de rigueurs islamiques entre Riyad et Téhéran |
Il y a quelques années, cheikh Abdulaziz Al-Sheikh, grand mufti (1) dArabie Saoudite, avait dit du jeu déchecs : « Cest une perte de temps et une occasion de gaspiller de largent ». Et dajouter : « Il cause de lanimosité et de la haine entre les gens ». On avait un peu oublié ces propos éclairés et très informés jusquau récent tournoi déchecs qui se déroulait fin janvier à La Mecque. Loccasion pour quelques troubles fêtes de les rappeler sans pour autant stopper le déroulement des festivités. Avant Al-Sheikh, le défunt imam Khomeiny avait pour sa part banni le jeu déchec à lissue de la Révolution iranienne. Dix ans plus tard, cependant, sous la pression des nombreux « addicts » de ce jeu né entre lInde et la Perse, il revenait à un peu plus de raison lui accordant à nouveau droit de cité. Pourtant, même sous la présidence du très modéré Hassan Rohani, on assiste à détranges décisions en matière de rigorisme religieux. Ainsi, en visite officielle à Rome il y a deux mois, il a demandé à ses hôtes de recouvrir les statues de nues du musée du Capitole. Bilal Ramadan, sunnite du Centre islamique de Genève, certes, mais dont lislamisme ne saurait être mis en doute, parle « dhypocrisie ». Nadia Karmous, pourtant présidente dune association islamiste et toute voilée quelle soit, dit : « Les statues sont là pour être montrées et si quelquun ne veut pas les regarder et bien il ne va pas au musée » (2). Il y a plus gênant, le vin ! À Rome, pour complaire au dignitaire iranien, on la retiré des tables officielles. La France pour sa part navait pas cédé et le repas à lÉlysée a été annulé lors de la visite de Rohani. En Iran, lintransigeance va plus loin encore. Sous prétexte de lutter « contre les attaques culturelles occidentales », le mot vin est désormais interdit dans les livres, a annoncé le ministre de la culture. Certes, la demande émane du guide, layatollah Ali Khamenei. Elle nen est pas moins étrange pour qui connaît un peu la littérature iranienne. Parmi les grandes plumes qui ont parlé du vin chez les Perses, figure Omar Khayam, mathématicien et poète né en 1048 et mort en 1131. Auteur de « rubaïyat », des quatrains, il célèbre à longueur de vers les femmes et le vin. Certains, dans la tradition soufie, veulent y voir une allégorie de sa soif de Dieu. Pourquoi pas ! Ce nest apparemment pas la version de Khamenei. Soit dit en passant, la nôtre non plus quand nous lisons : « Au printemps, je vais quelques fois masseoir à la lisière dun champ fleuri,] Lorsquune belle jeune fille mapporte une coupe de vin, je ne pense guère à mon salut. ] Si javais cette préoccupation, je vaudrais moins quun chien ». Le vin, savons-nous, a toujours été consommé en Iran, y compris dans la Perse islamisée. Aujourdhui encore, on peut trouver des bouteilles de vin de Chiraz produites dans un demi secret. Demi, car sagesse ou hypocrisie, les ayatollahs ferment les yeux sur la pratique de cet art illicite. Mieux, figurez-vous quen plein Téhéran, décliné sous toutes les formes, on voit en peinture, en filigrane ou en statue, Omar Khayam recevant des mains, dune belle et langoureuse servante, le vin coulant dune aiguière. Concours islamiste ou compétition dimbécillité entre les hautes sphères de lislam ?
(1) Chez les sunnites, le mufti est un intermédiaire
entre la hiérarchie religieuse et lÉtat.
Sa nomination est issue de la tradition ottomane. |
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