Au sujet de la SIMULATION NUCLÉAIRE

 

Au début des années 90, les Etats-Unis avaient proposé à la communauté internationale, et plus particulièrement aux gouvernements des Etats capables de maîtriser l'ensemble du cycle nucléaire, de signer le traité d'interdiction complète des expérimentations (atomiques), l'objectif étant de freiner, puis de stopper la prolifération de cet armement.

Aussitôt installé à l'Elysée, Jacques Chirac décida de signer ce traité. La France le ratifiera en 1998. Cette adhésion de la France signifiait, pour elle, l'arrêt de ses expérimentations atomiques, la fermeture du Centre d'essai du Pacifique et une certaine dispersion de ses équipes scientifiques qui y travaillaient.

Par pure démagogie, la France s'était fourvoyée car le Congrès des Etats-Unis refusa de ratifier ce traité si bien qu'il n'a pas force de loi internationale.

La vie opérationnelle des armes atomiques est de l'ordre de la vingtaine d'années. Il y a vieillissement des dispositifs nécessaires à leur fonctionnement. Les essais étaient apparus indispensables, à la fois pour s'assurer de la fiabilité du stock existant et pour vérifier les armes nouvelles de remplacement.

Or, plus d'un demi siècle après l'irruption de la désintégration de la matière dans la vie internationale, le progrès scientifique aidant, de nouvelles considérations s'imposent :

- Pour disposer d'une arme atomique fondée sur la fission d'atomes lourds les essais préalables ne sont plus indispensables. Les interdire peut ne pas contribuer à la non prolifération.

-La précision croissante des vecteurs du feu atomique valorise les faibles énergies alors que les imprécisions d'hier exigeaient de les compenser par le recours à de fortes énergies. Or la détonation expérimentale de faibles énergies n'est pas systématiquement détectable. Si bien que les clauses du traité ne peuvent être totalement contrôlées. D'où le rejet du texte par le Congrès américain.

Les scientifiques d'outre-atlantique n'entendent pas seulement être en mesure, par la simulation, de créer de nouvelles armes, ils souhaitent pouvoir aussi s'assurer de la fiabilité de l'imposant stock d'armes atomiques et thermonucléaires que détient leur pays, d'où la campagne des laboratoires de Livermore et de Los Alamos pour le rejet d'un traité tenu pour inutilement contraignant.

Placés devant l'obligation d'assurer la pérennité de la dissuasion nucléaire sans pouvoir procéder à des essais, en France, le Commissariat à l'énergie atomique et sa Direction des affaires militaires ont lancé une étude visant à disposer de moyens pour entretenir la panoplie nationale sans avoir recours à des essais.

L'entreprise comportait deux étapes :
- D'abord une dernière campagne d'essais (en 1995 et 1996) afin de mettre au point des composants au vieillissement retardé et à la fiabilité de fonctionnement maximum.

- Ensuite, pourvoir au renouvellement des armes existantes une fois celles-ci
arrivées au terme de leur vie opérationnelle estimée.

Les techniques de la simulation reproduisent, par le calcul, le fonctionnement du mécanisme explosif dans la phase initiale pyrotechnique et dans les phases terminales : fission et fusion thermonucléaire.

En effet, les trois phases du fonctionnement d'une arme thermonucléaire sont :
- La détonation d'une charge explosive chimique destinée à comprimer la matière fissile afin qu'elle atteigne la dimension critique. Cette phase dure quelques millionièmes de seconde et la température atteinte n'est que de quelques centaines de degrés.

- Cette amorce du nucléaire dégage plusieurs dizaines de millions de degrés, d'énormes surpressions et produit la fusion thermonucléaire.

- Celle-ci porte la température à plusieurs centaines de millions de degrés, en quelques milliardièmes de seconde et exerce des pressions, qui se comptent en centaines de millions d'atmosphères.

Afin d'être en mesure d'exploiter les phénomènes physiques de la fission et de la fusion et de tirer parti des extraordinaires quantités évoquées ci-dessus : chaleur, pression et durée, des appareils spéciaux ont été conçus et construits à l'initiative des scientifiques du Commissariat. Il a fallu mettre au point des dispositifs de mesure enregistrant et restituant des phénomènes physiques ultra rapides en fonctionnant au milliardième de seconde.

Le laser Mégajoule de Bordeaux, avec ses 240 faisceaux laser convergeant vers une " cible " millimétrique (un mélange de deutérium et de tritium, isotopes de l'hydrogène) permet de restituer en laboratoire le phénomène de la fusion d'atomes légers et de l'étudier. Le laser de Bordeaux émettra une énergie de près de 2 millions de joules portant en milliardièmes de seconde la " cible " à plus de 10 millions de degrés, ionisant le matériau fissile transformé en plasma.

Dès 2002, le Commissariat à l'énergie atomique avait été en mesure de publier un texte sur " les expériences avec les lasers de puissance " dont suit un extrait :

" Un schéma commun à de nombreuses études consiste à focaliser les faisceaux laser à l'intérieur d'une petite cavité de quelques millimètres. En interagissant avec les parois, les faisceaux créent un rayonnement X intense qui est piégé à l'intérieur de la cavité dont la température radioactive peut ainsi atteindre plusieurs millions de degrés. Si on a placé un échantillon à l'intérieur de l'enceinte, ou au voisinage d'un trou dans la paroi, il est possible d'étudier son comportement à ce niveau de température ".

" Dans le cas d'expériences prévues avec le laser mégajoule, l'intérieur de la cavité est porté, en quelques nanosecondes, à une température de l'ordre de 3 millions de degrés. Au centre de cette cavité a été placée la coquille sphérique de quelques millimètres de diamètre (NDR la " cible ") contenant le mélange de deutérium et de tritium. Sous l'effet du rayonnement X intense la partie externe de la coquille est vaporisée, tandis que la partie interne est projetée vers le centre à des vitesses de 300 à 400 km/sec. : elle agit sur l'hydrogène à la manière d'un piston en portant sa densité à quelques centaines de grammes par centimètre cube et sa température à plusieurs dizaines de millions de degrés, ce qui permet aux réactions de fusion thermonucléaire de s'amorcer ".

" Mesurer la température à l'intérieur de l'enceinte est un véritable défi. Les difficultés à vaincre ne sont pas seulement dues au niveau de température et à la petite taille de l'objet… les physiciens ont aussi besoin de connaître l'évolution de la température au cours du temps " sur des dixièmes de milliardième de seconde…

Les Etats-Unis ont, eux aussi décidé la construction d'un laser mégajoule destiné à l'étude des armes nucléaires nouvelles. Le laser du laboratoire de Livermore aurait une énergie de 1500 à 1800 kilo joules, soit, à sa plus haute fréquence de fonctionnement 500 à 600 kilo joules, voisin du laser mégajoules français.

Dès 1992 le président Bush avait décidé de suspendre les essais atomiques. Les physiciens des laboratoires de Los Alamos et de Livermore avaient protesté, les essais leur paraissant indispensables pour " démontrer les imprécisions et les incertitudes de nos connaissances fondamentales. "

Renonçant à ratifier le traité d'interdiction de toute expérimentation atomique, le gouvernement des Etats-Unis conserve les deux options : la simulation et, si cela est indispensable, les essais.


Il ne reste, à la France qu'une option. Scientifiquement elle se révèlera sans doute fort enrichissante. Mais, militairement, il lui reste à faire ses preuves.

 

Général CR Pierre-Marie Gallois

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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