IRAN : LE COUP DE JARNAC
DES RÉFORMATEURS

juillet 2013

Hassan Rohani
L’élection d’Hassan Rohani à la Présidence de la République d’Iran est un beau coup tactique des réformateurs.


C
omme les radicaux, les réformateurs ont d’abord laissé monter plusieurs candidats : Reza Aref, Hassan Rohani et Ali Akbar Rafsandjani. Ce dernier, en raison de l’animosité du guide Ali Khamenei à son égard, n’avait aucune chance de passer le filtre du Conseil des Gardiens, chargé d’éliminer les « candidatures non conformes ».

Rafsandjani
Rafsandjani
lui-même le savait. Son fils travaillait à la campagne de Rohani avant que son père ne dépose sa candidature. Pour la forme, il est entré au bureau électoral de ce dernier, pendant quelques jours, avant de retourner au service de Rohani une fois Rafsandjani écarté.

Jouant les humbles jusqu’au bout, les réformateurs n’ont dévoilé leurs batteries qu’au dernier moment : Reza Aref s’est démis en faveur de Rohani quand Rafsandjani et Mohammad Khatami (photo ci-contre), tous deux anciens Présidents, appelaient les Iraniens à voter pour le seul réformateur en lice.

Pendant ce temps, les radicaux se présentaient nombreux. Si nombreux que trois d’entre eux avaient conclu un accord de désistement en faveur du mieux placé pour le deuxième tour.

Mais il n’y aura pas de deuxième tour. Au premier, le 14 juin, Rohani a remporté la majorité absolue avec 50,71% des suffrages exprimés, bénéficiant d’une mobilisation record de plus de 72% des inscrits. Le discours de Rohani, dénonçant avec virulence les excès du régime, a fini de peser dans la balance.

KhameneiOn peut néanmoins se demander si Khamenei (photo ci-contre), le guide, a bien été dupe de ce qui se passait. Si le candidat qui semblait avoir sa faveur, le radical Saïd Jalili, avait été élu, nombre d’Iraniens pouvaient descendre dans la rue dans quelques mois, gagnés par les exemples arabes et turc.

Finalement, l’élection de Rohani sauve le régime. Mais pour combien de temps ? Sans l’accord de Khamenei aucune réforme ne peut avoir lieu, aucun abaissement de la tension avec l’Occident ne peut prendre place. En clair, sans son feu vert, l’économie iranienne, plombée par les sanctions, ne peut pas se redresser et les Iraniens voir s’améliorer leur quotidien. D’un côté, il y a la rigidité dogmatique de Khamenei, de l’autre, la pression populaire représentée par le nouveau Président. Rien n’est sûr mais tout est possible.

En Occident, intuitivement, les responsables gouvernementaux l’ont bien compris. Souhaitant un Iran redevenu fréquentable, ils donnent sa chance à Rohani. Même dans les pays sunnites du Moyen-Orient on respire un peu mieux. Il n’y a qu’Israël à rester sur une position de fermeture à l’égard de Téhéran. À un tel point que l’on se demande si, pour Tel-Aviv l’Iran n’est pas après tout qu’un « ennemi utile ». Il sert d’épouvantail et maintient l’Occident en état d’alerte, permettant de reporter aux calendes grecques l’indispensable création d’un État palestinien, sinon dans la justice au moins dans l’équité.

Voilà pourquoi la suite des événements en Iran apparaît primordiale. Mais elle l’est aussi pour faire baisser la tension sur d’autres fronts. En Afghanistan où plane le risque d’une confrontation par Afghans interposés entre le Pakistan et l’Iran après le départ des Occidentaux. En Syrie, où le soutien de Téhéran à un régime vacillant favorise la montée des islamistes radicaux. Au Liban, où le Hezbollah soutenu par l’Iran opte de plus en plus ouvertement pour la solution de force, contaminé par la Syrie. Dans le Golfe et en Irak, où poussant les minorités chiites le régime perse déstabilise les monarchies en place. L’Afrique même, où ses réseaux jouent un rôle de plus en plus préoccupant suscitant des fractures religieuses qui seront difficiles à réduire.
En définitive, on comprend l’Iran, grâce à la religion chiite et à l’argent, ayant aujourd’hui un rôle international. Sans doute faut-il y voir la raison principale de l’animosité israélienne,
les réseaux des deux pays se retrouvant souvent sur les mêmes terrains : en Afrique, au Kurdistan irakien, en Turquie, dans le Golfe, voire dans les territoires palestiniens.

En fait, de la décision de Khamenei dépend l’avenir de l’Iran mais aussi la sécurité de tout le Moyen-Orient. Il est temps, pour l’une des plus vieilles civilisations de la planète, de se rappeler les règles de sagesse.

Hassan Chirazi

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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