Le massacre du 31 octobre
à Bagdad
Compte
tenu de lampleur du massacre, la presse à grand
tirage, pour une fois, en a parlé. Nous avons jugé
bon de compléter ce que vous savez par des emprunts à
la lettre envoyée par deux religieuses de Bagdad, qui
se sont rendues sur place pour collecter des témoignages.
Le document original est rédigé en français.
« ... Notre Église
est habituée aux coups durs, mais cest la première
fois que cest aussi violent et sauvage et surtout la première
fois que cela se passe à lintérieur dune
église. Dhabitude ils font exploser des bombes dans
la cour des lieux de culte.
Léglise Notre Dame
du Salut est une des
trois églises syriaques catholiques (1) de Bagdad. La plupart des gens
qui la fréquentent sont des chrétiens de rite syriaque
originaires de Mossoul ou des trois villages chrétiens
syriaques proches de Mossoul (...)
Léglise a été
prise dassaut le dimanche 31 Octobre après
midi, juste après le sermon du Père Thaer,
qui célébrait la messe. Le Père Wasim
(...) confessait au fond de léglise près
de la porte dentrée. Le Père Raphaël
était dans le choeur. Les attaquants étaient de
très jeunes gens (14-15 ans) non masqués et armés
de mitraillettes, de grenades et ils portaient une ceinture explosive.
Ils ont tout de suite ouvert le feu, tuant le Père
Wasim, qui tentait de fermer la porte de léglise,
puis ils ont tiré aveuglément après avoir
ordonné aux gens de se jeter a terre, de ne plus bouger
et de ne pas crier. Certains ont réussi à envoyer
des messages par téléphone portable pour donner
lalerte, mais les assaillants se sont mis à tirer
sur toute personne quils voyaient utilisant son portable.
Le Père Thaer, qui continuait de célébrer
loffice, a été tué à lautel
dans ses habits sacerdotaux. Son frère et sa mère
ont également été tués.
Après, cela a été le massacre, nous ne pouvons
pas raconter tout ce que les gens nous ont dit. Même les
enfants qui criaient étaient tués. Certaines personnes
sétaient réfugiées dans la sacristie
en barricadant la porte, mais ils sont montés sur la terrasse
de léglise et ont jeté des grenades par les
fenêtres de la sacristie qui sont en hauteur.
(...) Ils ont également mitraillé
les appareils dair conditionné pour que le gaz,
en séchappant, asphyxie les gens qui étaient
proches. Ils ont mitraillé la Croix en se moquant et en
disant aux gens : « Dites-lui
de vous sauver ». Ils ont aussi lancé lappel
à la prière des musulmans : « Allah ou
akbar, la ilah illallah
» (2)
À la fin, quand larmée a été
sur le point dentrer, ils se sont faits exploser.
Larmée et les secours
ont mis presque deux heures à arriver, ainsi que les Américains
qui survolaient les lieux en hélicoptère (...)
Pourquoi ont-ils mis si longtemps avant dintervenir ? »
« Dégâts collatéraux
», diront sans doute le Américains. Cest néanmoins
la conséquence directe de leur intervention en Irak.
(1) La communauté chrétienne
assyrienne est née de lhérésie de
Nestorius (381-451), patriarche dAlexandrie, qui fut déchu
et exilé. Sa croyance fit souche au Moyen-Orient et servit
de dogme à lÉglise de Mésopotamie
(actuel Irak). En 1552, la plus grosse partie de la communauté
assyrienne rejoignit Rome, acceptant son dogme tout en conservant
ses rites. On appelle ceux restés attachés à
la tradition de Nestorius des Assyriens. Les autres des Assyriens
catholiques ou Chaldéens.
(2) Il sagit en fait de la profession de foi musulmane
: « Dieu est unique et Mohammed est son Prophète
», précédé de « Dieu est
le plus grand »
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Un Afghan converti
menacé de mort par lÉtat
Il
sappelle Mossa. Marié et père de six enfants,
il est né dans la religion chiite. Amputé dune
jambe, comme beaucoup dAfghans victimes de mines anti-personnel,
il travaillait néanmoins au département orthopédique
de la Croix Rouge à Kaboul depuis seize ans. Il y a huit
ans, il sest converti au christianisme, un choix fait récemment
par quelques Afghans.
En mai dernier, une chaîne de
télévision locale, TV Noorin, a entamé
une campagne de dénigrement des Afghans convertis au christianisme.
Des manifestations ont éclaté à Kaboul et
des parlementaires ont écrit pour demander au gouvernement
lapplication de « la loi islamique »,
selon leur interprétation de celle-ci : la mise à
mort des personnes concernées pour apostasie.
Comprenant le danger, le 24 mai 2010,
Mossa demanda à la Croix Rouge un congé sans solde
afin de se mettre à labri quelque temps avec sa
famille. La police lattendait devant les bureaux. Le 27
juillet, sa famille apprit enfin dans quelle prison il était
par un codétenu libéré.
Au cours de sa détention il
a subi insultes, coups, et violences sexuelles, autant de la
part des autorités que des autres prisonniers encouragés
par les geôliers. La Croix Rouge, se retranchant
derrière sa neutralité, refuse de demander sa libération.
Les ambassades étrangères se montrent frileuses.
Ici, aucun avocat local na accepté de prendre sa
défense et un avocat venu de létranger na
pas eu le droit de le rencontrer.
Passé au tribunal fin novembre,
il attend la décision du juge. Cela se passe dans un État
soutenu par les Nations Unies et nos pays.
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