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octobre 2013
En France, le débat sest passionné sur la conduite à tenir en Syrie. Pire, nous tendons à faire dun sujet relevant de la politique internationale une raison de conflit intérieur. Aujourdhui, en gros, nous voyons deux camps se former. Le premier voudrait la guerre contre Assad à tout prix pour le punir, disent-ils, davoir utilisé des gaz de combat contre sa population. Les seconds opposent que rien nest sûr quant à cette attaque chimique. Mieux, ils présentent le régime des Assad comme un garant de stabilité pour la région, une barrière contre lislamisme radical et une protection de la minorité chrétienne. Dans toute cette affaire, nous craignons quemportés par le « tribalisme électoraliste » décideurs et commentateurs nen oublient les fondamentaux dune politique étrangère cohérente et des réalités actuelles de la scène moyen-orientale. UTILISATION DE GAZ DE COMBAT Le 21 août, un pilonnage dobus faisait plus dun millier de morts pour la plupart civils dans la banlieue de Damas. Lopposition armée accusait le régime syrien davoir utilisé des gaz de combat. Les gouvernements américain, britannique et français menaçaient dattaquer la Syrie. La France livre une note de synthèse de ses services de renseignements qui confirme lusage de larme chimique. Quelques jours plus tard, les observateurs des Nations Unies en Syrie font le même constat. Les services français accusent aussi le régime syrien. Leurs arguments sont crédibles. Lidentification de lorigine du tir ne relevant pas de leur mandat, les observateurs onusiens restent silencieux sur ce point. Les autorités syriennes, soutenues par la Russie, accusent pour leur part lopposition armée de cette attaque. Semant le doute sur sa sincérité, Damas et ses amis font néanmoins circuler plusieurs thèses pour attribuer la responsabilité de lattaque à lopposition (1). Cependant, les Russes, craignant une guerre contre la Syrie, intercèdent auprès des autorités syriennes qui acceptent de placer leur stock darmes chimiques sous surveillance internationale.
Qui que soient les auteurs de lattaque, laissant bénéficier Damas du doute, celle-ci aura eu le mérite dobliger les puissances occidentales à sortir de leur réserve. Ce faisant, de forcer la Russie à agir sur les autorités syriennes suscitant le trouble chez les amis de ces dernières. Certes, officiellement, Téhéran et Moscou maintiennent leur rhétorique pro Assad. Cependant, le 1er septembre, Ali Akbar Rafsandjani, ancien Président iranien et poids lourd du système, déclarait : « Le peuple (syrien) a été la cible dattaques chimiques de son propre gouvernement et maintenant il doit sattendre à une attaque étrangère ». Certes, quelques minutes plus tard, le texte était modifié mais connaissant les manières retorses des ayatollahs en matière de communication, on ne peut voir-là quun signal adressé à Damas. Même chose le 21 septembre quand Sergei Ivanov, premier secrétaire du Kremlin, a osé dire à propos de la mise sous contrôle des gaz syriens : « Si nous acquérons la conviction quAssad triche, nous pourrions changer notre position », lui retirant le soutien de la Russie. Voilà pourquoi, somme toute, les morts du 21 août nauront pas été inutiles. Cette attaque au gaz a marqué un tournant de la guerre en ouvrant une lucarne dopportunité aux négociations, personne, finalement, ne souhaitant que le conflit ne sinternationalise. Reste à sinterroger sur les fondements du conflit. Quand certains présentent le régime des Assad comme laïc et protecteur des chrétiens, ne voyant en lui quune victime des islamistes radicaux, nous sommes étonnés. Certes, parmi les adversaires du régime, on sait des groupes allant jusquà sidentifier à Al Qaïda. Mais ils ne sont pas seuls dans lopposition armée, dautres prônant au contraire linstauration dune société pluraliste de type occidental. Quant au gouvernement des Assad, sil nest pas islamiste, il est quand même allié à un régime islamiste, fût-il chiite, celui de Téhéran. Mieux, depuis le début des années 80, après avoir organisé ou favorisé des attaques terroristes au Liban, il a aidé à limplantation du Hezbollah dans ce pays. Il a aussi aidé des extrémistes sunnites. Jusquau soulèvement arabe, par exemple, il a hébergé le représentant de Hamas à létranger, Khaled Mechaal. Or si ce mouvement islamiste radical palestinien mène une lutte légitime, les méthodes quil emploie, relevant souvent du terrorisme, sont alors inacceptables. Ces faits, dont nous essayons de mettre en valeur les nuances, font du régime syrien un saisisseur dopportunités politiques qui nont rien à voir avec les grands principes mais uniquement avec une stratégie de survie, pour la domination, au jour le jour. Et ceci, pour une raison simple : il ne sidentifie pas à la Syrie mais à la communauté alaouite. Retirés depuis des siècles dans les montagnes de la région de Lattaquié, les alaouites pratiquent une religion syncrétiste mêlant des éléments de lislam et du christianisme mais aussi des restes de pratiques polythéistes. Ils se déclarent musulmans par opportunisme. Résultat, à travers lHistoire ils ont été marginalisés et méprisés par la majorité sunnite à laquelle ils vendaient autrefois leurs filles comme servantes. Les alaouites sortirent de lhumiliation en sengageant massivement dans les forces françaises, sous le mandat, entre les deux Guerres mondiales. A lindé-pendance, ils en profitèrent pour pren-dre les commandes de la jeune armée nationale puis, par coups dÉtat succes-sifs, semparer du pouvoir en novembre 1970. Depuis, la communauté a ver-rouillé le parti unique (le Baath), larmée, les services de renseignements et oc-cupe la plupart des postes de dirigeants (2). Puis elle a pris le contrôle du sec-teur économique en pratiquant la spo-liation. Cette dictature orientale assoit son pouvoir sur lomniprésence des services de renseignements et la ré-pression systématique de toute opposi-tion. Reporters sans Frontières fait figurer la Syrie au 173ème rang, sur 178 pays, pour la liberté de la presse. Cependant, les alaouites ne représen-tant que 11% de la population totale et il leur est impossible dassurer à eux seuls lexploitation du pays. Ce dautant plus quil faut aujourdhui des gens éduqués et sophistiqués pour gérer les techniques et modes opératoires modernes en matière déconomie, de pratiques bancaires, de communication etc... Le pouvoir, tout en restant massivement alaouite, recourt donc à quelques sunnites et à des chrétiens. Des collaborateurs, en somme, vassalisés et fidélisés par lintérêt. Le régime syrien est-il pour autant le protecteur des chrétiens ? Si nous navions pas connu le Liban de la guerre civile, de 1975 à 1990, nous pourrions peut-être le croire. Mais nous y avons vu les chrétiens du Liban vivant encerclés dans ce que lon appelait « le réduit », un territoire qui sétendait du sud de Tripoli à la partie est de Beyrouth. Pour sy rendre, quand on était considéré comme un ami de ces mêmes chrétiens, il fallait prendre le bateau à Larnaka, à Chypre, pour éviter les contrôles syriens et islamiques à laéroport de Beyrouth. À lintérieur du réduit, résistaient les milices chrétiennes. De lautre côté de leurs lignes, régnaient les forces musulmanes coalisées et leurs alliés palestiniens et gauchistes. Certes, cétait une autre époque, mais nous navons pas le souvenir que la Syrie ait été au Liban pour protéger les chrétiens. Leurs canons, en nous tirant dessus, disaient le contraire. Mais revenons à aujourdhui. Faut-il, pour barrer la route aux islamistes radicaux soutenir le régime syrien ? En Syrie, on assiste dun côté à un soulèvement du peuple contre un pouvoir dictatorial allié aux Iraniens. De lautre à une guerre entre modernistes et radicaux de lislam. Les islamistes se battent contre deux camps. En clair il y a deux guerres. Cest dans cette problématique quil convient de trouver des réponses à ce qui se passe en Syrie. Lalternative nest pas, dune part, de soutenir, ou de laisser faire contre son peuple, le régime syrien. Ou, de lautre, de sallier à des terroristes islamistes pour abattre une dictature. La solution, bien sûr est politique. Mais, pour y parvenir il faut exercer une pres-sion suffisante sur le régime. Et pour cela, il doit nous savoir déterminés, prêts au recours à la force. Cela paie. La preuve, puisque, déjà, quand la France et les États-Unis ont menacé dune offensive, on a vu Damas reculer sous la pression de Moscou. LIran même, a manifesté son trouble. Largement à cause de lattaque
chimique, mais aussi des récentes élections présidentielles
en Iran, la donne a changé. Il faut exploiter au mieux
cette situation. Alain Chevalérias (1) Lune delle prétend
les obus appartenant à des livraisons de munitions effectuées
en Égypte et au Yémen. Une autre que les enfants
morts asphyxiés par lattaque ont été
capturés par lopposition et amenés sur place
dun autre site. |
www.recherches-sur-le-terrorisme.com |