AU LIBAN |
Le 9 avril, à Tripoli, venus afin darrêter un jeune connu sous le nom de cheikh Khaled Hoblos, les FSI (1) ont été pris pour cible par un certain Oussama Mansour. Ce dernier a été tué. Dans la presse, on présente ces jeunes gens et leur complice en fuite, Amir El Kurdi, comme des jihadistes. La vérité semble moins manichéenne mais aussi plus inquiétante. Oussama Mansour En revanche, chez les voisins de Bab el Tebbaneh, des sunnites, on sest rangé du côté de lopposition syrienne largement dominée par ce courant de lislam. Résultat, des tensions ont éclaté jusquà provoquer des affrontements sanglants. Loin darranger les choses, le Hezbollah, soutien inconditionnel du régime de Damas, a fait parvenir des armes aux alaouites de Jabal Mohsen. De leur côté, ceux de Bab el Tebbaneh recevaient un soutien de leurs coreligionnaires du Mouvement du Futur, le parti de Saad Hariri, leader de la communauté sunnite. Les armes, de Bab el Tebbaneh transitaient par les Maaloumat, le service de renseignement du ministère de lIntérieur sous le contrôle des sunnites de Hariri (2). La situation risquait de déraper jusquà mettre tout Tripoli à feu et à sang, voire de déborder sur le reste du pays. Mais au Liban, on a tiré la leçon de la guerre civile de 1975 à 1990. Si les deux grandes tendances (2) tolèrent les escarmouches, elles les veulent retenues. Au mois de mars dernier, un accord a donc été conclu entre les factions gouvernementales qui parrainent les activistes de Jabal Mohsen et de Bab el Tebbaneh. Lun des représentants du clan sunnite et de la famille Hariri au sein du gouvernement, le ministre de lIntérieur Nouhad Machnouk, a été chargé de lapplication de laccord. La tâche lui revenait dautant plus normalement que, comme nous lavons vu plus haut, le service de renseignement attaché à son ministère approvisionnait les jeunes de Bab el Tebbaneh en armes. Il semble néanmoins que le brave homme ait quelque peu franchi la ligne rouge. Il rêve en effet de devenir Premier ministre, poste qui, selon lusage libanais, revient à un sunnite (3). Pour obtenir le soutien du puissant Hezbollah, il multiplie donc les concessions à légard de ce parti. Dans ce but, et une fois encore pour plaire au grand parti chiite, il a donc qualifié les jeunes de Bab el Tebbaneh de terroristes et de jihadistes, puis fait procéder comme nous lavons vu, à des arrestations de meneurs sunnites. Laffaire apparaissait dautant plus aisée pour lui que ses services savaient depuis longtemps où se cachaient les jeunes soient disant recherchés. Ce nétait pas tout. Du même coup, Rifaat Dib, le chef des activistes alaouites de Jabal Mohsen, était exfiltré et mis à labri avec laide des forces de sécurité. Or, accusation grave, on lui reproche davoir organisé deux attentats contre des mosquées de Tripoli. Pour ces attaques, un mandat darrêt a même été émis contre lui. Ville du nord du Liban, Tripoli est habité en majorité de musulmans sunnites
De manière significative, aux obsèques dOussama Mansour, tué comme dit plus haut lors de larrestation de Khaled Hoblos (4), une foule impressionnante se massait derrière son cercueil, signe indubitable dun soutien populaire contre la politique de Nouhad Machnouk. Les décisions de ce dernier ont des conséquences graves. Les jeunes de Bab el Tebbaneh nont pas en tête les subtilités politiques de leurs aînés. Dans une vision binaire des choses, ils ont tendance à se radicaliser. Ce qui veut dire se rapprocher de Daech. Voilà comment, suite à de mauvais calculs, on fait de jeunes gens un peu idéalistes des jihadistes. Maladroitement, Nouhad Machnouk a essayé de « rattraper le coup ». Il a affirmé avoir reçu un appel téléphonique de cheikh Malek el Chaar, le mufti (5) sunnite de Tripoli, qui laurait félicité pour lopération au cours de laquelle Oussama Mansour est mort. Mais le mufti a nié lexistence de ce coup fil. Autre écho dissonant, Misbah Al-Ahdab, ancien député sunnite de Tripoli, a déclaré dans la presse : « Il est inadmissible daccuser quelquun de terrorisme juste parce quil appartient à la communauté sunnite ». Si le Mouvement du Futur et Hariri ne savent pas samender de ces erreurs, il faut craindre un divorce entre eux et la majorité des sunnites, plus particulièrement à Tripoli, grande ville du nord du Liban où cette mouvance communautaire domine. On peut sinterroger sur la nécessité dentrer dans ces détails de la vie politique libanaise. Nous avons décidé de le faire pour donner à nos lecteurs une idée de la complexité du jeu politique de ce pays. Par extension, de sa fragilité et des précautions avec lesquelles il convient dagir pour éviter le pire. (1) Les FSI, ou Forces de sécurité
intérieures, sont une sorte de gendarmerie mais dépendante
du ministère de lIntérieur. |
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