PINOCHET
Quelques rappels

Denis Gorteau, dont nous apprécions la justesse des analyses, nous a adressé son point de vue sur le renversement du Président chilien Salvador Allende en 1973. Décalé par rapport à celui de Pierre de Villemarest, il n'en est pas moins intéressant. Soucieux de cerner la vérité au plus près et de laisser les sensibilités s'exprimer dans leur diversité sur notre site, nous avons décidé de publier cet article.

Alain Chevalérias

Le coup d'Etat du général Pinochet et de sa junte est à remettre dans le contexte de la guerre froide. L'URSS et les Etats-Unis cherchent alors à gagner des pays à leur bloc en profitant de leur fragilité.

 

Ainsi le régime de gauche du président Salvador AllendeAllende est perçu à Washington comme pro-soviétique. Les Etats-Unis considèrent alors tout pays indépendant comme suceptible de devenir une base arriède de l'URSS à l'image de Cuba. Or, le Chili d'Allende n'est certes pas un allié des Etats-Unis mais reste officiellement non aligné, contrairement à Cuba. On peut même rappeler que l'URSS fut proche de la dictature militaire argentine qui lui vendait du blé.

Pour justifier le passage à l'acte de Pinochet avec, rappelons-le, le soutien déterminant de Nixon, on évoque les provocations de la gauche chilienne. Certes il existait des groupes d'extrême-gauche très actifs et provocateurs, mais ils furent bien faibles numériquement. La preuve en est qu'ils furent vite liquidés par les polices secrètes du régime qui fit peu de détails dans la répression : un chef de la démocratie chrétienne exilé à Washington fut même assassiné par la police secrète du régime.

A la mort du général toute la presse stigmatisa le passé et son coup d'Etat. Cette réaction de la presse libérale peut s'expliquer par le traumatisme que provoqua le coup d'Etat du 11 septembre 1973 : en effet, toute la gauche et bien des démocrates-chrétiens (qui au Chili avait accepté l'élection d'Allende) furent choqués par la fin violente d'un régime légal qui avait toujours respecté les lois. Le "socialisme à la chilienne" ne dura donc que trois années mais on peut se demander aujourd'hui si Allende était ou non un danger géopolitique pour les Etats-Unis. En trois ans les relations avec le bloc de l'est furent formellement bonnes, mais aucun pays socialiste, pas même Cuba, n'installa des bases au Chili et le parti communiste chilien ne fut pas omnipotent dans le gouvernement. Marxiste mais aussi socialiste et franc-maçon Allende subissait plus qu'il ne profitait de l'agitation de l'extrême-gauche. Et, après sa chute, nul document ne vint accréditer la thèse d'un ralliement au bloc de l'est.

Après 1973 la répression fut peut-être moins violente et moins longue qu'ailleurs, mais elle eut tout de même une cruelle réalité. Quant aux résultats économiques de l'équipe libérale au pouvoir elle est discutable car comme dans de nombreux pays ayant adopté les recettes ultra-libérales une minorité s'enrichit via les privatisations des biens publics sans résoudre la grande pauvreté. Les problèmes sociaux resteront béants après le départ pacifique de Pinochet en 1988.

Denis GORTEAU

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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