VU DES PAYS DU CROISSANT |
mars 2013
En démissionnant de sa fonction quand il sent monter lamoindrissement physique et intellectuel lié à lâge, Benoît XVI a donné une splendide leçon à tous ces tyranneaux qui saccrochent au pouvoir jusquau seuil de la mort. La leçon apparaît dautant plus cinglante au Moyen-Orient où les gérontocraties ne cèdent la place que chassées par la rue en colère. Le geste de Benoît XVI apparaît dans cette région du monde dautant plus fort que la fonction papale y suscite un étrange sentiment : elle est à la fois admirée et jalousée. Admirée parce que, contrairement au calife (1), sa position a résisté à lécoulement du temps. Jalousée en revanche parce quaucun musulman, ni même aucune institution mahométane, ne peuvent prétendre jouir dune influence équivalente à travers le monde. Cela peut nourrir des tensions entre les musulmans et le Vatican. Le pape Jean-Paul II, avec son talent de communicant, avait surmonté la difficulté. À Benoît XVI, homme de réflexion plus à laise dans le privé, manquait cette dimension. De plus, les subtilités de son raisonnement échappaient à lentendement du plus grand nombre. Les malentendus étaient inévitables et avec eux les aigreurs qui risquaient de se transformer en conflits. La première difficulté surgit à la suite du discours dit de Ratisbonne, prononcé le 17 septembre 2006 dans cette ville dAllemagne. Lopinion, tant occidentale quorientale, navait retenu quune phrase : « Montre-moi donc ce que Mohammed a apporté de neuf, et alors tu ne trouveras sans doute rien que du mauvais et dinhumain, par exemple le fait quil a prescrit que la foi quil prêchait, il fallait la répandre par le glaive ». Quimporte, aux yeux de la majorité, que Benoît XVI nait fait que citer lempereur byzantin Manuel II Paléologue (2) dans le cadre dun raisonnement. Quimporte aussi que, quelques minutes plus tard, il ait appelé les autres, et dabord explicitement les musulmans, « au dialogue des cultures ». Lorsque le sage montre la lune, le sot ne voit que son doigt... Cette incompréhension dont Benoît XVI a été victime éclatait à nouveau quand il se rendit à Istanbul fin novembre 2006. 25 000 manifestants musulmans sont descendus dans la rue pour sopposer à sa venue. Il était pourtant là pour se recueillir dans la mosquée Bleue, rendant ainsi hommage, sinon à lislam, au moins aux musulmans. De manière significative, ses contempteurs oublient cet épisode. En 2009 néanmoins, les relations finirent par saméliorer entre le Vatican et les musulmans. Pas pour longtemps. Le 31 décembre 2010, dans la nuit de la Saint Sylvestre, un attentat-suicide éclatait contre une église dAlexandrie, en Égypte. Benoît XVI appela à la protection des minorités chrétiennes. Le moins que lon puisse demander, que lon soit Pape, chrétien, ou simplement épris de justice. Al-Azhar voulut voir là la continuation des « attaques répétées contre lislam ». Rien quà cela, on mesure la distance qui sépare lislam du christianisme. Tariq Ramadan, petit-fils du fondateur des Frères musulmans, organisation islamiste qui domine la vie politique égyptienne, nest pas ce que lon peut appeler un modéré. Pourtant tout à sa croyance
islamique, madré et cherchant à mettre en place
un projet qui nest pas le nôtre, il nen a pas
moins eu des mots honnêtes, justes à nos yeux, sur
Benoît XVI : « Je lai beaucoup lu et écouté
de surcroît, dit-il. Lhomme ma impressionné
par son savoir, sa rigueur intellectuelle et la profondeur de
ses analyses. Derrière un visage aux expressions parfois
distantes, froides, et une attitude dintroverti, il dégageait
une bonté et une douceur surprenantes. Et il ma
surpris de façon contradictoire. Malgré des désaccords
de fond, et profonds, jai toujours eu un respect pour lhomme,
son intelligence, sa générosité et un courage
certain. Il na jamais eu peur de dire ce quil pensait
être juste, même contre lavis de ses opposants
ou des opinions majoritaire ... » Nous laissons la conclusion à Ramadan parlant de Benoît XVI : « Une vie réussie se mesure souvent à nos façons de renoncer, de partir... et même parfois de la quitter. Respect ».
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