LA RAISON
DU VATICAN

octobre 2006

Dernièrement, deux polémiques ont éclaté, toutes deux liées à l'islam. La première à la suite d'un discours prononcé par le Pape Benoît XVI le 12 septembre, à l'Université de Ratisbonne, devant des représentants du monde scientifique. La seconde prenait pour motif une tribune libre, écrite le 19 du même mois dans "Le Figaro," par un professeur de philosophie. Dans la querelle, deux arguments dominaient. Quand d'un côté on invoquait le droit à la liberté d'expression, de l'autre, chez les musulmans, on se retranchait derrière le principe du respect dû à une croyance religieuse. Allant du texte le plus élevé au plus vulgaire, voyons ce qu'il en est.

Le pape Benoît XVIL'essence du discours de Benoît XVI se retrouve dans sa conclusion, quand il dit : "Nous invitons nos interlocuteurs dans le dialogue des cultures." Il appelle ce dialogue au nom de la raison qui, selon son entendement, est dans le christianisme associée à Dieu lui-même. Il affirme même : "Ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu."

Mais la cause de l'irritation musulmane est ailleurs. Elle surgit dans les deuxième et troisième paragraphes du texte. Le Pape y cite les propos tenus par l'empereur byzantin Manuel II Paléologue au XIVème siècle. S'adressant à " un Persan cultivé, " nous dit le souverain pontif, l'empereur s'exclame : "Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l'épée la foi qu'il prêchait."

Certes, il s'agit d'une citation, mais le Pape ne la réfute pas. Il ne la relativise pas non plus. Au contraire, il s'appuie sur les propos tenus par l'empereur byzantin pour asseoir sa démonstration. Agissant ainsi, il semble réduire Mahomet à un rôle négatif. Dans cet esprit, comme le dit Manuel II, le "Prophète" de l'islam n'aurait apporté que "des choses mauvaises et inhumaines." Implicitement approuvé par le Pape, ce jugement nous gêne.

Manifestation au Pakistan contre les propos du Pape

Nous aurions préféré le chef de l'Église catholique appelant à la révision du principe islamique du " jihad, " à la fois contraire aux valeurs chrétiennes et à l'esprit du temps, comme méthode de conversion des "infidèles." En clair, il nous aurait semblé plus pertinent qu'il se limitât à un point, s'évitant ainsi de s'enfermer dans une généralité.

Le Pape, répliqueront certains, n'a fait que dire la vérité. Il n'a pas à pratiquer l'autocensure. A ceux-là, nous répondrons deux choses.

La première sur le fond. L'islam peut aussi s'affirmer comme le vecteur de valeurs positives concernant, par exemple, la protection de la cellule familiale et la stabilité sociale. L'empereur byzantin, à son époque, répondrait : " Rien de nouveau ". Cela n'est cependant pas sans importance à la nôtre, quand les repères se délitent. En outre, né au VIIème siècle dans un environnement barbare, l'islam interdit des pratiques arabes et préislamiques atroces. Comme la mise à mort des nouveaux-nés de sexe féminin. Il faut toujours replacer les événements dans leur contexte, même si celui-ci se révèle aujourd'hui dépassé.

La seconde sur la forme. Dans une société policée, si nous désapprouvons les idées de "l'autre," l'usage et la raison, justement, veulent que nous le lui disions avec courtoisie et en évitant de le blesser dans ses convictions. Surtout si, en tant que responsable politique ou religieux, nous voulons l'inviter au dialogue.

Ceci n'interdit en rien de tenir un discours ferme, de mettre en évidence nos différences de vues et d'insister sur ce qui est inacceptable à nos yeux. Tout l'art réside dans la manière d'exprimer notre désapprobation.

Ces choses le Pape les connaît mieux que nous. Voilà pourquoi nous nous interrogeons. " Ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu, " a-t-il dit lors de son discours à Ratisbonne. Pour comprendre, dans cette affaire, il nous manque la raison du Vatican. Faute de savoir, nous nous garderons de juger.

Alain Chevalérias

 PRÉCISIONS DU VATICAN

Une polémique a éclaté à la suite des propos tenus par Benoît XVI le 12 septembre, à l'Université de Ratisbonne. Depuis, le Pape a lui même ajouté des notes en bas du texte pour préciser sa pensée. La citation empruntée à l'empereur byzantin Manuel II a elle-même été annotée. nous la rappelons :

" Montre moi ce que Mahomet a apporté de nouveau et tu ne trouveras que du mauvais et de l'inhumain comme ceci, qu'il a prescrit de répandre par l'épée la foi qu'il prêchait. "

On lit sous la plume du Pape en note 3 :

" Dans le monde musulman cette citation a été malheureusement considérée comme une expression de ma position personnelle et elle a de ce fait suscité une indignation compréhensible. Je souhaite que le lecteur de mon texte puisse comprendre rapidement que cette phrase n'exprime pas mon jugement personnel sur le Coran, envers lequel j'ai le respect dû au livre sacré d'une grande religion. Avec la citation du texte de l'empereur Manuel II, j'entendais seulement mettre en évidence le rapport essentiel entre foi et raison. Sur ce point, je suis d'accord avec Manuel II, sans pour autant faire mienne la polémique. "

Si des questions restent en suspens, il fallait néanmoins publier les précisions du Pape.

Centre de Recherches sur le Terrorisme Depuis le 11 Septembre 2001
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