Sommes nous tous des terroristes ?

août 2011

Les informations apparaissent très contradictoires concernant la problématique du terrorisme. D’un côté, en juin dernier, au cours d’un sommet tenu à Téhéran, l’Iran, l’Afghanistan et le Pakistan se déclaraient décidés à « lutter ensemble contre le terrorisme ». Ces propos semblent surprenant de la part de deux de ces pays, l’Iran et le Pakistan, eux-mêmes liés à des organisations terroristes. Et pourtant ! Comment faut-il qualifier l’assassinat d’un physicien nucléaire iranien sur la voie publique à Téhéran ? Le terrorisme serait-il devenu une arme que tout le monde utiliserait, sous prétexte de se défendre, tout en reprochant à ses adversaires d’en faire usage ?

On comprenait les repères se perdant dans les labyrinthes de la politique quand, commentant la mort de cinq soldats français, le 13 juillet en opération en Afghanistan, Nicolas Sarkozy qualifiait leur disparition de « lâche assassinat ».

Bien sûr que nous déplorons la perte de ces vies humaines et nous associons par la pensée à leurs familles. Nous saluons aussi le dévouement de ces combattants qui, par vocation souvent, ont choisi de mettre leurs existences en péril au service de notre pays.

Pour le communiqué de l’Élysée : « Un terroriste a déclenché sa bombe à proximité des soldats français, blessant grièvement quatre autres soldats français et trois civils afghans ».

S’agit-il pourtant d’un acte terroriste ? Ces soldats armés, en tenue de combat et opérant en territoire étranger, effectuaient une mission de guerre. Or, à la guerre, des deux côtés, on prend le risque d’être tué.

En outre, le bilan de la tragédie le prouve, les soldats français étaient la cible principale de cette attaque. Si des civils ont été touchés, on peut certes le reprocher aux Taliban ou à tout autre groupe responsable de l’opération. Néanmoins, trop souvent, lors des raids effectués par les « drones » américains au Pakistan, ou des largages de bombes par l’aviation française en Libye, des civils perdent aussi la vie. Pourrait-il en être autrement quand on tire sur des concentrations de combattants dans des lieux résidentiels ? Nous viendrait-il pourtant à l’esprit de qualifier ces bombardements de terroristes ?

Quant à l’usage d’une bombe, un engin piégé en réalité, on ne peut pas non plus en faire le reproche aux attaquants. Dans l’armée française, on apprend aux recrues à installer des roquettes, elles aussi piégées, pour tendre des embuscades à des patrouilles ennemies. Tout cela relève des usages de la guerre et non du terrorisme.

En revanche, on ne peut qualifier d’acte de guerre conventionnelle l’assassinat délibéré d’un civil.

Le 23 juillet, Darius Rezainejad, physicien nucléaire iranien, était tué de cinq balles par deux hommes à moto en plein Téhéran. Citant une source du Mossad, « Der Spiegel », hebdomadaire allemand, attribuait cet assassinat aux Israéliens. Une véritable offensive semble viser les scientifiques nucléaires de Téhéran : en novembre dernier, un autre ingénieur nucléaire, Majid Shahriar, était tué par une bombe placée sous sa voiture et son confrère, Fereidoun Abbasi, blessé dans un autre attentat ; en janvier, Massoud Ali Abassi, encore un expert nucléaire, était tué par une moto piégée. À chaque fois, des médias juifs se sont réjouis, laissant entendre avec délectation que ces attaques portaient la signature du Mossad.

En mai 2011, Moshe Kimhi, consul d’Israël en Turquie, échappait de peu à un attentat dirigé contre lui à Istanbul. Nous le connaissons et déplorons que sa vie ait été exposée. Plus tard, le 19 juillet dernier, le quotidien italien « Corriere Della Sierra » accusait le Hezbollah d’avoir tenté de le tuer.

Nous n’avons pas cherché, dans ces lignes, à savoir si les uns et les autres étaient fondés dans leurs positions bellicistes. Nous n’avons évoqué que la méthode. Pour ce faire, nous avons mis en évidence ce qui sépare terrorisme et guerre conventionnelle.

Cependant, quand on recourt au premier, on ne saurait se réclamer du respect à son endroit des règles de la seconde. Parodiant l'adage biblique bien connu, nous dirons « qui a vécu par le terrorisme périra par le terrorisme ». Cela vaut pour les Iraniens, comme pour les Israéliens. En attendant, les uns comme les autres sont ridicules, quand ils affirment avec hauteur vouloir combattre le terrorisme tout en le pratiquant.

Alain Chevalérias

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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