DURCISSEMENT DE L’ISLAMISME TURC

avril 2009

Le 25 mars 2009, la Justice turque a pris la décision de juger 56 nouveaux suspects dans une affaire de complot terroriste contre l’État. Les conspirateurs auraient donné le nom d’Ergenekon à leur organisation. Parmi les nouveaux suspects, figurent deux généraux à la retraite.

L’histoire commence en 2001, avec l’arrestation de Tuncay Güney, un ancien informateur du département anti-terroriste de l’Organisation du renseignement national. Il avait été surpris fabriquant de faux documents pour immatriculer des voitures de luxe.

Ses déclarations forment un dossier de 2455 pages. Outre ses activités d’espion, il dit avoir travaillé comme agent pour le compte d’une organisation jusqu’alors inconnue, Ergenekon. Selon ses propos, il aurait infiltré les services de renseignement de la gendarmerie. Néanmoins, contre toute attente, il n’est pas inculpé pour ce délit.

Le personnage est pourtant des plus étranges. Né en Égypte en 1972, il appartient à une famille de juifs marginaux, pratiquant le culte hébraïque en secret, qui aurait été rejetée par sa communauté pour déviance religieuse. Il s’appellerait en réalité Daniel Levi et se dit rabbin. Il a aussi séjourné au Canada et aux États-Unis. Cerise sur le gâteau, il a même été en relation avec les services iraniens. Néanmoins, à la suite d’enquêtes, de nombreux points de sa biographie sont impossibles à confirmer et semblent imaginaires.

Le nom d’Ergenekon ressurgit en 2007. Le 12 juin, la gendarmerie de Trabzon, sur la Mer Noire, reçoit un appel anonyme indiquant l’adresse où se trouveraient des grenades et de l’explosif C-4. Les hommes envoyés sur place découvrent effectivement une vingtaine de grenades à main, dans un coffre de bois, mais pas de C-4.

Les enquêteurs se demandent, bien entendu, qui les a appelés. Il s’avère que ce citoyen consciencieux est le père du locataire des lieux. Il accuse deux officiers retraités de l’armée d’avoir caché les grenades. De quelles preuves dispose-t-il ? Trois ou quatre mois plus tôt, il a vu les deux hommes dans une Mercedes noire. L’un d’eux est descendu et reparti un quart d’heure plus tard dans une Opel Corsa jaune. Un peu léger, mais suffisant à ses yeux.

Puis le quotidien Zaman, le plus gros tirage du pays, se lance dans la dénonciation du « complot ». Selon ce média, Ergenekon regroupe plusieurs groupes violents comme le PKK kurde, d’orientation marxiste, le DHKP/C, d’extrême gauche révolutionnaire, le Hezbollah, islamiste radical, ou encore le TIT ou « Brigades de la revanche turque », ultra-nationaliste.

Comment croire des groupes aux idéologies aussi disparates cohabitant au sein de la même organisation ? Même un journaliste débutant en conviendrait. A partir de ce constat, l’hypothèse d’une manipulation devient probable.

Il faut savoir que Zaman, le journal en question, appartient à un mouvement islamiste, fondé par Fethullah Gülen, dans les années 60. Proche du gouvernement islamiste en place en Turquie, comme lui, il est opposé au modèle de société laïque prôné par Atatürk.

Lors d’un récent séjour en Turquie, nous avions remarqué un durcissement de l’application des règles de l’islam. L’armée et les milieux non-religieux ont-il décidé de passer à l’action violente pour bloquer cette évolution ? En tout, une vingtaine d’armes ont été découvertes dans cinq caches. Pas de quoi faire un soulèvement armé. En revanche, dénonçant un complot, le pouvoir islamiste peut tranquillement décapiter son opposition de droite comme de gauche. Rien de bien nouveau...

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 
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