UKRAINE : LES BAS CALCULS
DE L’UNION EUROPÉENNE

janvier 2014

Du point de vue de la presse occidentale nous assistons en Ukraine à un soulèvement populaire favorable à une intégration de l’Europe, le camp des « gentils », contre une minorité qui s’est emparé du pouvoir et souhaite maintenir le pays sous la tutelle de la Russie, le parti des méchants. N’en déplaise à nos estimés confrères, on peut faire une autre lecture, à notre sens plus proche de la vérité. L’Histoire a divisé l’Ukraine en deux identités adverses : d’une part, concentrés à l’ouest du pays, ceux qui se sentent proches de l’Europe occidentale sur les plans culturels et religieux, d’autre part, plus présents à l’est, les partisans de l’union sacrée des Slaves avec Moscou. La Russie, de son côté, cherchant à reconstituer toute ou partie de son lustre passé, compte bien s’assurer la remise définitive sur son orbite de l’Ukraine. Elle a pour cela une autre raison, sentimentale cette fois : la première Russie, la « Rous’ de Kiev » y est née au IXème siècle, avant que le centre de l’empire ne migre au XIVème siècle à Moscou. Autant dire que pour les Russes, Vladimir Poutine le premier, toute tentative de l’Union européenne d’absorber l’Ukraine est intolérable. C’est pourtant l’exercice auquel ont essayé de se livrer nos dirigeants, suscitant le conflit dont nous sommes témoins entre partisans de l’intégration à l' Europe et pro Russes. Même si, à tout cela, s’ajoutent des intérêts stratégiques et si la gouvernance de l’Ukraine pose, il est vrai, quelques problèmes.

Cet avant-propos nous a paru nécessaire avant de transcrire quelques passages d’un rapport publié en anglais, au mois de novembre dernier, par l’OCO ou « Organized Crime Observatory » (Observatoire du Crime Organisé), structure universitaire basée à Genève. Il nous dresse le portrait d’une Ukraine rongée par la corruption en dépit d’une certaine amélioration. Surtout, il prend comme révélateur de cette corruption endémique les cas de Yulia Tymoshenko et de Pavlo Lazarenko, tous deux anciens Premiers ministres.

« Le cas de Lazarenko est représentatif à regarder dans le détail parce qu’il apparaît comme le cas le mieux pourvu en preuves sur la corruption au plus haut niveau du gouvernement ukrainien », dit le rapport.

Lazarenko a commencé comme conducteur de tracteurs dans le domaine agricole et a fini par se retrouver représentant du Président Leonid Kuchma (de 1994 à 2005) dans la région de Dnepropetrovsk, puis gouverneur avant de siéger comme Premier ministre en 1996.

Le rapport continue : « Les rumeurs sur la corruption de Lazarenko l’ont suivi pendant toute sa carrière, dès ses débuts dans l’agriculture jusqu’à ses fonctions de Premier ministre, mais les enquêtes étaient bloquées aussi longtemps qu’il a soutenu le Président Kuchma. Au cours de l’été 1997, cependant, Kuchma et Lazarenko ont eu une brouille. Lazarenko, chassé du gouvernement, a décidé de se présenter contre Kuchma aux élections présidentielles ».

Il forme alors un parti, l’Hromada, et se fait élire au Parlement. Cependant, craignant qu’une action en Justice ne soit lancée contre lui, en 1999 il s’enfuit en Suisse avec un passeport panaméen. Là, il est mis en accusation pour blanchiment d’argent. Il se rend alors aux États-Unis avec un faux passeport. Mal lui en prend, les Américains le poursuivent à leur tour au titre de, dit le rapport « 53 accusations de blanchiment d’argent, conspiration pour commettre des actions de blanchiment d’argent, escroqueries sur Internet wire fraud » selon la terminologie judiciaire américaine) trafic d’influence et transport transfrontalier de biens volés ».

En 2009, Lazarenko se voit condamné à 97 mois de prison, 9 millions de dollars d’amende et 22 millions de ses actifs sont confisqués. Cependant, « Le procès de Lazarenko n’a pas mis en évidence toutes ses activités illicites, la cour ne considérant criminelles que les actions dont le profit a été directement lié à l’argent blanchi à travers des banques américaines ». Voilà qui en dit long sur la dimension des activités litigieuses de l’ancien Premier ministre.

Tymoshenko, innocente aux mains pleines

On sait que Lazarenko prélevait une part de 10 à 50% sur les transactions et affaires qu’il menait en liaison avec ses activités officielles. Le procès des Américains a mis en évidence un détournement de fonds atteignant 114 millions de dollars en deux ans « même si l’ensemble de ces profits peuvent avoir été bien plus importants ». Ses associés ont eux aussi gagné des millions de dollars, or, et c’est là le plus croustillant, Yulia Tymoshenko en fait partie.

« L’aspect le plus explosif des charges pesant sur Lazarenko concernent ses relations d’affaires avec Yulia Tymoshenko, depuis longtemps une alliée politique, dit le rapport. Elle était à cette époque la présidente du Système Énergétique Uni d’Ukraine, UESU (NDLR : pour l’acronyme tiré du nom de l’entreprise en anglais) la compagnie de distribution de gaz naturel qui concernait directement Lazarenko quand il servait comme adjoint du Premier ministre (de 1995 à 1996) chargé du secteur de l’énergie » à ce titre.

En tant que tel, il a réorganisé la distribution du gaz naturel de manière à réserver le monopole de cette activité à quelques sociétés individuelles qui « achetaient le gaz naturel à Gazprom en Russie et le revendaient chacune à des régions spécifiques de l’Ukraine. UESU a reçu ce lucratif monopole pour la région de Dnepropetrovsk de 1995 à 1997. Selon les documents présentés au procès de Lazarenko en 2004 en Californie, en 1996, Lazarenko a obtenu pour UESU une garantie de paiement de l’État du gaz de Gazprom pour un montant de 200 millions de dollars. En 1995, selon les documents, Tymoshenko avait créé une société séparée, United Energy International Limited (UEIL) ».

C’est là que l’escroquerie prend place : UEIL « reçut les paiements des usagers qui consommaient le gaz à la place de UESU ». Comme il fallait sortir cet argent du circuit, un montant d’approximativement 140 millions de dollars a été transféré à Somoli Enterprises, une société chypriote contrôlée par Tymoshenko. En retour, UESU, UEIL et Somoli Enterprises ont versé environ 161 millions de dollars à Lazarenko en 1996 et 1997 ». Bien sûr, Gazprom n’a jamais vu un sou de l’argent qui lui était dû pour la fourniture de gaz.

Traduite en Justice à Kiev en juin 2011, Tymoshenko est condamnée à 7 ans de prison pour abus de pouvoir dans le cadre des contrats gaziers passés avec la Russie. Elle refuse de se présenter devant la cour d’appel prétextant des douleurs dorsales. Même position en avril 2012 quand un nouveau procès est ouvert contre elle pour « détournement de fonds publics et fraude fiscale ».

Les dirigeants occidentaux ne lui trouvent pourtant que vertus. En 2012, l’ambassadeur de France, François Zimeray, est présent à la première audience du tribunal. L’Union européenne et les États-Unis affirment Tymoshenko condamnée pour des raisons politiques.

De deux choses l’une, ou bien les documents produits devant la justice américaine contre Lazarenko et impliquant Tymoshenko sont des faux, et on se demanderait alors à quel titre Lazarenko a été condamné. Ou bien il sont, comme nous le savons, authentiques et les responsables occidentaux prennent la défense d’une délinquante, Tymoshenko, pour des faits qui lui auraient lui valu le même sort chez eux.

On comprend tout cela une mascarade. Tymoshenko a opté pour l’intégration de l’Ukraine à l’Europe. Elle est un pion sur lequel comptent les Occidentaux pour faire aboutir leurs plans. À n’importe quel prix, même celui du dévoiement des principes qu’ils proclament hauts et forts.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

Retour Menu
Retour Page Accueil