Les loups du Pakistan
Les Taliban ciblent les chrétiens pakistanais

avril 2016

Le 27 mars, dimanche de Pâques, le Pakistan subissait un nouveau bain de sang. Dans un parc de Lahore, où les familles chrétiennes pique-niquaient, un kamikaze s’est fait sauter emportant dans la mort 73 personnes, pour la plupart chrétiennes.

Le communiqué de revendication des Taliban tombait glaçant : « Nous avons commis l’attentat de Lahore, disait-il, parce que les chrétiens sont notre cible ».

Pourquoi s’en prendre à ces derniers, dans un pays où ils ne sont même pas 2% de la population et, surtout, ne représentent aucun enjeu politique ?

La folie collective d’une minorité de Pakistanais n’est qu’une piste. Les racines sont plus profondes. Tout remonte au moins à la formation du Pakistan. En 1947, avec l’indépendance, l’Inde se partageait en deux : d’une part les États à majorité hindouiste, d’autre part, au nord, le Pakistan, formé pour l’essentiel de musulmans. En raison de la tension engendrée par cette division sur une base religieuse, l’islam, et l’hindouisme en Inde, polarisèrent identités et haines ancestrales.

Cette situation engendra plusieurs conflits armés entre les deux puissances de la péninsule. Surtout, elle restait en fond de crise pendant la guerre d’Afghanistan, quand les Soviétiques entrèrent dans ce pays en décembre 1979. L’Inde soutenait diplomatiquement l’intervention de Moscou. Le Pakistan, qui avait de plus des vues sur son voisin du nord, se fit le défenseur de ce territoire musulman.

Cela raffermit un peu plus l’alliance entre les Américains, les Saoudiens et les Pakistanais, animés par des intérêts différents mais tous décidés à faire reculer l’URSS. Ils encouragèrent alors l’idée d’une « guerre sainte », le jihad, contre les envahisseurs athées. On était jusque-là dans un échange de procédés de guerre froide. Mais un petit plus allait faire la différence : l’appel par la CIA des islamistes arabes, principalement les Frères musulmans.

Ces derniers arrivaient avec une idéologie politique. Pire, dans leurs rangs, on comptait nombre d’illuminés dominés par le rêve d’une soumission de l’URSS mais aussi de l’Occident à l’islam. Le ver était dans le fruit et, plutôt que de l’extraire une fois les Soviétiques partis d’Afghanistan, les Américains l’y oublièrent.

Une partie de l’ancienne résistance afghane se mua alors en structure ultra intégriste, donnant naissance aux Taliban en 1994. Voulant toujours mettre un pied en Afghanistan, le Pakistan les soutenait. Puis, associés aux Arabes installés chez eux, les Taliban firent du terrorisme une tactique de guerre. La contagion se propagea naturellement au Pakistan, peuplé au nord-ouest des mêmes tribus pachtounes que l’Afghanistan.

Les services secrets pakistanais, l’ISI, se crurent capables de chevaucher le tigre et, plutôt que de l’étouffer, le laissèrent prospérer. Pire, ils favorisèrent sa projection dans le futur, aidant à s’installer une multitude d’écoles coraniques et d’institutions islamiques intégristes financées par les Saoudiens.

En mai 2007, nous avons interviewé un ancien général, autrefois commandant en chef de l’armée pakistanaise, Mirza Aslam Baig. Nous lui avons demandé pourquoi le Pakistan ne démantelait pas toutes ces organisations islamistes radicales. Il répondit que le noyau dur de ces dernières étant installé dans son pays, « l’Inde, si elle parvenait à s’emparer d’une partie du Pakistan, devrait faire face à une telle vague d’attaques provenant de tous côtés, qu’elle ne pourrait plus contrôler la situation ».

À faire protéger son troupeau de brebis par les loups, on risque néanmoins de tout perdre. À commencer par les chrétiens dont la croyance importune les radicaux de l’islam.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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