L'AMERIQUE DANS LE

MARIGOT TERRORISTE

Novembre 2003

 

 

 Depuis le 11 septembre 2001, des moyens considérables ont été mis en oeuvre pour traquer les "terroristes." La menace a-t-elle pour autant cessé? Après les attaques du 15 et du 20 novembre 2003 en Turquie, les attentats se multipliant, on voit bien que non. Certes, George W. Bush a raison de combattre le "terrorisme," mais utilise-t-il la bonne méthode?

 

Le 11 septembre 2001, d'après les chiffres officiels américains, les attaques contre le World Trade Center de New York et le Pentagone, d'une part, l'avion forcé à s'écraser en Pennsylvanie, d'autre part, ont fait 2981 morts.

Depuis, prenant prétexte de cette terrible journée, George W. Bush a lancé deux guerres, en Afghanistan et en Irak, et menacé plusieurs pays, la Syrie, l'Iran et même son ancienne alliée l'Arabie Saoudite.

Pour quels résultats?

 DEUX ANS EN AFGHANISTAN

 

En Afghanistan, Hamid Karzaï, agent de longue date des Américains (1), mis en place pour gouverner le pays, ne parvient pas à exercer son autorité au-delà des limites de la capitale. Au nord, dans la région de Mazar-i-Sharif, l'Ouzbek Rachid Dostom, ancien chef de milice communiste, suscite des troubles. Au sud, les Talibans se sont réorganisés et lancent des opérations contre les hommes du pouvoir et les troupes occidentales.

Ironiquement, l'Afghanistan sous occupation voit s'étendre les surfaces de terre consacrées à la culture du pavot (2). De 1685 hectares en 2001, cette culture est passée à 61 000 hectares en 2003 (3). Quant au port du "purdah," ce vêtement imposé aux femmes pour les soustraire aux regards des hommes, il n'a pas disparu des rues de la capitale.

Pire, l'hiver dernier, dans les banlieues de Kaboul, là où la température tombe la nuit à moins dix degrés, les réfugiés invités à rentrer du Pakistan et d'Iran ont survécu sous des tentes, avec femmes et enfants.

L'insécurité est totale. Partout, les seigneurs de la guerre sont les maîtres du pays. Le 16 novembre, Bettina Goislard, une Française de 29 ans, a été abattue par deux hommes à moto dans le centre de la ville de Ghazni. Elle travaillait pour le HCR (Haut commissariat pour les réfugiés, agence dépendant des Nations-Unies).

En particulier dans le sud du pays, les 12 500 hommes de la coalition essuient aussi des attaques. Le 23 novembre, deux soldats américains ont été blessés par un tir de roquette au passage de leur véhicule. Le même jour, cinq autres trouvaient la mort quand leur hélicoptère s'écrasait, touché semble-t-il par un projectile ennemi.

Pendant la guerre, les forces occidentales ont tué 3700 civils afghans. Depuis décembre, par erreur, 269 autres (4). Les Américains reconnaissent la perte de 36 de leurs hommes. Les organisations islamistes parlent de plusieurs centaines. Tout cela pour continuer de traquer un homme, malade, peut-être mort, Oussama Ben Laden.

 

 EN IRAK DEPUIS HUIT MOIS

 

Le 29 novembre, le commandant des forces américaines en Irak, le général Ricardo Sanchez, se réjouissait. "Ces deux dernières semaines ont été fantastiques, expliquait-il, les attaques contre les forces de la coalition ont baissé de 30%."

Quelques heures plus tard, on apprenait la mort de deux soldats du 3ème Régiment US de cavalerie blindée, dans une embuscade à proximité de la frontière syrienne. Puis, deux diplomates japonais étaient abattus à Tikrit, ville natale de Saddam Hussein. Enfin, sept officiers de renseignement espagnols étaient tués à une trentaine de kilomètres au sud de Bagdad. Restés abandonnés à terre pendant plusieurs heures avant l'arrivée des hélicoptères, leurs corps ont été piétinés par la population.

Selon les chiffres officiels, au 30 novembre, 186 soldats américains ont été tués au combat depuis "la fin de la guerre," claironnée le 1er mai par le Président Bush. Un chiffre, déjà élevé, qui sert à en cacher un beaucoup plus important.

Il serait en effet plus exact de parler de 522 morts, incluant dans le total, comme dans toutes les guerres, les décédés par accident et les soldats alliés tombés (5).

MORTS ALLIÉS EN IRAK
 États-Unis :  437
 Grande-Bretagne   53
 Italie:   17
 Espagne:   10
 Ukraine:   3
 Danemark:   1
 Pologne:   1
 Total au 30 novembre2003  522

A ce chiffre, il faut ajouter 3000 blessés de guerre et d'après les chiffres recueillis par Roger Roy du "Orlando Sentinel" (États-Unis): 2464 Américains blessés par accident et 4397 évacués pour raisons médicales, dont 504 pour des problèmes psychiatriques.

Pire, et démentant les propos optimistes du général Ricardo Sanchez, le mois de novembre aura été le plus meurtrier pour la coalition, avec 107 morts, contre 92 en mars, "pendant la guerre," et seulement 33 en septembre. Conclusion, la violence va croissant en Irak, et non l'inverse. Comme en Afghanistan, de plus en plus, le contrôle de la situation échappe à l'armée américaine.

Il faut cependant parler clair: ces pertes ne sont pas dues au terrorisme.

Un homme ou une femme portant les armes contre une armée d'occupation, au regard du droit international, ne sont pas des terroristes mais des résistants.

Cela est déplaisant à entendre pour l'occupant, mais demeure une réalité juridique.

Les attaques menées contre des ambassades, la Croix-rouge ou le personnel des Nations-Unies, entrent par contre dans la catégorie "terroriste," car elles visent des civils, de plus, pour la plupart, sans aucun lien d'allégeance avec l'occupant.

Les deux attentats contre les Nations-Unies à Bagdad (le 19 août et le 22 septembre: 17 morts) ou visant les locaux de la Croix-rouge (27 octobre: 10 morts) sont pourtant imputables à la responsabilité des États-Unis.

Une ONG américaine dressant le bilan des victimes de violence armée en Irak, "Iraq Body Count," (IBC) (6) écrit: "Les Conventions de Genève et les Règlements de La Hague, dont les États-Unis et la Grande-Bretagne sont signataires, attribuent la charge de l'ordre public et de la protection de la population civile aux puissances occupantes. La Résolution 1483 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies reconnaît les États-Unis et la Grande-Bretagne autorités occupantes de facto."
Or l'apparition de l'insécurité et du désordre coïncide avec l'arrivée des Américains à Bagdad. Dans cette ville, du 1er mai au 1er septembre, rapporte IBC, on a compté 1519 morts violentes. Le nombre quotidien de ces morts est passé de 10, au mois d'avril, en pleine guerre, à 28 aujourd'hui. Quand, avant le conflit, 10% des victimes transportées à la morgue avaient été tuées par balle, aujourd'hui le taux atteint 60%.

IBC arrive à des conclusions identiques dans les autres villes d'Irak. Du 1er mars au 20 novembre, on compte, pour le moins, 7898 morts violentes de civils irakiens du fait de la guerre ou des conséquences directes de l'occupation.

 

 L'OMBRE PORTÉE D'ISRAËL

 

Comment parler du terrorisme sans s'intéresser au cas d'Israël? Sur son territoire, ce pays est la cible d'attaques imputables à celui-ci.

 Au 8 novembre, l'AFP donnait pour la

"2ème Intifada" (depuis septembre 2000):

un total de 3599 morts.
849 Israéliens
2684 Palestiniens
66 autres
(7)

Néanmoins, si l'on voit les Américains victimes d'opérations causées par leur présence sur le territoire irakien, de même les Israéliens subissent les conséquences de leur occupation sur les territoires palestiniens.

Dans cette affaire, les États-Unis ne sont pas innocents. Tous les ans, ils octroient plus de 3 milliards de dollars de dons à l'État hébreu. L'équivalent de la moitié de l'énorme budget de la Défense de ce pays. Avec les garanties bancaires de Washington, permettant à Israël d'obtenir des crédits qu'elle ne remboursera jamais, le total de l'aide américaine dépasse les onze milliards de dollars. Presque deux mille dollars par Israélien.

Que Washington ferme le robinet de l'aide financière et Israël s'effondrerait. Voilà pourquoi la Maison Blanche, disposant d'un moyen de pression déterminant, est responsable de la politique conduite par Ariel Sharon.

 

 EXPANSION DU TERRORISME

 


Depuis le 11 septembre 2001 et l'offensive contre l'Afghanistan, les attentats islamistes n'ont pas cessé.

 ATTENTATS IMPORTANTS DEPUIS LE 11/09/01
 11/04/02:  Djerba (Tunisie)

 21 morts
 08/05/02:  Karachi (Pakistan)

 14 morts
 14/06/02:  Karachi (Pakistan)

 12 morts
 06/10/02:  Côtes du Yémen

 1 mort
 12/10/02:  Bali (Indonésie)  202 morts
 28/11/02:  Mombasa ( Kenya )

 18 morts
 12/05/03:  Riyad (Arabie Saoudite)

 35 morts
 16/05/03:  Casablanca ( Maroc)

 33 morts
 08/11/03:  Riyad (Arabie Saoudite)

 17 morts
 15/11/03:  Istanbul (Turquie)

 30 morts
 20/11/03:  Istanbul (Turquie)

 25 morts
   

 --------------
 

 TOTAL

 410 morts

Sur 21 objectifs visés, un tiers sont juifs ou israéliens, une dizaine des symboles diplomatiques ou économiques de l'Occident. Les milieux sionistes dénoncent une vague "antisémite." Cependant, personne ne se fait d'illusions. Les attentats sont d'abord une revanche contre Israël et les États-Unis. Sans les injustices commises par ces deux pays, certes il y aurait des attentats, mais faute de volontaires animés par la colère, beaucoup moins.

On mesure là l'erreur des Américains. Ils ressemblent à des pompiers cherchant à éteindre un incendie avec un lance-flamme. Au terrorisme, ils ajoutent toujours plus de guerre. Ils ne l'éliminent pas.

 Le 11 septembre avait fait 2981 morts

 Depuis,le terrorisme a fait 1284 morts

 Les USA & les alliés ont eu 558 morts

 Les USA, les alliés et Israël ont tué 30 000 à 35 000 combattants et civils

 

Notes


(1) Dans les années 90, Hamid Karzaï travaillait au projet de construction d'un pipe-line américain pour transporter le pétrole du Turkménistan à travers l'Afghanistan.
(2) Du pavot sont tirés l'opium et l'héroïne.
(3) Cette estimation est celle du bureau spécialisé rattaché à la Maison Blanche. Les Nations-Unies parlent pour leur part de 80 000 hectares pour 2003.
(4) D'après nos recoupements sur les dépêches de l'agence Reuter et les notes de Marc Herold, professeur à l'université du New Hampshire (USA).
(5) D'après les décomptes des ministères de la Défense des États-Unis et de Grande-Bretagne.

(6) "Iraq Body Count" (IBC) est utilisé comme une source digne de foi par "The Christian Science Monitor" (USA). Cet organisme effectue des recherches auprès des morgues, des hôpitaux et utilise les dépêches des agences de presse.
(7) Il faut entendre par "autres," les journalistes, militants anti-guerre et citoyens arabes d'Israël.

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"SI L'HOMME ÉCHOUE A CONCILIER LA JUSTICE ET LA LIBERTÉ, ALORS IL ÉCHOUE A TOUT."

Albert Camus

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