Pendant les guerres de Yougoslavie, des armes russes fournies aux ennemis des Serbes

février 2012

Pendant les années 90, se souvient-on, la diplomatie russe soutenait activement la Serbie, coeur de la Yougoslavie (1). Les découvertes faites par une équipe de journalistes slovènes donne un autre visage de la réalité.

A l’époque, un embargo sur les armes destinées aux différents États et groupes militarisés de Yougoslavie avait été décrété par les Nations Unies et ratifié par tous les pays. Un gigantesque réseau avait pourtant été mis en place, impliquant les services occidentaux, russes et les capitales de l’Est européen, en cheville avec des organisations mafieuses, pour approvisionner en armes les Croates et les Bosniaques.

Le quartier général se trouvait à Vienne et les transactions financières se faisaient par l’intermédiaire d’une banque hongroise. Un rôle central était joué par Constantin Dafermos, un trafiquant grec alors basé dans la capitale autrichienne. À l’époque, il travaillait avec la « Scorpion International Services », devenue depuis la représentante exclusive de Rosoboronexport, une société russe d’exportation d’armes.

Tout a commencé le 20 juin 1991 et le pic du trafic a été atteint en 1992. Le port slovène de Koper servait le plus souvent au déchargement parce qu’il n’était pas sous contrôle des inspecteurs des Nations Unies.

Ce 20 juin 1991, par exemple, un bateau danois, le Herman C. Boye, a livré en Slovénie 50 000 kalachnikovs, des munitions et des missiles sol-air pour une valeur de 4,3 millions de dollars. Le chargement s’est retrouvé en Croatie.

Début 1992, huit navires partirent du port ukrainien de Mykolaïv, exportant 12 000 tonnes d’armes destinées elles aussi à la Croatie et transitant par Koper. Trois autres bateaux, affrétés de Pologne et d’Ukraine, ont débarqué pour 33,3 millions de dollars d’armes. Le fret contenait 52 lance-missiles SA-16 et 400 missiles, 50 lance-missiles anti-char AT-4 avec 500 missiles et 20 lance-missiles anti-char AT-7 avec 200 missiles.

Les relevés bancaires révèlent qu’au moins 9,4 millions de dollars ont été transférés du compte de Dafermos sur celui de Cenrex, entreprise détenu par l’État polonais et dirigé par Jerzy Dembowski, un lieutenant-colonel des services de renseignements du même pays.

Des oligarques russes, comme Alexander Zhukov et Leonid Lebedev, un ancien Premier ministre ukrainien, Ievhen Martchouk et des fonctionnaires du KGB ont été condamnés dans un procès et leur implication reconnue.

Ce n’est pas tout. Des missiles russes ont été payés grâce au prêt d’une banque allemande, Unimercat, basée à Monaco. Le banquier britannique Mark Garber a lui aussi dû répondre de sa complicité devant la Justice.

Étrangement, la presse française se fait très discrète sur toutes ces affaires. Dans les années 90, tout le monde voulait la peau de la Yougoslavie et tous les coups étaient permis. La mise à mort devait prendre place en mars 1999 avec l’attaque de l’OTAN contre la Serbie.

Alain Chevalérias

Note

(1) Dans le courant de l’été 1998, je me suis rendu au Kosovo. En mars 1999, pendant l’attaque de l’OTAN, j’étais à Belgrade sous les bombardements. A ces deux occasions, j’ai vu des diplomates et des chargés de mission russes qui défendaient la cause serbe.

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