LE VENIN DE BEN LADEN

juin 2015

Le 20 mai 2015, les Américains rendaient publics 409 documents découverts par les Navy Seals dans la cache d’Oussama Ben Laden, lors de sa mise à mort le 2 mai 2011 à Abbottabad au Pakistan.

Beaucoup d’excitation pour peu de chose ! Tout ce qui est rapporté, nous le savions déjà peu ou prou par d’autres sources et moyens.

Sur son fils Hamza né vers 1991, par exemple, pour lequel Oussama nourrissait une très vive affection. Tous les gens un peu informés le savait en Iran, sous la protection des Pasdarans. On apprend en revanche que le jeune homme recevait une formation sur les explosifs. Ceci en dit long sur le degré de confiance que nous pouvons avoir dans l’Iran, quand ce pays nous offre son alliance pour lutter contre les groupes jihadistes. Daech (le prétendu État islamique), rappelons-le, est aussi un avatar d’Al-Qaïda.

On pouffe de rire, en revanche, quand on nous parle des financements reçus par Al-Qaïda « du Pakistan et de l’extérieur du Pakistan ». En particulier pour les commentaires concernant un virement évalué à une centaine de milliers d’euros. Nous savons que les transferts d’argents venant d’Arabie Saoudite, en particulier, n’ont jamais cessé d’approvisionner les caisses des groupes terroristes pakistanais et afghans. Les services de sécurité, pakistanais et occidentaux, connaissent parfaitement les noms des intermédiaires. Mais beaucoup d’intérêts croisés, économiques et diplomatiques, étant en jeu, les décideurs gèrent le dossier avec beaucoup de prudence.

L’intérêt manifesté par Ben Laden à l’endroit des « printemps arabes » ne nous était pas non plus inconnu. Dans les documents dévoilés, il les dit pouvant susciter un chaos favorable à l’expansion d’Al-Qaïda. A l’époque, nous avions reçu des informations d’un contact disant qu’Ayman Al-Zawahiri, le bras droit d’Oussama, avait envoyé des chargés de mission pour infiltrer les révolutions en cours. Mieux, il comptait déjà profiter du désordre pour faire entrer certains d’entre eux en Europe, mêlés aux réfugiés traversant la Méditerranée. Or, nous savons cette deuxième partie du plan se réalisant à notre corps défendant.

À ce propos, Ben Laden confirme bien sa volonté d’attaquer l’Europe. Il parle dans un rapport d’un groupe de trois Européens envoyé au Danemark, pour s’en prendre à des intérêts américains, mais qui ont rompu le contact.

Ce qui nous amène à noter qu’un grand nombre des fameux documents ne sont que des ouvrages tirés de la bibliothèque du chef terroriste. Quelques livres et études relatifs à l’économie française, une vingtaine seulement, permettent néanmoins de fantasmer sur ses intentions hostiles à notre égard. Ben Laden aurait eu « l’espoir de provoquer un effondrement économique » du monde occidental par effet de contagion à partir de notre pays.
En réalité, la quasi obsession de Ben Laden et de ses amis à l’égard de la France, nous la connaissons... depuis 1984.

À cette époque, dois-je dire, je faisais des reportages aux côtés de la résistance afghane contre les Soviétiques. Pour augmenter les difficultés de ces derniers, la CIA crut utile de faciliter le passage en Afghanistan d’extrémistes islamistes, parmi lesquels Ben Laden.

Au cours de l’été 1984, accompagnant une colonne de résistants qui remontaient vers le nord de l’Afghanistan à partir du Pakistan, j’ai connu quatre de ces radicaux islamistes. Parmi eux, un certain Boujoumaa Bounoua, un Algérien qui se faisait appeler Abdallah Anas.

Anas était le gendre d’Abdallah Azzam, ami et ancien professeur de théologie de Ben Laden en Arabie Saoudite. La présence et la popularité des médecins français venus secourir les Afghans l’irritait au plus haut point. À l’époque, déjà, il annonçait le jihad en Europe, plus particulièrement en France.

Certes, depuis, Anas s’est calmé. Interdit de séjour en France, il a trouvé asile en Grande-Bretagne où il sert d’intermédiaire avec les Taliban pour les services de ce pays. Mais l’idée d’attaquer la France et le reste de l’Europe est toujours là chez Al-Qaïda.

Alain CHEVALERIAS

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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