UNIQUE EUROPÉENNE |
avril 2010
La monnaie unique européenne nous conduit-elle
à la catastrophe ? Oui affirme une étude, qui némane
pourtant pas des milieux souverainistes, prompts selon leurs
adversaires à des visions catastrophistes. Elle est le
fait de lInstitut Turgot, cercle de réflexion libéral,
fondé en 1990 à Bruxelles et auquel appartient
Claude Bébéar. Il est vrai quil attaquait sans ménagement les fondamentaux de lEurope de Maastricht et annonçait léchec, selon lui programmé, de leuro. De surcroît, un tantinet iconoclaste, il tirait à boulets rouges sur les responsables européens de lépoque, Jacques Delors, François Mitterrand, Helmut Kohl ou John Major, voire même Jean-Claude Trichet. Il ne manquait pas dépingler leurs travers et petitesses avec un certain talent. 15 ans plus tard, il faut avouer quil na pas changé davis, comme le prouve son étude, publiée le 14 mars par lInstitut Turgot. Il écrit : « Jusquau début de la crise financière mondiale, lUnion monétaire européenne était peut-être lexemple au monde le plus flagrant dun système Madoff (2) à grande échelle. Plusieurs pays de la zone euro (lEspagne, la Grèce, le Portugal et lIrlande), avaient des déficits courants élevés ou croissants, que ne justifiaient ni lattrait dune croissance rapide de la productivité, ni celle de taux de rentabilité attendus sur les investissements. En fait la croissance de la productivité ne cessait de diminuer, alors que les déficits y augmentaient ». Lauteur insiste sur la situation de lEspagne qui « avait enregistré une croissance effectivement nulle de la productivité totale des facteurs (économiques) depuis le début de la décennie : une grande partie de son taux de croissance relativement rapide ne provenait que dune baisse du chômage et dun niveau très élevé dimmigration » « Pourquoi ces pays se trouvaient-ils dans cette situation ? Sinterroge Connolly. La réponse est simple : cétait la faute de lUnion monétaire. (Dans ces quatre pays), le niveau élevé de la demande intérieure nétait quun effet de la bulle mondiale de crédit. Cependant, la bulle y était considérablement amplifiée parce que le marché pensait quen labsence de monnaies nationales, du fait de lUnion monétaire, il ne pouvait plus y avoir de crise financière ». En dautres termes, les Espagnols, les Grecs, les Portugais et les Irlandais vivaient à crédit et pensaient pouvoir toujours emprunter plus, pour rembourser leurs dettes tout en continuant de dépenser. Cest bien un système Madoff. Connolly propose plusieurs solutions. « Une dévaluation substantielle de leuro, suggère-t-il, permettrait aux pays touchés par un déficit de la balance courante (3) daccroître leurs exportations nettes (4) (...) Leur niveau de vie chuterait (...) mais au moins on éviterait la dépression, le chômage de masse, la déflation, les faillites et un éventuel effondrement politique et social ». Il présente comme autre possibilité : des transferts annuels, des dons en fait, des plus riches aux États déficitaires. Or, pour pouvoir fournir cet argent, il ne voit que lAllemagne. Mais, celle-ci, croit-il, nest pas disposée à tant de générosité, même si elle est la principale bénéficiaire de linstauration de la monnaie unique. Connolly ne voit plus alors que la sortie de leuro des pays déficitaires, la monnaie unique ne restant lapanage que dun bloc formé autour de lAllemagne. « Y a-t-il une autre option ? Continue-t-il. Se pourrait-il que ce soit lAllemagne et les pays qui lui sont le plus liés qui décident eux-mêmes de sortir de leuro ? En termes purement économiques, ce serait sans aucun doute la moins mauvaise de toutes les solutions, étant donné que la meilleure possible que lunion monétaire nait jamais vu le jour -- nest, par définition, plus à notre portée ». Une analyse qui donne froid dans le dos quand les libéraux eux-mêmes, pourtant mondialistes et européistes, la produisent dans lun de leurs cercles de réflexion.
(1) En français : « Le coeur
pourri de lEurope ». Ce livre a été
publié chez Albin Michel dans notre langue, en 1999, sous
le titre « La sale guerre de la monnaie européenne
». |
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