UN ATTENTAT RÉVÉLATEUR |
Il ne se passe plus de jour sans quau moins un attentat néclate quelque part sur notre planète, de préférence en Irak, au Nigeria, en Afghanistan, au Yémen, en Libye ou en Syrie. Alors pourquoi consacrer une page à celui du 10 octobre dernier près de la gare principale dAnkara ? Dabord parce que, faisant au moins 97 morts, il a été le plus meurtrier jamais vu en Turquie. Ensuite, et surtout, en raison des conditions qui en font un déstabilisateur pour le régime islamiste en place. Les deux explosions visaient une manifestation dorganisations de gauche et de militants kurdes pour dénoncer la reprise des hostilités par le pouvoir contre le PKK, parti indépendantiste kurde. Or, sans attendre, gauchistes et nationalistes kurdes ont accusé le gouvernement, pour les plus modérés de ne pas avoir assuré la sécurité, pour les autres dêtre lauteur de ces attaques. Ces accusations fragilisent un peu plus un pouvoir déjà affaibli. Cet attentat na cependant pas été revendiqué. Toutes les possibilités restent envisageables, y compris une tentative désespérée des islamistes de lAKP, le parti au gouvernement, pour faire basculer lopinion kurde en sa faveur dans un réflexe sécuritaire. Dans ce cas, ce serait bien mal calculé, linverse sétant produit. On peut aussi soupçonner de lattaque les dirigeants du PKK ou ceux des partis dextrême gauche, comme le DHKP-C (Le DHKP-C est une organisation armée marxiste-léniniste). Ils auraient alors cherché à se donner une posture de victimes en tuant leurs propres militants. Pourquoi pas, sauf que les uns et les autres ont toujours mené des actions contre les forces de sécurité, voire dans le cas des seconds, pour toucher les symboles de la finance internationale et de la toute puissance américaine. Viser la foule ne ressemble pas à leur manière de faire. Allant plus loin, pourquoi ne pas faire peser la suspicion sur une puissance étrangère. Des États-Unis à la Russie, en passant par lÉgypte et Israël, il ne manque pas de pays mécontents de la politique dAnkara. Mais pourquoi encore chercher ailleurs quand Daech, mieux connu en France sous le nom dÉtat Islamique, est si proche. Or, cette organisation recourt sans hésiter aux pratiques les plus cruelles, y compris contre des populations civiles. De plus, elle a les moyens et la logistique nécessaire. Enfin, elle aurait un mobile, à la fois contre les Kurdes, quelle combat en Irak et en Syrie, et contre lautorité turque, dont elle a toutes les raisons de vouloir se venger. Quon se souvienne ! Le 20 juillet, un autre attentat éclatait à Suruç, dans le sud de la Turquie, visant déjà des Kurdes. Il faisait 33 morts. Cette attaque non plus na pas été revendiquée. On la cependant attribuée à Daech qui, à la suite de larrestation de plusieurs de ses hommes par la Turquie, les 16 et 18 juillet, avait menacé ce pays de représailles. Ankara, jusque-là, fermait les yeux sur lutilisation de son territoire comme zone de repos et dapprovisionnement par Daech. Quelques jours plus tard, lançant des bombardements contre les bases du groupe terroriste en Syrie, les Turcs montraient quils nignoraient rien des commanditaires de lattaque de Suruç. Or, cette dernière, dans le mode opératoire comme dans le choix des cibles, ressemble trop à celle du 10 octobre pour quon ne lattribue pas au même donneur dordres. En clair, il semble bien que la Turquie paye aujourdhui pour sa complaisance passée à légard de Daech. On voit le gouvernement turc engagé sur bien des fronts : politique, quand les élections se préparent et quil a perdu les précédentes, militaire, contre la minorité irrédentiste kurde et Daech, mais aussi confronté à lhostilité de la Russie, de la Syrie et des pays arabes. Sa politique a fait de lAKP une citadelle assiégée. |
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