FEU DE BROUSSE
AU MALI

octobre 2012

Le Figaro du 2 septembre dévoilait une rencontre secrète entre les autorités algériennes et une délégation d’Ansar Eddine, l’un des mouvements qui a pris le contrôle du nord du Mali. À Bamako, où l’on privilégie l’action militaire pour reprendre le territoire, on est furieux, quand à Alger, dont plusieurs ressortissants sont retenus en otages au nord du Mali, on est en faveur d’une « sortie de crise pacifique ».

Pour évaluer la situation, il faut retourner à sa genèse. Depuis une dizaine d’années, autrefois dénommé GSPC, un mouvement islamiste algérien, aujourd’hui appelé AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique), s’est implanté dans le nord du Mali. Il a transformé ce pays en sanctuaire où il retient des otages, le plus souvent français.

Le 17 janvier dernier, le MNLA, mouvement régionaliste nordique, se soulevait dans le nord du Mali. Puis, les 21 et 22 mars, l’armée malienne renversait le pouvoir en place à Bamako. Certes, l’intervention politique de la CEDEAO * permettait de nommer un Président et un Premier ministre civils, mais les putschistes n’en continuaient pas moins d’exercer une influence de fait sur la vie politique du Mali.

Profitant de la confusion, le MNLA prit les dernières garnisons et étendait son contrôle à tout le nord du Mali quand une scission éclata en son sein sous le nom d’Ansar Eddine. Or, si le MNLA prône une politique laïque, Ansar Eddine se réclame d’un islamisme radical. Plus grave, il est allié avec l’AQMI et le MUJAO, lui même une subdivision de l’AQMI.

La cohabitation entre les islamistes et le MNLA ne pouvait pas durer. Fin juin, Ansar Eddine, l’AQMI et le MUJAO attaquaient celui-ci à Gao et le chassaient de la plupart des villes. Puis les islamistes, au nom de la charia, interdisaient la musique, l’alcool, les cigarettes, détruisaient des mausolées, procédaient à des flagellations et à l’amputation des mains des voleurs.

Les pays de la CEDAO s’inquiètent. D’une part ils craignent la contagion de tendances sécessionnistes dans toute la région sahélienne. D’autre part, avec l’Europe et les États-Unis, ils appréhendent l’apparition d’une zone grise échappant à tout contrôle étatique. Une sorte d’émirat islamiste y prospérerait, engendrant l’insécurité dans toute la région. Il faciliterait le transit de la cocaïne sud-américaine vers l’Europe et servirait de base d’assaut terroriste contre ce continent. De plus, il mettrait en danger les entreprises occidentales de la région, comme les mines d’Arlit, au Niger, site d’où la France tire plus de 30% de l’uranium nécessaire à ses centrales nucléaires.

En clair, personne ne peut tolérer que le nord du Mali échappe à Bamako. Mais comment y restaurer la légalité ? Depuis avril, les États de la CEDAO ont décidé la constitution d’une force de 3300 hommes. Le 23 septembre, l’organisation a ordonné l’assemblage du corps expéditionnaire et, le 13 octobre, dans la résolution 2071, le Conseil de Sécurité des Nations Unies, répondant à la demande du gouvernement malien, se déclarait favorable « à ce qu’une force armée internationale prête son concours aux forces armées maliennes en vue de la reconquête des régions occupées du nord du Mali ».

Quant à la France, par la voix de François Hollande, elle s’est dite prête à fournir l’aide logistique nécessaire sans pour autant envoyer des troupes.

Le MNLA, pour sa part, réagit avec mesure. S’il se réjouit d’une intervention qui aurait pour cible les groupes islamistes, il craint que le terme de « reconquête », brouillant les cartes, ne fasse de lui une cible.

Plus que jamais, des négociations sont nécessaires entre le MNLA et les autorités de Bamako. Ils ont tous les deux un ennemi commun, l’islamo-terrorisme, et sont par conséquent appelés à s’entendre sur le reste : une autonomie du nord du Mali dont il faut définir le cadre.
Entretenant des rapports ambigus avec les islamistes, Alger s’oppose à l’offensive militaire. Cependant, ses diplomates viennent d’essuyer une nouvelle déconvenue approchant un à un les gouvernements des pays du champ pour les convaincre de rallier la position de l’Algérie. Personne ne veut se laisser convaincre que la meilleure approche consisterait à accorder une dose de légitimité à des terroristes et de plus des preneurs d’otages.

L’intervention militaire apparaît comme l’option la plus probable et la mieux adaptée à la situation. Reste à en définir les objectifs.

* Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, regroupant 8 pays francophones, 5 anglophones et 2 lusophones.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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