sur les bords du Nil |
février 2014
Le 21 janvier, à loccasion de lanniversaire du déclenchement de la révolution égyptienne de 2011, plusieurs milliers de personnes remplissaient un stade du Caire. Étrangement, la vedette de la journée était le ministre de la Défense, le général Abdel Fatah El Sissi. Auteur du renversement, réclamé par la rue, du gouvernement des Frères musulmans le 3 juillet dernier, il se voyait invité par la foule à prendre en main les destinées du pays en acceptant la charge présidentielle. Sissi sest alors bien gardé de répondre à la liesse. Même en position de force, outre quil a intérêt à se faire prier, il avait en effet quelques raisons de se montrer prudent. Certes, au cours du dernier référendum, les votants ont approuvé à 98% la nouvelle Constitution, mais le taux de participation, pour une consultation décisive, na pas dépassé la barre des 39%. Autant dire le soutien au régime de transition ne reposant que sur une minorité de partisans qui, de plus, se recrutent dans la proximité de lappareil sécuritaire et des forces armées. Modeste, le retour en grâce des anciens protégés du régime dHosni Moubarak, le raïs déchu en 2011, est surtout le résultat de la mauvaise gestion des affaires par les Frères musulmans. Arrivés démocratiquement à la tête de lÉtat en 2012, ils se sont emparé des institutions, installant leurs hommes aux postes de décisions afin de rendre leur prise de pouvoir irréversible. Sans doute les masses populaires seraient-elles restées passives si le le redémarrage économique, porteur dune amélioration des conditions de vie, avait été au rendez-vous. Mais on en est loin. Révélatrices de la crise traversée par lÉgypte, les recettes touristiques sont passées de 12,5 milliards de dollars en 2010, représentant 11% du PIB, à 10 milliards en 2012 puis 5,9 milliards en 2013. Or, ce secteur fait vivre un grand nombre de « petites mains », autant dans lhôtellerie que sur les sites de la vallée du Nil. Larmée, Sissi en tête, a finalement bénéficié du même avantage que les Frères : ils étaient le seul parti dopposition organisé, elle est la seule force structurée capable de remettre de lordre. Mais ni les Frères, ni les militaires, ni même les partisans dune démocratie de type occidental, ne peuvent, séparément, constituer une majorité absolue. Aussi, arrivant au pouvoir, la tentation est-elle forte de le confisquer. Comme hier les Frères, aujourdhui les militaires cherchent à se rendre « indéboulonnables ». Lappareil judiciaire a été mis à contribution dans ce sens : quatre procès sont en cours contre Mohamed Morsi, Président issu des rangs de la confrérie et déchu par larmée. Mieux, fin décembre, profitant dun attentat commis par un groupe marginal, le gouvernement a déclaré les Frères « organisation terroriste » et les a interdits dactivités politiques. À ce jeu, cependant, les militaires prennent des risques. Dune part les partisans dune gouvernance libérale acceptent mal un retour au modèle Moubarak, dautre part les pays occidentaux, échaudés par les « printemps arabes » et les désordres qui ont suivi, craignent quun ordre mis en place par les casernes ne prépare le terrain à de nouvelles convulsions du pays. Le 6 février, Sissi finissait par lever le suspense et déclarait la main sur le coeur : « Je nai pas dautre choix que de répondre à lappel du peuple égyptien ». Le film continue. |
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