Le Président turc, mis en difficultés
par la justice américaine

avril 2016

Reza Zarrab, un citoyen iranien de 33 ans, a été arrêté en mars dernier par la police fédérale américaine à son arrivée à Miami où il comptait passer des vacances avec sa famille. La justice des États-Unis lui reproche des transactions faites entre la Turquie et l’Iran en violation de l’embargo contre ce dernier pays. Marié avec une célèbre chanteuse turque, il était en compagnie de deux autres Iraniens qui ont eux aussi été incarcérés.

Jusque-là, un fait divers publié en entrefilet dans la presse américaine. Petit problème cependant, en décembre 2013, Zarrab avait déjà été arrêté en Turquie. La justice de ce pays lui reprochait un trafic d’or illicite avec l’Iran... grâce à la complicité de ministres de l’actuel gouvernement. Résultat, quatre de ces derniers avaient été forcés à la démission.

L’affaire continuait cependant d’enfler avec la publication d’écoutes téléphoniques mettant en cause le Président de la République, Recep Tayyip Erdogan, et son fils Bilal dans cette sale affaire.

Le scandale avait fini par se tasser en Turquie, mais le 6 mars dernier, il connaissait un rebondissement en IranBabak Sandjani, l’associé de Zarrab, a été condamné à mort pour corruption. Si on ne peut soupçonner l’Iran de travailler main dans la main avec les États-Unis, on sait néanmoins Téhéran en tension avec Ankara qui veut faire tomber Bachar Al-Assad en Syrie quand les Iraniens le soutiennent.

Enfonçant bien le clou, fin mars, un responsable de la police américaine déclarait : « Les accusations portées aujourd’hui (contre Zarrab) devraient servir de message à tous ceux qui essaient de cacher le nom de leurs véritables associés ».

Problème, quelques jours plus tard, du 29 mars au 2 avril, Erdogan se rendait aux États-Unis. Outre le procès gênant de Zarrab et de ses acolytes, il y a de nombreux sujets qui fâchent entre les deux leaders, comme la criminalisation des revendications indépendantistes des Kurdes par l’État turc ou les atteintes à la liberté de la presse.

On n’était guère surpris que le Président turc n’ait pas de rendez-vous avec Barack Obama. Mais en pleine guerre syrienne, Washington pouvait-il bouder le chef d’un État membre de l’OTAN aussi incontournable sur le terrain ? Finalement, on apprendra que le 1er avril, les deux hommes se sont rencontrés, sans fanfare, en marge du sommet sur la sécurité nucléaire. Une sorte de service minimum en somme.

Erdogan a le sens de l’humour

Les 14 et 15 avril, la Turquie avait rassemblé à Istanbul le 13e sommet de l’OCI (Organisation de la coopération islamique). Près de 56 dirigeants et représentants d’États musulmans étaient présents.

Déjà, en elle-même, l’affaire ressemble à une pantalonnade : officiellement, même si le régime est islamiste, la Turquie est déclarée laïque. En clair, le Président Recep Tayyip Erdogan bafoue les institutions de son pays.

Le plus drôle n’était pourtant pas là : avec les accents de grands patron qu’il sait prendre, Erdogan a annoncé la création d’un « Interpol islamique » basé à Istanbul. Grâce à ce moyen, a-t-il expliqué, la lutte contre le terrorisme en sera facilitée.
Mais pour être efficace, une telle structure a besoin de référents commun. Lire un verset du Coran au début de chaque séance a peu de chance de suffire. Il faut, avant tout, savoir qui l’on désigne sous le terme de « terroristes ».

Or, sur ce plan, on peut dire qu’il y a du chemin à faire !
Pour la Turquie, les Frères musulmans sont une organisation amie. Le régime d’Erdogan confie même des missions éducatives aux Frères de Syrie dans les camps de réfugiés. En revanche, l’Égypte et les Émirats, pour ne parler que d’eux, classent la confrérie dans les mouvements terroristes.

Certes, comme pour la Turquie, parmi les pays arabes et sunnites, le Hezbollah libanais fait presque l’unanimité contre lui. Les amis de l’Iran n’en sont pourtant pas d’accord : la Syrie, l’Irak et la partie chiite du Liban le voient comme un parti allié.

La situation n’est pas plus facile avec le Hamas palestinien. Si, chassé de Syrie, il a bénéficié de l’asile en Turquie, il est en disgrâce en Égypte et tenu à l’écart en Jordanie.

Il n’y aurait bien que les groupes armés kurdes pour susciter le rejet de tous, sunnites comme chiites, arabes comme Iraniens. Un peu léger néanmoins pour rassembler les services de police et de renseignement.

 L’attentat du
19 mars à Istanbul

Il est environ 11 heures du matin ce samedi 19 mars. Je suis à Istanbul, sur la place Taksim, au coeur d’un quartier où Turcs et touristes se côtoient dans les restaurants.

Soudain, une voiture de police débouche sirène hurlante. Elle se dirige vers l’avenue piétonnière Istiklal. Puis des véhicules blindés de maintien de l’ordre surgissent.

À cinq cents mètres, un terroriste vient de se faire sauter. D’ici, le bruit de l’explosion a été couvert par les rumeurs de la ville.

Sans attendre, la police boucle la zone, y compris pour les journalistes, sur un large périmètre. Un hélicoptère apparaît dans le ciel pour suivre les mouvements au sol.

Dans la foule des curieux et des personnes évacuées de la zone, sous le choc, des femmes pleurent. Il y a de la colère dans la bouche des Turcs. Contre « les » terroristes bien sûr. Mais, quand ils se livrent un peu, contre les pays étrangers aussi. Ils perçoivent les Occidentaux, les États-Unis en premier lieu, comme les responsables d’un vaste désordre engendré par eux au Moyen-Orient.

Petit à petit, les informations remontent. D’abord confuses, puis se stabilisant : il y a quatre morts, trois Israéliens et un Iranien, et une quarantaine de blessés.

Quand le périmètre de sécurité est relevé, je m’étonne de ne pas voir de cible « objective ». On parle dans la presse d’un bâtiment officiel qui aurait été visé, mais cela ne correspond pas.

Une information de la police va nous en apprendre un peu plus le lendemain. L’observation des enregistrements des caméras de surveillance montre le terroriste suivant un groupe de 14 touristes israéliens depuis la sortie de leur hôtel. On apprenait enfin Daech (l’État Islamique) à l’origine de l’attentat.

Un message des plus clairs à l’attention des stratèges d’Israël.
Un cruel démenti aussi, pour ceux qui continuent de vouloir nous faire croire le conflit israélo-palestinien sans relations de cause à effet avec la montée de l’islamo-terrorisme.

A. Chevalérias

Étrange : les Israéliens tués à Istanbul n’étaient pas visés, dit Tel-Aviv. Le 19 mars, 3 Israéliens ont été tués dans un attentat à Istanbul. La police a pu suivre le tueur, sur les caméras, prenant en filature ses victimes. Le hasard a bon dos et, surtout, il ne faut pas laisser entendre que la politique d’Israël est l’un des agents provocateurs du terrorisme.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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