« Nous avions lhabitude
de penser, et beaucoup dentre nous le pensent encore, que
nous « sommes les meilleurs du monde ». Voici
donc quelques aperçus sur ce sujet.
Après la Guerre des Six jours,
en 1967, nous pensions que nous étions la plus
puissante des nations du Moyen-Orient et du monde. Déjà,
avant, nous avions enlevé Adolf Eichmann en Argentine,
secouru plus tard nos otages en Ouganda, tué des
archi-terroristes dans leurs lits à Beyrouth, détruit
un réacteur nucléaire à Bagdad et,
selon des sources étrangères, aussi assassiné
un coordinateur du terrorisme dans son hôtel, à
Dubaï. Alors, ne sommes-nous pas les meilleurs?
Les albums de victoire, les chants
de la victoire et les chefs militaires qui présidaient
au triomphe de 1967 nous ont portés à de
tels sommets que nous navons pas remarqué que les
armées arabes se redressaient peu après la Guerre
des Six jours, en particulier lappareil militaire égyptien.
Nous ne voulions pas non plus admettre que la Guerre dUsure
(1), de 1968 à 1970,
ne se termina pas sur une victoire indiscutable.
Puis vint la surprise du Yom Kippour
(2), qui aurait dû nous inspirer
une ou deux choses en termes de modestie, suivie de la Guerre
du Liban (3), qui fut loin dune
histoire à succès, et qui nous amena à rester
dans ce pays pendant dix-huit sanglantes années,
pour ne pas mentionner la Seconde
Guerre du Liban (4).
Dune certaine manière, nous navions pas remarqué
que les armées arabes avaient tiré les leçons
de chaque guerre et trouvé des solutions pour contrebalancer
la super puissance des Forces de larmée israélienne
: des groupes anti-chars contre notre force blindée, des
missiles pour faire face à notre aviation et des attaques
contre notre population civile.
Nous étions habitués
à penser que les Arabes sont bornés. Bien sûr,
pas tous, mais encore à ce jour, nous semblons penser
que quelque chose de génétique les empêche
dêtre aussi intelligents que nous le sommes. Ils
sont primitifs, ils shabillent détrange façon
et la plupart dentre eux sont incultes.
Attendant lappel téléphonique.
Je me souviens combien nous étions abasourdis quand, il
y a plusieurs années, nous avons accompagné Yitzhak
Rabin pour rencontrer Anwar Nuseibah, un ministre
palestinien du gouvernement jordanien. Incroyable, nous a dit
Rabin après la rencontre, il parle un si bel anglais
! Quoi, un Arabe, un Palestinien, parlant anglais comme un diplômé
dOxford, révélant sa connaissance
de lHistoire et utilisant une cuillère pour mélanger
le sucre dans sa tasse de thé ? Il y a quelque chose danormal
dans tout ça.
Nous pensions aussi que les Américains
sont des imbéciles. Nous les avons trompés pendant
toutes ces années avec des clins doeil, espérant
quils croiraient que nous avons tout simplement un tic
dans loeil. Vous, à Washington, vous nous
reprochez doccuper des territoires ? Allons ! Vous refusez
Jérusalem comme capitale dIsraël ? Vous
nous faites rire. Vous dites que nous inventons de nouvelles
définitions et fabriquons des mots pour aller plus loin
dans nos projets ? (« Zones de sécurité
» (5), afin détendre
nos implantations, « Terres propriétés
de lÉtat » (6)
pour confisquer de nouvelles étendues etc...) Pourquoi
est-ce que vous ne bombardez pas la table pendant que vous y
êtes ?
Nous pensions que nous avions tous
les droits après lHolocauste et les six millions
de morts. Le monde nétait-il pas silencieux quand
nos grands-parents étaient brûlés ? Alors
le monde doit payer. Nous méritons ce quil y a de
mieux.
Comment navons-nous pas compris
que ces temps derniers, la mémoire de lHolocauste
allait pratiquement sévaporer des couloirs de la
politique mondiale ?
Nous pensions aussi que les grands
vainqueurs et les génies que nous sommes nont quà
attendre « lappel téléphonique »,
comme le disait notre légendaire ministre de la Défense,
Moshé Dayan, après la Guerre des Six
jours. Nous croyions que les ennemis défaits supplient
toujours pour sauver leurs vies et offrent la capitulation, un
accord et la paix. « Nous attendions lappel téléphonique
».
Nous pensions aussi que nous avions
tout le temps sur cette terre. Nous croyions, et nous le croyons
encore aujourdhui, que le temps est de notre côté.
Nous avons eu des « fenêtres dopportunité
» : à la chute de lUnion Soviétique,
le patron des Arabes ; quand notre ennemi, la Syrie, allait
très mal ; quand lOrganisation de libération
de la Palestine était en liquidation (7).
Et alors, quavons-nous à
faire avec tout ça ? Après tout, nous sommes éternels.
Nous sommes patients. Nous avons attendu 2000 ans, pourquoi nattendrons-nous
pas un peu plus ? Les Arabes devront venir supplier sur leurs
quatre pattes ; les Américains seffondreront et
viendront mendier devant nous ; le monde va apprendre à
vivre ».