QUE FAIRE EN SYRIE ?

septembre 2013

Les guerres du passé et du futur

Il y a les guerres qu’il ne faut pas faire et celles auxquelles on ne peut échapper, alors indispensables de gagner en se donnant les moyens d’y parvenir.

L’attaque de l’Irak, en 2003, n’avait aucune justification et se solde par un échec. Celle de l’Afghanistan était incontournable, le pays servant de base d’assaut à Al-Qaïda. Elle se termine néanmoins en désastre, faute d’avoir mis en place une stratégie cohérente.

Au Mali, nous ne pouvions éviter une intervention et l’affaire a été, jusqu’ici, bien menée. À la différence de la Libye, où le bilan de l’offensive de 2011 apparaît calamiteux. Quand nous aurions pu nous contenter de diplomatie et de menaces, pour obtenir de Kadhafi et de son clan un comportement raisonnable, en prime, sur une courte durée, une transition sereine.

Car, souvent, et c’est cela aussi l’art de la guerre, il suffit de dresser le bâton pour faire reculer un prédateur. Encore faut-il que ce dernier soit convaincu de notre détermination.

En clair, pour éviter la guerre, il est nécessaire d’être prêt à la faire. À Rome on le disait déjà.
On a vu cette vérité mise en évidence en Syrie : par crainte d’une offensive généralisée, sur le conseil de ses amis russes, le clan des Assad a baissé d’un ton et accepté de neutraliser ses armes chimiques.

Avant même de menacer, envisageant le cas où l’on serait amené à franchir le Rubicon, il convient donc de se demander pourquoi notre entrée en guerre est légitime. Or, sauf quand on défend le territoire national, il existe une réponse qui l’emporte sur toutes les autres : a-t-on les moyens de générer une situation nouvelle meilleure que celle existant, pour la population elle-même comme pour ses voisins, voire le reste de l’humanité ce qui inclut notre propre nation ?
C’est la question, avec ses variations, qui se pose aujourd’hui en Syrie.

 

LES DERNIERS ÉVÉNEMENTS

 

Le 21 août dernier, une attaque au gaz de combat éclatait dans les faubourgs de Damas contre une zone insurgée, faisant plus d’un millier de morts (1300 selon l’opposition). Tout semble indiquer la culpabilité du régime : la cible, le fait qu’il détienne des armes de ce type et les quelques témoignages crédibles recueillis. Pourtant, le pouvoir syrien dément être l’auteur de l’attaque. Mieux, il donne plusieurs versions peu crédibles pour en accuser l’opposition armée. Obama, mis au pied du mur, compte tenu de ses menaces passées en cas de recours à l’arme chimique, envisage alors une offensive militaire contre le régime syrien. François Hollande le suit quand le Parlement britannique refuse l’engagement de son armée. Les Russes restent solidaire d’Assad. Puis, craignant de perdre leur allié, ils offrent la mise sous contrôle international de l’arsenal chimique syrien. La menace de la guerre s’éloigne. Néanmoins, le conflit se poursuivant, si le pouvoir syrien n’acceptait pas une solution politique, usage de l’arme chimique ou pas, la question se poserait toujours : faut-il intervenir militairement en Syrie et pour atteindre quel objectif ?

 

NOTRE REFLEXION

 

Une guerre n’est jamais bonne. Parfois, cependant, il faut la faire. Mais pourquoi et à quelles conditions ?

D’abord quand il faut se défendre à la suite d’une attaque armée menée par une autre puissance. Ensuite quand une menace importante pèse sur nos lignes d’approvisionnement, par exemple en pétrole, parce que manquant sur notre sol de certaines matières premières, nous serions comme un homme abandonné sans eau en plein désert si leurs livraisons ne nous étaient plus assurées. Cette condition a pris une importance accrue au cours des dernières années, dans le contexte de mondialisation accélérée des échanges.

En ce début de XXIème siècle, néanmoins, il faut ajouter une autre circonstance pouvant justifier une intervention militaire : quand une région du monde, formée de plusieurs pays, menace de s’enflammer de la faute d’un seul. Parce qu’alors, toujours en raison de la mondialisation des échanges, c’est toute l’humanité qui est concernée.

Ces prémisses posées, le conflit syrien entre-t-il dans l’une de ces catégories ?

L’Iran, « la puissance chiite » de la région, apporte son aide directe, en Syrie, à un régime dirigé par une minorité religieuse proche des chiites et en guerre contre la majorité sunnite. Agissant ainsi, Téhéran a exacerbé les tensions séculaires opposant chiites et sunnites, poussant l’Arabie Saoudite et les États du Golfe à intervenir en fournissant des armes et des moyens financiers à la rébellion.

Résultat, les pays abritant à la fois de fortes composantes sunnites et chiites sur leur sol sont extrêmement fragilisés, le conflit syrien tendant à s’étendre chez eux par contagion. C’est le cas de l’Irak où le pouvoir, chiite, s’alignant sur l’Iran, les attentats intercommunautaires ont triplé par rapport à l’année dernière, dépassant les mille morts par mois.

C’est le cas aussi du Liban. D’une part, le quart de la population est aujourd’hui formée de réfugiés syriens. D’autre part, composante politique tirant à elle toute la communauté chiite, le Hezbollah est directement impliqué en Syrie. Par voie de conséquence, le conflit syrien s’exporte au Pays du Cèdre au risque de déclencher une nouvelle guerre civile.

Nous sommes donc bien confrontés à un risque d’inflammation de toute une région du monde, comme dit plus haut, avec un danger d’extension aux pays pétroliers. De plus donc, d’un point de vue légitimement égoïste, ce sont « nos » approvisionnements en énergie qui sont menacés.

Il faut donc faire cesser la guerre civile en Syrie. Mais comment ? Ou bien la Russie joue le rôle attendu de modérateur auprès de Damas et une solution politique est envisageable. Ou bien elle se range sans nuance aux côtés du pouvoir syrien par intérêt, pour vendre des armes et présever ses facilités portuaires à Tartous.

Ne resterait-il dans ce cas que la seule carte militaire à l’état brut ? Lançant une attaque massive, de plus sans le consentement des Nations-Unies, la Chine et la Russie s’y opposant au Conseil de Sécurité, nous risquerions d’amplifier la crise. En effet, se durcissant, l’Iran pourrait jouer la politique du pire, bloquant le détroit d’Ormuz, par où passe la moitié de nos approvisionnements en pétrole, et lançant une offensive terroriste à l’échelle mondiale. Le remède serait alors pire que le mal.

Si nous étions contraints à l’utilisation la force armée, il faudrait, de notre part, plus de subtilité. L’outil militaire, selon nous, ne devrait être utilisé que pour imposer des négociations. Quelques frappes bien ciblées, touchant des points névralgiques du régime nous sembleraient alors correspondre à l’objectif politique visé, donnant à Damas, comme à Téhéran et à Moscou des raisons de réfléchir.

Pour faire prévaloir un tel climat, il apparaît cependant indispensable de montrer notre détermination afin de rendre crédibles la menace d’une escalade en cas d’entêtement de Damas. Parmi les étapes auxquelles nous pourrions alors procéder, l’une d’elle nous apparaît indispensable : l’aménagement, sur le territoire syrien, d’une zone d’exclusion aérienne pour héberger les populations fuyant la guerre.

Bien sûr, nous pouvons fermer les yeux sur ce qui se passe en Syrie. Mais la situation ne ferait qu’empirer et, comme ils y tendent déjà, les courants djihadistes, parmi les rebelles syriens, finiraient par dominer le jeu avant de s’emparer du pouvoir.

Or, cette raison, la crainte d’une prise de pouvoir par les radicaux, n’est pas à écarter d’un revers de main comme une futilité. Nous l’avons vu en Tunisie et en Égypte, mais nous n’y pouvions rien, nous l’avons vu aussi en Libye, et là nous y sommes pour quelque chose, ces courants djihadistes et leurs relais salafistes sont une nuisance pour les pays et la région où ils s’implantent.

Ils sont aussi une menace mortelle pour les minorités chrétiennes y vivant.

Il faut l’admettre, en Syrie nous sommes confrontés à deux problèmes : d’une part le régime tyrannique en place, d’autre part le fanatisme des groupes djihadistes. Ce n’est pas en soutenant, ou en laissant faire, l’un contre les autres que l’on réduira le drame. Mais en aidant les Syriens raisonnables contre les « jusqu’auboutistes » des deux bords.

Alain Chevalérias

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 

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