une mission diplomatique à Bagdad (Bravo !) et que celle-ci continuera nonobstant les démissions des deux ambassadeurs envoyés successivement sur place. Le premier, en raison des frustrations ressenties, et son successeur, nommé deux ans après, pour motif de santé. Le Secrétaire Général se garde bien d'évoquer les raisons de ces frustrations et ignore délibérément sa part de responsabilité. Face à un constat aussi euphorique, on est en droit de se demander si la mission de la Ligue Arabe à Bagdad, établie depuis avril 2006, va s'attaquer dorénavant à l'instauration d'un plan Marshall en Irak après " sa brillante réalisation de la réconciliation nationale ". Quant à l'organisation de la Conférence Islamique (OCI), fidèle à sa tradition folklorique, elle tente de convaincre qui veut l'entendre que c'est grâce à ses efforts inlassables et à son " document-spectacle de La Mecque " que la guerre civile d'inspiration sectaire qui a ensanglanté l'Irak n'a pas eu lieu. " L'illusion est une foi démesurée " disait l'écrivain français Honoré de Balzac, mais que dire quand cette illusion est elle-même démesurée.
|
Il est inapproprié d'aborder la question de la réconciliation nationale en Irak sans reconnaître le caractère structurel de sa problématique. D'autant plus, qu'en tant que voie de rédemption, elle est de tous les discours, qu'ils émanent du pouvoir en place, de ses opposants, de la puissance occupante, des bailleurs de fonds ou des différents antagonistes. Après 2003, aux conflits qui opposaient les Irakiens, entre partisans et adversaires d'un processus politique sous occupation, s'en sont greffés d'autres, morcelant comme jamais la société irakienne. Il faut dorénavant évoquer la nécessité de réconciliations multiples. Réconciliations qui requièrent, au préalable, l'acceptation d'un projet politique inclusif, assurant la participation de tous les Irakiens, édifiant une nation sur le principe de la citoyenneté et garantissant la pluralité et la justice pour tous. La fragmentation politique irakienne actuelle a évolué dans un climat de méfiance totale et d'absence quasi absolue de dialogue réel entre les différents acteurs. En outre l'environnement, tant régional qu'international, ne semble pas faciliter la tâche pour trois raisons principales :
La réconciliation en Irak doit surgir de la volonté des Irakiens et non pas être imposée. Elle ne saurait voir le jour sans une prise de conscience décisive et courageuse de toutes les parties à se libérer des pulsions de haine et de violence, afin de se reconnaître les unes et les autres. Toutes les conférences de réconciliation organisées jusqu'à ce jour n'ont été que leurres. A celle d'Helsinki, par exemple, le document final n'a été signé que par une partie des membres du Parlement : Fallait-il faire un voyage dans le nord de l'Europe pour parapher un document dont les signataires se rencontrent tous les jours au palais des congrès à Bagdad ? D'autre part, la plupart de ces documents martèlent " l'impossibilité de se réconcilier avec ceux dont les mains sont tachées du sang des innocents ". On est pourtant en droit de se demander qui, en Irak, au cours des cinquante dernières années, ne s'est pas souillé les mains de sang ? La normalisation politique et institutionnelle, comme priorité, doit prôner un réel "désarmement des curs " qui aiderait les Irakiens - tous les Irakiens - à comprendre que la stabilité et la pérennité de leur pays passent par l'entente nationale. Cette entente, dans un voisinage compliqué, est la seule garantie de " l'immunisation " de l'Irak à l'intérieur. La reconstruction ne peut être réalisée ni par la " justice du vainqueur ", ni par un système politique établi sur des bases d'exclusion ethnique ou religieuse. Elle ne naîtra que du succès d'un projet politique présentant les caractéristiques suivantes :
Enfin nulle volonté politique ne doit faire oublier au peuple irakien et à sa belle mosaïque de populations, que le but des réconciliations n'est pas d'embellir le passé ou le présent, mais d'éviter que les plaies ne restent ouvertes et ne deviennent des sources de rancoeurs qui obèrent l'avenir du pays. |
www.recherches-sur-le-terrorisme.com |