LA CHINE EN AFRIQUE

mai 2008

Le 18 avril 2008, se tenait au CAPE (Centre d’accueil de la presse étrangère), à Paris, une conférence de presse donnée par Hongyi Wang. Aujourd’hui directeur adjoint au CIIS (China Institute of International Studies), il a été en poste à l’ambassade de Chine au Cameroun. L’orateur s’est exprimé sur la présence chinoise en Afrique. Très peu présents,nos confrères français ont manqué une occasion de s’informer.

Après l’affaire du Tibet, il fallait s’y attendre, Wang a d’abord décrit les pays occidentaux comme entachés du péché colonialiste. Par opposition, il a présenté la Chine sous les traits du désintéressement, animée selon lui par un élan fraternel à l’égard du continent africain.

Il fallait se retenir pour ne pas s’étrangler de rire. Pour Wang, l’installation d’entreprises chinoises en Afrique relève du domaine de la coopération. En revanche, ce qu’en Occident nous plaçons sous ce vocable coopération est réduit, émanant de Pékin, à presque rien.

Autre surprise, Wang avoue ne pas connaître le nombre d’expatriés chinois présents sur le territoire africain. « Même le ministre concerné ne pourrait pas vous répondre » affirme-t-il. Selon lui, la Chine n’a pas la capacité de comptabiliser ses ressortissants travaillant en Afrique par le biais de ses ambassades.

Pour justifier le volume important de Chinois travaillant sur le continent africain, Wang invoque la raison linguistique. Les chefs d’entreprises seraient réduits à importer de la main d’oeuvre chinoise en raison de leur ignorance des idiomes locaux.

Poussé sur ce sujet, il finit par admettre la méconnaissance des chiffres relevant aussi d’une approche culturelle spécifique. « Les Chinois préfèrent garder le silence pour gagner de l’argent ». Une leçon pour nous, Occidentaux.

Très révélateur de cette culture de discrétion, concernant les ventes de centrales nucléaires, à usage civil donc, Wang avoue ne pas pouvoir répondre car ces activités sont couvertes par le secret.

Il nous fait quand même une confidence : la Chine a mis sur pied un programme de trois ans de formation pour 15 000 Africains. Étudiant en anglais et en français, ils serviront d’intermédiaire entre la direction et leurs compatriotes, dans les entreprises chinoises installées en Afrique.

Reste un domaine de coopération dans lequel la Chine s’investit, reconnaît Wang, celui du militaire. Il existe des programmes de formation d’officiers africains sur le territoire chinois. Il finit aussi par admettre l’existence de sessions d’entraînement des troupes par l’armée chinoise en Afrique, dans des pays comme le Zimbabwe. Une référence peu flatteuse (1).

Avec fierté, Wang affirme la plupart des produits importés d’Afrique en Chine totalement détaxés. Il est vrai, il existe peu de risques de concurrence entre ces deux ensembles économiques.

Néanmoins, en dépit de l’amitié déclarée par les Chinois à l’égard des Africains, des tensions n’en existent pas moins entre eux. Présents dans la salle, des journalistes du continent noir s’en sont faits les dénonciateurs.

Ainsi, en Côte d’Ivoire, des incidents violents ont éclaté parce que la construction de la résidence d’un député étant confiée aux Chinois, ces derniers avaient importé la main-d’oeuvre de chez eux.

À Kinshasa, en République démocratique du Congo, la colère s’est exprimée en raison de l’expulsion manu militari des habitants d’un quartier destiné à l’installation de Chinois.

Enfin, au Sénégal, les marchands ambulants locaux sont entrés en conflits avec leurs concurrents arrivés de Chine. Interrogé sur les intentions de Pékin pour régler ces litiges, Wang a eu cette belle réponse : « Entre commerçants, c’est toujours la guerre ». Puis il se défaussa sur le gouvernement local pour régler les problèmes.

Du reste, partout en Afrique, les milieux commerçants se plaignent en raison des prix très peu élevés des produits chinois, qui ruinent ainsi les productions locales.
Nous avons aussi compris de beaux affrontements s’annonçant avec les entreprises occidentales.

Au Darfour (2), les Chinois contrôlent 35% de la production de pétrole. Comme nous l’avons déjà expliqué, ceci explique largement la mobilisation de certaines ONG en faveur de cette région du Soudan. L’humanitaire a toujours bon dos dans ce genre d’affaire.

Pour le Niger, Wang ne cachait pas sa déception. La France y est en effet parvenue à conserver l’exploitation des mines d’uranium convoitées par Pékin.

Quant au bois, une matière première abondante en Afrique et dont manque cruellement la Chine, Wang avouait : « C’est un secteur très fermé complètement aux mains des compagnies occidentales ». Pour combien de temps ?

En effet, la Chine manque de matières premières, en particulier énergétiques, et la densité de sa population atteint 137 habitants au km2. L’Afrique ne compte que 32 habitants au km2 et dispose de réserves considérarables en ressources minières et fossiles. La compétition, pour en prendre le contrôle ne fait que commencer.

 

 

Notes

(1) Voir notre article: Tournant électoral au Zimbabwé
(2) Voir: Manipulation américaine au
Darfour.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 
Lire aussi: Risques de conflits entre la Chine et les Etats-Unis autour du pétrole tchadien
 
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