JIHAD |
Menacés dun côté par le terrorisme dinspiration islamiste, obligés de lautre à côtoyer des populations de culture musulmane, nous sommes confrontés à un dilemme : Comment se protéger du premier, tout en entretenant des relations équilibrées avec les secondes ? A gauche comme à droite, des voix montent répondant : « Vous ne pouvez pas. La guerre des civilisations a commencé. Cest lislam en son entier, tous les musulmans coalisés qui sont entrés en guerre contre nous. » |
Si les « croyants » dune guerre de civilisation avaient raison, depuis plusieurs années, une ligne de front couperait lOrient de lOccident. Au lieu de cela, le commerce prospère entre eux, et les relations diplomatiques nont jamais été rompues. Mieux, quand en Irak des déviants prennent des Français en otages, lopinion musulmane partout sinsurge. Nous avons vu sur nos écrans, aux obsèques de Yasser Arafat, un drapeau français flottant au-dessus de la foule en hommage rendu à notre pays. Sil y a guerre, ce nest certainement pas entre un Orient rassemblé contre un Occident coalisé. Nul besoin pourtant de beaucoup de perspicacité pour constater lOccident attaqué. Mais, dabord il lest par des groupuscules. Ensuite, ces mêmes groupuscules sen prennent autant, sinon plus, à leurs pays dorigine. Au cours de la dernière année on a compté des dizaines dattentats islamistes commis en Turquie, en Arabie Saoudite, au Pakistan, en Indonésie etc Un seul a touché lOccident, le 11 mars à Madrid. |
Conclusion, lOrient et lOccident sont ensemble la cible de lislamo-terrorisme. Cest donc ensemble quils ont des raisons dy faire face. |
Un problème existe cependant. Lislam comporte certains préceptes en contradiction avec nos principes ou avec le fonctionnement dun monde déchanges intensifs. Dans nombre de pays musulmans, beaucoup de ces préceptes sont tombés en désuétude. Ils nen restent pas moins recommandés, sinon ordonnés, dans les textes sacrés de la religion mahométane. Ils sont comme une réserve de moyens à portée de main des extrémistes islamistes. Plus, ils leur donnent une légitimité que sapproprient les pires dentre eux, les « jihadistes ,» comme ils se désignent eux-mêmes. Les terroristes dans notre vocabulaire. |
LA MENACE DU JIHAD |
En théorie, le jihad ne serait quune guerre de défense, mais il peut prendre la forme dune offensive préventive, contre une menace réelle ou supposée. De la mort de Mahomet en 632 à la bataille de Poitiers en 732, il na fallu aux musulmans quun siècle, sous prétexte de « guerre de défense, » pour atteindre un pays à 7000 kilomètres de leurs bases. Dans le Coran, une quarantaine de versets légifèrent sur la participation des musulmans au jihad. Les versets sont impératifs : |
On voit bien là la guerre, le jihad en islam, associée à lextension du monothéisme. Il y a bien ici incitation à combattre « pour la cause de Dieu. » Comme dans les versets 39 de la sourate IX ou le verset 15 de la sourate XLIX. Il sagit là douvrir les hostilités contre, dune part, les idolâtres, dautre part les juifs et les chrétiens (les gens du Livre, la Bible). A moins, pour ces derniers quils ne se soumettent et versent un impôt spécial. Ce verset a donné lieu à la création du statut de « dhimmi. » De « protégés » comme aiment à dire les musulmans, en réalité de citoyens de deuxième zone, dépendant en tout du bon vouloir et des caprices des musulmans(1). |
En temps normal, croire tous les musulmans prêts à partir en jihad relève de la phobie. Seuls les plus radicaux, y sont prêts. Cependant, quand lappel au jihad est lancé, la majorité se retrouve démunie pour sopposer à un ordre supposé divin. De plus, comme en Palestine, si des injustices invivables écrasent la population, alors lamalgame prend entre colère et idéal religieux. Il existe néanmoins, dans le Coran, des versets tendant à réduire la violence du jihad. A titre dexemple : |
« Combattez pour la cause de Dieu ceux qui vous combattent, mais ne dépassez pas les limites permises » (Sourate II, verset 190). « Que la haine dun peuple ne vous incite point à user dinjustice ! Soyez justes, car cela est très près de la piété » (Sourate V, verset 8) |
Dans lHistoire, encore de nos jours, les dirigeants musulmans ont toujours considéré les versets coraniques relatifs au jihad comme un moyen au service de leurs ambitions. Tous y ont eu recours, y compris, en dépit de linterdit, contre dautres musulmans. Des deux côtés, les partisans dAli comme ceux de Muawiyah (2), les califes abbassides (3) comme les Fatimides(4) ou les sultans ottomans et, plus tard, lors du soulèvement contre la France en Algérie ou la résistance contre les Soviétiques en Afghanistan. Les juristes, créant la « charia, » la loi dérivée du Coran, inventèrent la division du monde en deux parties pour exporter la violence sacrée du jihad hors des terres musulmanes. Dun côté, il y avait le « Dar el Islam, » la maison de la paix, où comme dans une société civilisée on devait agir de la meilleure manière à lendroit des autres. Dun autre côté le « Dar el Harb, » la maison de la guerre, principalement les territoires chrétiens, où un bon musulman pouvait se livrer sans retenue au jihad, massacrer, piller et réduire à lesclavage les prisonniers. Doù les raids lancés à partir de lEspagne sous domination musulmane contre le reste de lEurope, ou la piraterie des Barbaresques contre nos bateaux, jusquau début du XIXème siècle en Méditerranée. Les dirigeants furent cependant vite confrontés aux effets pervers du jihad. Dune part il troublait les flux commerciaux entre lOrient et lOccident, dautre part il pouvait se retourner contre le pouvoir jugé injuste ou déviant des règles de lislam. On a vu autrefois le cas avec les Kharijites (5), les Qarmates (5), plus tard les Almoravides (6) puis les Almohades en Espagne(6). Aussi, pour encadrer le jihad, les souverains et les juristes (les ouléma) fixèrent des règles. Principalement ils se déclarèrent seuls compétents pour décider de son lancement. Les chiites duodécimains (7) décrétèrent même le jihad illicite jusquau retour de « lImam caché » (8). Rien ny fit car, qui se soumet à un émir, se préoccupe bien peu des décisions dun pouvoir dont il refuse lautorité. Oussama Ben Laden, le Jihad islamique égyptien ou le GIA algérien, sinscrivent dans cette logique, instrumentalisant le jihad à leur profit en rejetant lautorité de lÉtat. Pire, en attaquant celui-ci. |
Voilà sans doute la raison la plus solide dun changement de mentalité chez les musulmans. Aujourdhui victimes dun outil, le jihad, par le passé souvent utilisé contre les autres, ils peuvent en admettre dorénavant la mise sous le boisseau. |
Nous disons mise sous le boisseau et non suppression. Car, lidée du jihad est dictée par le Coran, lui même parole de Dieu, révélée à Mahomet. Du moins pour les croyants de lislam. Difficile de leur demander de renoncer à leur religion. Par contre, conformément à leur tradition, ils peuvent suspendre une prescription, considérée par eux divine, si les circonstances lexigent. Ajoutons un point important. Pendant la domination coloniale de lOccident sur le monde musulman, les mahométans étaient fondés à lancer contre nous le jihad. Pourtant, les ouléma (les juristes) linterdisaient tant que la pratique de la religion nétait pas gênée. Ils sinspiraient pour cela dun principe : le jihad, pour être lancé, doit avoir une chance raisonnable de succès. |
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(1) Traduction du cheikh Si Boubakeur
Hamza, ancien recteur de la Mosquée de Paris. Ouvrage publié
chez Fayard-Denoël.
(2) Il entra en conflit contre le 4ème calife, Ali.
(3) Dynastie qui gouverna les sunnites pendant cinq siècles.
(4) Dynastie chiite qui gouverna au Caire pendant plus de deux
siècles.
(5) Mouvements musulmans puritains du VIIème et Xème
siècle.
(6) Autres mouvements puritains conquérants de lEspagne
au Xème puis au XIIème siècle.
(7) Représentent 90% des chiites.
(8) « Disparu » selon les chiites, son retour
annoncerait la fin du monde.