À PROPOS DE VIGIPIRATE

mars 2015

À la suite des attentats des 7 et 8 janvier 2015, le plan Vigipirate a été renforcé. 10 412 militaires, 4 100 CRS, 4 700 gendarmes et policiers ont été dévolus à cette mission pour protéger 830 sites. Pour assurer une protection 24 heures sur 24, il faut compter 15 hommes par bâtiment. À ce niveau, le plan Vigipirate coûte un million d’euros par jour. En outre, il tend à empêcher l’armée et la police d’assurer d’autres missions comme la formation ou les opérations extérieures, pour les militaires, la sécurité au quotidien des citoyens contre la délinquance, voire les enquêtes suite à des plaintes, pour la police. En revanche, une partie de la population française se voit plus particulièrement protégée, parce que considérée cible prioritaire : les membres de la communauté juive.

Le 3 février, à Nice, devant un centre communautaire juif, trois soldats en faction étaient agressés par un homme d’une trentaine d’années armé d’un couteau. D’origine malienne, il a été signalé en décembre pour des faits de petite délinquance. Les soldats se sont défendus mais n’ont pas tiré. La police a été appelée.

Environ 200 incidents de ce type ont été répertoriés depuis la mise en place du plan Vigipirate renforcé. Quelquefois de mauvaises plaisanteries de gamins, mais aussi des comportements menaçants, comme des hommes cagoulés passant au ralenti avec leur voiture ou, plus grave, un soldat blessé à l’oeil par un rayon laser.

INADAPTATION À LA MISSION

Ces faits prouvent une chose : les soldats ne sont pas équipés et entraînés pour assurer de telles missions.

Il faudrait, pour les rendre efficaces, adapter leurs armes et leurs équipements à l’environnement urbain et au fait qu’ils ne sont pas en guerre mais en opération de protection.

Il serait souhaitable que leurs armes soient plus généralement, mais pas exclusivement, du type pistolet, parce que plus manoeuvrable, complété par des moyens non-létaux tels que des vaporisateurs de gaz lacrymogène. Leurs tenues elles-mêmes devraient être revues pour faciliter leurs mouvements. Enfin une formation aux arts martiaux serait nécessaire.

MILITAIRES ET POLICIERS, DES CIBLES ET DES MARQUEURS DE CIBLES

En protection statique devant les sites, militaires et policiers sont vulnérables. Dans une attaque à l’arme de guerre menée à quelques dizaines de mètres d’une position protégée (porte cochère ou fenêtre), ils sont quasi condamnés.

Les attaques de radicaux islamistes et la propagande de ces derniers désignent bien policiers et militaires comme des cibles. Exposés ceux-ci devant des sites protégés c’est donc faciliter les attaques. Un comble !

Mieux, si l’on peut dire : en mettant nos forces de sécurité devant des sites juifs non-identifiés comme tel et passant inaperçus, l’autorité signale aux nuisibles un objectif possible. En clair, nos policiers et nos militaires deviennent alors des marqueurs de cibles.

Pour remédier à ces difficultés, il nous semblerait plus adapté de privilégier le recours à des voitures banalisées occupées par des hommes en civil, voire le recours à des postes d’observation ou à des caméras. On voit bien là les militaires loin de leurs fonctions habituelles puisqu’ils n’agissent qu’en tenues.

En revanche, l’utilisation de véhicule de patrouille, les plus discrètes possible et reliées à un PC radio, nous semble beaucoup plus efficace. Encore faudrait-il éviter les logos « Vigipirate» contrairement à ce qui est envisagé. Cela permettrait en outre de réduire le nombre d’hommes astreints à la mission.

DES CATÉGORIES MIEUX PROTÉGÉES QUE D’AUTRES

C’est évident, les juifs sont plus particulièrement visés. À ce titre, il convient donc de leur accorder une protection renforcée.

Néanmoins, cette protection ne doit pas être exclusive, comme elle tend à le devenir. D’autres sites peuvent facilement attirer les attaquants, comme les églises, voire les permanences du Front national, sans que rien ne soit fait pour eux. Seules certaines mosquées sont protégées.

Dans le domaine de la sécurité aussi, il y a une France à deux vitesses. Pour les juifs, l’État a été jusqu’à nommer un préfet « chargé de coordonner la protection des sites de la communauté », Patrice Latron. Ces sites sont au nombre de 717. Contre 113 non-juifs.

L’effort est considérable pour la communauté nationale. Démesuré même, nous semble-t-il. Ne pourrait-on pas demander, pour commencer, aux juifs, d’éviter de porter des signes de reconnaissance religieux sur la voie publique ou de marquer de manière trop ostentatoire leurs lieux de culte ou de réunion. Ceci pour leur sécurité et afin de réduire le coût de l’opération en cette période de vaches maigres.

 

Vigipirate
et le sous-effectif
de nos policiers

Le 15 mars 2015, une bande d’une vingtaine de « jeunes » déferlait dans le RER C et, « peu après 4 heures 30 du matin, en gare de Saint-Michel-sur-Orge » contraignait les passagers à leur remettre téléphones portables et portefeuilles.
Des plaintes ont été déposées. Claude Carillo, délégué départemental du syndicat Alliance, ne peut que déplorer l’impuissance de la police. Il dit : « Nous ne pouvons pas être partout ! Ce matin-là, il n’y avait aucun policier en faction à la gare de Juvisy (1). Si les passagers avaient appelé la police pendant le vol, je ne suis même pas sûr que nous aurions pu envoyer quelqu’un. Nous étions déjà en sous-effectifs avant le déploiement du plan Vigipirate et, aujourd’hui, la grande couronne (2) est totalement délaissée ».
Or, sur 717 sites protégés par Vigipirate, plus de 600 sont juifs (synagogues, lieux de réunion etc...) Quand on voit les conséquences des problèmes d’effectifs et que l’on sait cette opération coûtant un million d’euros par jour, on comprend l’effort consenti par la nation en faveur de la communauté juive très important.
Or, que lisons-nous sous la plume de Maître Raphaël Nisan
(3), membre de la communauté et avocat au barreau de Strasbourg : « L’allègement du plan Vigipirate devant les lieux de culte et les écoles juives est un signal extrêmement inquiétant ». Il parle de laxisme « dans la protection militaire et policière des Juifs de France ». Ce n’est jamais assez.

Notes

(1) Juvisy-sur-Orge, à la rencontre des RER C et D, est un important centre ferroviaire.
(2) Par grande couronne, on entend la grande banlieue de Paris.
(3) In « Actualité Juive » du 19 mars 2015.


Réflexions d’un général sur Vigipirate

Le général Jean-Marie Faugère rappelle un point, le recours à l’armée, en France, ne peut se faire qu’en situation de cas de siège, d’état d’urgence ou de défense opérationnelle du territoire. Le plan Vigipirate, dans son extension sous le nom de Sentinelle, pose donc « la question du rôle des armées sur le territoire national et des conditions d’engagement de soldats en armes dans un cadre qui n’est pas rigoureusement défini sur un plan juridique ». En clair l’intervention de l’armée ordonnée par François Hollande est à la limite de la légalité.

Faugère remarque en outre que « Sentinelle répond davantage à une préoccupation d’ordre émotionnel qu’à un objectif précis visant à l’efficacité militaire ».
Il conclut : « Si l’on considère que nos sociétés européennes sont exposées pour longtemps à la menace terroriste, hypothèse d’autant plus vraisemblable qu’elle est liée au fort taux d’engagement de nos armées en interventions extérieures, il devient urgent de réfléchir et de statuer sur les missions données aux armées sur le territoire national. Il conviendrait surtout de leur accorder un statut particulier agrémenté d’un environnement juridique approprié qui ne peut se confondre avec celui des forces de l’ordre ».

Certes, certains craindront l’entrée en force du caporalisme dans la politique française.

Mais il faut choisir : ou l’intervention de l’armée sur le territoire national dans un cadre juridique précis, ou pas d’intervention du tout.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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