prophète maudit |
mars 2010
Maurice Allais, ce nom est quasiment inconnu
de lopinion. Il a pourtant reçu le prix Nobel déconomie
en 1988 et, à ce jour, est le seul Français ayant
reçu cette distinction. Certes, certains pourront vous
opposer que Gérard Debreu, élève dAllais,
a lui aussi été honoré de ce prix en 1983.
Mais enseignant à lUniversité de Berkeley
(Californie), il est naturalisé américain depuis
1974. On sétonne, par conséquent, de labsence
dAllais dans les colonnes des médias, à une
époque où la science économique apparaît
aussi déterminante. Une réponse et une seule :
Maurice Allais pense mal, il est anti-mondialiste et contre lEurope
de Maastricht. Pendant la guerre, il sert dans un bataillon de chasseur alpin, puis se retrouve directeur du Bureau de documentation et de statistiques minières, mais dès 1948, il opte pour lenseignement et la recherche et publie de nombreux livres. Encore faut-il préciser quAllais mène deux carrières de front. Économiste, ce qui lui vaut notre intérêt, il est aussi physicien et sest intéressé à la gravitation et à la « relativité restreinte », remettant partiellement en question la théorie dEinstein. Au cours des dernières années, la seule publication à avoir vraiment ouvert ses colonnes à Allais est le très ambigu hebdomadaire « Marianne ». Nous lisons sous sa plume : « Le point de vue que jexprime est celui dun théoricien à la fois libéral et socialiste. Les deux notions sont indissociables dans mon esprit car leur opposition mapparaît fausse, artificielle ». Il explique : « Lidéal socialiste consiste à sintéresser à léquité de la redistribution des richesses, tandis que les libéraux véritables se préoccupent de lefficacité de la production de cette même richesse ». En dautres termes, il ne faut pas confondre socialisme et parti socialiste. Comme il ne faut pas confondre libéralisme, ou liberté dentreprendre, et ultra-libéralisme, la promotion dun univers économique sans régulations qui permet aux plus forts, les grandes banques et les trusts internationaux, dassujettir tous les agents économiques. Il met le doigt sur une conséquence sociale grave des dérives de lultra-libéralisme : « Lessentiel du chômage que nous subissons, dit-il, tout au moins le chômage tel quil sest présenté jusquen 2008, résulte précisément de cette libéralisation inconsidérée du commerce à léchelle mondiale sans se préoccuper des niveaux de vie ». Car, pour Allais, on ne peut ouvrir les frontières entre pays quà condition de jouir dun niveau de vie équivalent. Sinon, on provoque la délocalisation des industries vers les zones à bas salaires. « Parmi les multiples vérités qui ne sont pas abordées, se trouve le fondement réel de la crise actuelle : lorganisation du commerce mondial, quil faut réformer profondément, et prioritairement à lautre grande réforme également indispensable que sera celle du système bancaire ». Voilà qui sappelle enfoncer le clou. Du reste, il précise : « Crise et mondialisation : les deux sont liées ». Iconoclaste, il va jusquau bout : « Je nétais pas convié sur les plateaux de télévision quand jannonçais et écrivais, il y a plus de dix ans, quune crise majeure accompagnée dun chômage incontrôlé allait bientôt se produire. Je fais partie de ceux qui nont pas été admis à expliquer aux Français ce que sont les origines réelles de la crise alors quils ont été dépossédés de tout pouvoir réel sur leur propre monnaie, au profit des banquiers ». Vous navez pas encore compris ce que cet homme dénonce ? Lisez ! « Cette ignorance, continue-t-il, et surtout la volonté de la cacher grâce à certains médias dénotent un pourrissement du débat et de lintelligence, par le fait dintérêts particuliers souvent liés à largent. ». Allais en vient aux questions de fond sur la presse : « Quelle est la liberté véritable des grands médias ? Sinterroge-t-il. Je parle de leur liberté par rapport au monde de la finance tout autant quaux sphères de la politique ». Il poursuit : « Qui détient le pouvoir de décider quun expert est ou non autorisé à exprimer un libre commentaire dans la presse ? » Certains lecteurs en auront une idée. Il était néanmoins important de voir, comment un homme, dont lintelligence supérieure ne fait pas de doute, subit lexil intérieur pour professer ces idées. |
www.recherches-sur-le-terrorisme.com |