LE DRAME

DE LA MONNAIE
UNIQUE EUROPÉENNE

avril 2010

La monnaie unique européenne nous conduit-elle à la catastrophe ? Oui affirme une étude, qui n’émane pourtant pas des milieux souverainistes, prompts selon leurs adversaires à des visions catastrophistes. Elle est le fait de l’Institut Turgot, cercle de réflexion libéral, fondé en 1990 à Bruxelles et auquel appartient Claude Bébéar.

Cette étude a été écrite par Bernard Connolly, économiste sorti d’Oxford, pendant 17 ans fonctionnaire de l’administration européenne et chargé à ce titre de mettre sur pied la monnaie unique de l’Union. En septembre 1995, cependant, il publiait un livre sous le titre « Rotten heart of Europe » (1). Dans le mois qui suivit, il fut mis à pied par Bruxelles.

Il est vrai qu’il attaquait sans ménagement les fondamentaux de l’Europe de Maastricht et annonçait l’échec, selon lui programmé, de l’euro. De surcroît, un tantinet iconoclaste, il tirait à boulets rouges sur les responsables européens de l’époque, Jacques Delors, François Mitterrand, Helmut Kohl ou John Major, voire même Jean-Claude Trichet. Il ne manquait pas d’épingler leurs travers et petitesses avec un certain talent.

15 ans plus tard, il faut avouer qu’il n’a pas changé d’avis, comme le prouve son étude, publiée le 14 mars par l’Institut Turgot.

Il écrit : « Jusqu’au début de la crise financière mondiale, l’Union monétaire européenne était peut-être l’exemple au monde le plus flagrant d’un système Madoff (2) à grande échelle. Plusieurs pays de la zone euro (l’Espagne, la Grèce, le Portugal et l’Irlande), avaient des déficits courants élevés ou croissants, que ne justifiaient ni l’attrait d’une croissance rapide de la productivité, ni celle de taux de rentabilité attendus sur les investissements. En fait la croissance de la productivité ne cessait de diminuer, alors que les déficits y augmentaient ».

L’auteur insiste sur la situation de l’Espagne qui « avait enregistré une croissance effectivement nulle de la productivité totale des facteurs (économiques) depuis le début de la décennie : une grande partie de son taux de croissance relativement rapide ne provenait que d’une baisse du chômage et d’un niveau très élevé d’immigration »

« Pourquoi ces pays se trouvaient-ils dans cette situation ? S’interroge Connolly. La réponse est simple : c’était la faute de l’Union monétaire. (Dans ces quatre pays), le niveau élevé de la demande intérieure n’était qu’un effet de la bulle mondiale de crédit. Cependant, la bulle y était considérablement amplifiée parce que le marché pensait qu’en l’absence de monnaies nationales, du fait de l’Union monétaire, il ne pouvait plus y avoir de crise financière ». En d’autres termes, les Espagnols, les Grecs, les Portugais et les Irlandais vivaient à crédit et pensaient pouvoir toujours emprunter plus, pour rembourser leurs dettes tout en continuant de dépenser. C’est bien un système Madoff.

Connolly propose plusieurs solutions.

« Une dévaluation substantielle de l’euro, suggère-t-il, permettrait aux pays touchés par un déficit de la balance courante (3) d’accroître leurs exportations nettes (4) (...) Leur niveau de vie chuterait (...) mais au moins on éviterait la dépression, le chômage de masse, la déflation, les faillites et un éventuel effondrement politique et social ».

Il présente comme autre possibilité : des transferts annuels, des dons en fait, des plus riches aux États déficitaires. Or, pour pouvoir fournir cet argent, il ne voit que l’Allemagne. Mais, celle-ci, croit-il, n’est pas disposée à tant de générosité, même si elle est la principale bénéficiaire de l’instauration de la monnaie unique.

Connolly ne voit plus alors que la sortie de l’euro des pays déficitaires, la monnaie unique ne restant l’apanage que d’un bloc formé autour de l’Allemagne.

« Y a-t-il une autre option ? Continue-t-il. Se pourrait-il que ce soit l’Allemagne et les pays qui lui sont le plus liés qui décident eux-mêmes de sortir de l’euro ? En termes purement économiques, ce serait sans aucun doute la moins mauvaise de toutes les solutions, étant donné que la meilleure possible – que l’union monétaire n’ait jamais vu le jour -- n’est, par définition, plus à notre portée ».

Une analyse qui donne froid dans le dos quand les libéraux eux-mêmes, pourtant mondialistes et européistes, la produisent dans l’un de leurs cercles de réflexion.

 

Notes

(1) En français : « Le coeur pourri de l’Europe ». Ce livre a été publié chez Albin Michel dans notre langue, en 1999, sous le titre « La sale guerre de la monnaie européenne ».
(2) Par allusion à Bernard Madoff, qui a été arrêté en décembre 2008 pour escroquerie. La fraude pourrait porter sur 50 milliards de dollars.
(3) Les pays qui achètent plus qu’ils ne vendent.
(4) Vendant moins cher, ils vendraient plus.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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