HISTOIRE

 Le comte Folke BernadotteComte Folke Bernadotte

 LE 17 SEPTEMBRE 1948

ASSASSINAT DU COMTE BERNADOTTE


De 1920 à 1948, alors sous mandat britannique, l'histoire de la Palestine ne manque pas d'actions terroristes. Les musulmans menaient les unes contre les nouveaux venus juifs, ces derniers contre les mahométans (1). Dans un État d'Israël alors souverain, le pire, sur le plan du droit et des principes, a été commis le 17 septembre 1948. Il tuait le comte Folke Bernadotte, neveu du roi Gustave V de Suède, et le colonel André P. Sérot (2). En plein conflit israélo-arabe, Bernadotte occupait les fonctions de médiateur des Nations unies quand Sérot en dirigeait la mission des observateurs. Ils étaient protégés par l'immunité diplomatique. Le premier descendait de Jean-Baptiste Bernadotte, fait maréchal par Napoléon 1er et appelé en 1810 par les Suédois à succéder à leur roi. En février 1945, négociant avec Himmler, Folke Bernadotte avait, lui, sauvé une dizaine de milliers de juifs de l'extermination en les faisant évacuer en Suède.

Le 29 novembre 1947, par la résolution 181, les Nations unies approuvaient le plan de partage de la Palestine entre les Arabes et les juifs. Depuis 1920, à la suite de l'effondrement de l'empire ottoman, la Grande Bretagne administrait ce territoire.

En dépit de son désaccord sur le tracé des frontières imposées à Israël, L'Agence juive (3) accepte la décision des Nations unies. Les Palestiniens et les États arabes refusent. Ils se référent au principe, inscrit dans la Charte de l'organisation internationale, qui reconnaît à chaque peuple le droit de décider de son destin. En d'autres termes, pour le camp arabe, un référendum aurait dû prendre place.

Résultat, quand le 14 mai 1948, les Britanniques dégagent leurs forces, la violence éclate entre juifs et Palestiniens. Accourant à l'aide de ces derniers, le lendemain, des troupes envoyées par les pays arabes pénètrent en Palestine.

Le 20 mai, les Nations unies dépêchent le comte Folke Bernadotte sur le terrain comme médiateur. Quelques jours plus tard, le 29, celui-ci obtient une trêve de quatre semaines qui prend effet le 11 juin. Les deux camps profitent de ce répit pour se réarmer et renforcer leurs effectifs. A son terme, la trêve n'est pas reconduite. De nouveaux combats éclatent le 8 juillet. D'autres suivront (4). Ils permettent aux Israéliens de s'emparer de 25% du territoire attribué par les Nations unies aux Palestiniens. A cette occasion, 750 000 chrétiens et musulmans sont chassés de leurs maisons par les forces sionistes.

Dans un rapport aux Nations unies, Bernadotte écrit : " Ce serait offenser les principes élémentaires que d'empêcher ces innocentes victimes du conflit de retourner à leur foyer, alors que les immigrants juifs affluent en Palestine et, de plus, menacent, de façon permanente, de remplacer les réfugiés arabes enracinés dans cette terre depuis des siècles… "

Yitzhak Shamir est alors l'un des chefs du groupe Stern (5), une milice juive armée. Il écrit : " Ne se contentant pas du rôle astreignant de médiateur, le comte (Bernadotte) commença à travailler à un plan de paix de son cru (…) et environ 360 000 Arabes devaient revenir. C'était un désastre… " (6)

Le Stern décide de la mort de Bernadotte.

Le 17 septembre, celui-ci déjeune en face de l'hôtel King David avec l'état-major des observateurs des Nations unies. Il doit rencontrer le gouverneur israélien de Jérusalem. Son convoi, de trois véhicules, dont une Chrysler, porte les fanions des Nations unies et de la Croix-Rouge.

Rue Hapalmah, une jeep bloque la route. " Trois hommes en uniforme kaki, apparemment des soldats israéliens, s'approchent… Un des assaillants passe le canon de sa mitraillette Schmeisser par la fenêtre de la Chrysler. Il vide un chargeur sur Bernadotte et le colonel Sérot qui est à ses côtés… " (7)

Dans ses mémoires, Shamir dira qu'il ne s'était " pas opposé " à ce projet de liquidation. Sur les quatre exécutants et les trois organisateurs, deux furent condamnés par la Justice israélienne et amnistiés quinze jours plus tard par Ben Gourion, alors Premier ministre.

NOTES


(1)Lire:
"Histoire: Avant Israël, les terroristes..".
(2) Le colonel Sérot était un aviateur détaché par la France. Il s'estimait redevable à Bernadotte d'avoir sorti sa femme du camp de concentration de Ravensbrück en 1945 et non Dachau comme écrit auparavant.
Voir ci-dessous.
(3) Crée par l'Organisation sioniste mondiale en 1897 à Bâle en vue de la fondation d'Israël.
(4) En particulier en octobre 1948, puis en mars 1949.
(5) Groupe Stern ou Lèhi.

(6) " Yitzhak Shamir, ma vie pour Israël, mémoires de combat. " NM7, éditions Ramsay. Shamir a été Premier ministre d'Israël.
(7) " Shamir, " de Charles Enderlin, éditions Olivier Orban.

Jean Isnard,
Consultant au: Centre de recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001

 

 

Les corps du colonel Sérot et du comte Folke Bernadotte abattus par le Stern sur les ordres de Shamir

  Nous avons reçu les lettres suivantes:

Suite à un article paru il y a déjà un moment et signé par Jean Isnard, je tiens à préciser que Madame Betty Sérot, veuve du Colonel André Pierre Sérot assassiné le 17 septembre 1948 aux côtés de Folke Bernadotte n'a pas été déportée à Dachau mais détenue à Romainville, avant d'être envoyée à Ravensbrück (dans le bloc dit des " 27000 " avec Geneviève Antonioz De
Gaulle et Germaine Tillion entre autres déportées). A la suite de leur veuvage commun, Maman (B. Sérot) et Madame Estelle Bernadotte ont appris la langue de l'autre afin de correspondre entre elles. A la mort de Maman, j'ai continué à correspondre avec Madame Bernadotte, même après qu'elle se soit remariée avec un Chambellan du roi... Elle passait une partie de l'année à Saint Paul de Vence où elle avait une propriété.
Merci de transmettre ce message à Monsieur Isnard...

 

Madame Monique Chaibi

Fille du colonel André Sérot

 (Réponse de Jean Isnard)

Madame,

Vous avez parfaitement raison de corriger : votre mère n’a pas été déportée à Dachau mais à Ravensbrück. Mes informations étaient incomplètes lors de ma rédaction de l’article: " Le 17 septembre 1948 : assassinat du Comte Bernadotte," en raison du peu de documents disponibles.

Néanmoins, grâce à Pierre de Villemarest l’un de mes collègues, Alain Chevalérias, avait corrigé cette erreur dans un autre article publié sur le site sous le titre "A la mémoire d’André Sérot" .

Je suis touché que vous ayez pris la peine d’enrichir notre travail par votre lettre.

En outre, permettez-moi de profiter de cette occasion afin de vous dire ma solidarité pour cette épreuve qui a marqué votre enfance. Outre son dévouement pour notre pays, on m’a fait part des qualités humaines de votre père. Voilà pourquoi, au Centre, nous avons décidé de lui rendre un hommage particulier.

Je voulais aussi vous demander, au nom de mes collègues et en mon nom propre, l’autorisation de publier votre lettre en continuation de l’article écrit en hommage à votre père.

Dans l’attente de vous lire, je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de mes sentiments très respectueux.

Jean Isnard

 

 A mon tour, je vous remercie d'avoir lu ma lettre avec attention.
Bien entendu, je vous autorise à publier celle-ci. Je pense que Maman (Betty Sérot) aurait aimé savoir que le nom de son mari ne tombait pas aux oubliettes et cela l'aurait sans doute consolée de l'impression que sa mort n'avait servi à rien (je fais allusion à la situation dramatique qui perdure dans cette Palestine où il laissa la vie.)

Je me tiens également à votre disposition pour tout renseignement que je pourrais vous donner sur l'un ou l'autre de mes parents.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de ma plus profonde gratitude pour l'intérêt que vous portez à un couple qui aimait la France par dessus-tout.

Monique Chaibi

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Lire aussi: Quand Itzhak (Yitzhak) Shamir était un terroriste

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