Alain Chevalérias : Quand on dit Pakistan, on pense immédiatement à ses relations avec l'Inde. Que manque-t-il aujourd'hui pour qu'une entente basée sur la confiance se développe entre les deux pays ? Khurshid Mahmood Kasuri : Il faut trouver une solution négociée aux raisons de nos disputes et, d'abord, sur le dossier du Cachemire, qui génère le plus de tension entre nos deux pays. Certes, nous avons décidé d'entamer un dialogue soutenu et il a commencé avec la venue au Pakistan du Premier ministre indien de l'époque, M. Atal Bihari Vajpayee, le 6 janvier 2004. De notre côté, nous avions déjà décidé d'un cessez-le-feu unilatéral, suscitant un climat de confiance. Mais hélas ! Nous, n'avons pas avancé sur le fond du conflit lui-même. A.C. : N'avez-vous pas créé des canaux communs pour gérer les situations de crise entre vos deux pays ? K. M. K. : Nous avons mis sur pied le cadre d'un dialogue pluridisciplinaire, englobant les différents aspects de la paix et de la sécurité. Des responsables aux plus hauts niveaux des Affaires étrangères et des secrétaires permanents suivent les dossiers. En ce qui concerne les Affaires étrangères, avec mon alter ego indien, nous nous rencontrons ensuite pour suivre les évolutions. Cela est-il efficace ? Oui et non. Oui, parce que nous parvenons ainsi à faire baisser la pression en favorisant entre nous une meilleure compréhension. Non, parce que les moments de tension, comme la récente attaque à Bombay, engendrent le report des négociations sur le fond. A.C. : En période de tension, on pourrait au contraire croire les autorités des deux pays plus conscientes encore de la nécessité de négocier. Pourquoi donc le report des négociations en pareille situation ? K. M. K. : En raison des pressions politiques internes que connaît l'Inde. Après l'attaque de Bombay, par exemple, en tant qu'homme politique, j'ai bien compris la décision du Premier ministre indien Manmohan Singh de reporter le dialogue en cours. Même si cela n'était pas souhaitable, c'était compréhensible parce que l'opposition s'était saisie de l'affaire pour mettre le gouvernement indien en difficulté. Par contre, les soupçons émis à l'adresse de groupes pakistanais étaient malvenus. A.C. : Pardonnez-moi, je ne pense pas que l'Inde soit seule en cause... K. M. K. : C'est vrai. Dans les deux pays nous avons des lobbies prêts à bondir sur l'occasion pour miner le dialogue que nous instaurons. A.C. : Pour certains, ce dialogue apparaît comme le résultat des pressions internationales, principalement américaines. Confirmez-vous ? K. M. K. : C'est ce que disent nos détracteurs. C'est ridicule. Nous poursuivons ce dialogue parce que nous y voyons notre intérêt. Néanmoins, nous sommes reconnaissants à la communauté internationale de s'intéresser à la paix dans la région. Je pense en priorité aux Etats-Unis et à la l'Union européenne. A.C. : L'Inde et le Pakistan se sont dotés de l'arme nucléaire. Cela n'engendre-t-il pas aussi des tensions entre vos deux pays ? K. M. K. : Absolument pas ! D'abord parce que le Pakistan est une puissance nucléaire responsable. Ensuite cela instaure un équilibre des forces entre l'Inde et le Pakistan. De part et d'autre de la frontière, nous avons pris conscience de la terrible puissance dont nous disposons. Un affrontement dans un pareil contexte relèverait du suicide. La preuve, il n'y a pas eu de guerre entre l'Inde et le Pakistan depuis que nous sommes des puissances nucléaires. C'est pourquoi nous sommes réduits au dialogue. Néanmoins, on ne peut dépendre de la seule force nucléaire, qui repose sur un bluff, puisque personne n'est censé l'utiliser. Si quelqu'un était assez fou pour relever le défi du nucléaire, alors nous serions vulnérables. Voilà pourquoi, nous devons aussi pouvoir compter sur une force conventionnelle. A.C. : L'Inde ne dispose-t-elle pas d'une supériorité écrasante en la matière ? K. M. K. : Certes, nous ne pouvons pas positionner un soldat contre un soldat, un char contre un char. Quand les Indiens mettent en ligne un million d'hommes, nous n'en n'avons que la moitié. Quand ils ont peut-être 3000 chars, nous n'en avons que 2000. Important à noter : en matière de capacité d'attaque, nous ne pouvons pas rivaliser avec les Indiens, quand la doctrine militaire recommande une force trois fois supérieure à celle de l'ennemi pour attaquer. Voyez là une preuve de la non agressivité du Pakistan. Nous avons les moyens de nous défendre, et nous les entretenons, mais pas ceux d'attaquer. C'est une combinaison de nos capacités dissuasives qui a préservé la paix. A.C. : L'épisode du Dr Abdelkader Khan, ne jette-t-il pas une ombre sur le tableau ? K. M. K. : Vous avez raison et cette affaire a été très malencontreuse. N'empêche, nous collaborons activement avec la communauté internationale et en dépit du caractère épineux du dossier, nous avons pris des dispositions en retirant ses responsabilités au coupable et en le plaçant en résidence surveillée. Voyez-vous, le Pakistan est au coeur d'un environnement très complexe. Outre l'Inde, nous sommes frontaliers de l'Afghanistan, de l'Iran, de la Chine et nous donnons sur le Golfe, pour notre façade maritime. N'oubliez pas non plus l'impact de l'invasion des Soviétiques en Afghanistan en 1979. Les jeunes musulmans du monde entier étaient fascinés par les slogans appelant au jihad. La propagande de l'Occident, dirigée contre l'Union soviétique, participait à cette mobilisation. Alors, ne blâmez pas seulement le Pakistan. Vos pays, eux aussi, ont fait circuler le mot d'ordre : " Allez et combattez les athées communistes. " A.C. : Merci d'évoquer cette question que je comptais aborder. Les Occidentaux n'ont-ils pas soutenu la résistance afghane à l'invasion soviétique plutôt que l'idée de jihad, dans les années 80 ? K. M. K. : Quand vous soutenez des actions militaires, vous ne jouez pas au ping-pong. C'est la guerre. Or la propagande est une part essentielle de celle-ci. Si vous demandez à des gens de sacrifier leur vie, les messages diplomatiques n'ont guère d'influence sur les consciences. Les gens, qui écoutent les slogans, se mobilisent au nom de la cause supérieure dont vous vous faites l'interprète. La violation des résolutions des Nations unies, la coexistence pacifique ou l'égalité entre les peuples, ne sont pas des thèmes mobilisateurs. Les gens répondent à des arguments existentiels, à des sollicitations d'ordre identitaire. Le judaïsme et le christianisme sont nés dans les mêmes régions que l'Islam. Alors ne me dites pas que les experts étaient naïfs au point de ne pas connaître la portée émotionnelle des mots utilisés pour mobiliser les musulmans ! Ils savaient parfaitement ce qu'ils faisaient. Les journalistes occidentaux basés à Islamabad allaient jusqu'à Lahore. Ils parlaient avec considération des " moujhs, " comme ils désignaient les résistants afghans. Il nous faut assumer collectivement nos responsabilités. C'est le seul moyen de comprendre cette région et la difficile situation dans laquelle se trouve le Pakistan. A.C. : L'Inde et le Pakistan, chacun de leur côté, on noué une alliance avec les Etats-Unis. L'Inde bénéficie pour sa part du ferme soutien d'Israël. En cas de conflit entre le Pakistan et l'Inde, ne craignez vous pas que Washington ne privilégie l'Inde? K. M. K. : Nous entretenons des relations avec Washington depuis cinq décennies. Le Pakistan passe alternativement de la position du pays le plus critiqué à celle d'allié le plus sûr. Les Etats-Unis nous connaissent et savent jusqu'à quel point ils peuvent exercer sur nous des pressions. Nous savons aussi ce que veulent les Etats-Unis. Du reste, en dépit des hauts et des bas, quand éclatait une tension entre nous, l'armée pakistanaise et le Pentagone, d'un côté, l'ISI et la CIA, de l'autre, ont maintenu des liens solides. A.C. : Est-ce une garantie suffisante ? K. M. K. : Les Etats-Unis sont confrontés à un problème majeur, celui de leur altérité au monde musulman. Or, qui peut avoir une influence sur l'ensemble islamique, l'Inde ou le Pakistan ? Je ne sous-estime pas l'importance de l'Inde, le pays plus peuplé du monde, mais les Etats-Unis savent où sont leurs intérêts stratégiques. Nous sommes ici entre le Golfe et l'Asie centrale. Deux ensembles régionaux musulmans. Le premier leur fournit aujourd'hui l'essentiel de leur énergie, quand le second représente les réserves de l'avenir. A.C. : Quel élément concret vous permet d'être aussi sûr de vous ? K. M. K. : Je vous réponds, la livraison de F-16, par les Etats-Unis au Pakistan, et l'affirmation que nous sommes considérés comme un partenaire stratégique hors OTAN. En tant que puissance nucléaire responsable, la seule de tous les pays musulmans, le Pakistan est mieux placé que l'Inde pour servir de vecteur à un message de modération. A.C. : Quelles relations entretenez-vous avec Israël ? K. M. K. : Nous n'avons pas de relations diplomatiques avec Israël en raison du conflit arabo-israélien. Nous soutenons la légitimité internationale et les résolutions des Nations unies. Néanmoins, au cours du dernier siècle, nous avons eu, comme certains pays arabes, des contacts discrets avec l'Etat d'Israël. Nous avons officialisé ces contacts l'année passée, quand j'ai rencontré mon alter ego israélien en Turquie. Puis le Président Pervez Musharraf est intervenu devant le " American Jewish congress. " Nous avons fait ces démarches en raison du retrait israélien de Gaza. En dépit de nos réserves, nous avions interprété le mouvement de l'Etat juif comme un signe positif. Les Israéliens doivent comprendre : nous ne sommes pas leurs ennemis. S'ils reconnaissent les droits des Palestiniens, le Pakistan, comme tous les pays musulmans, sera en mesure d'entretenir des relations normales avec leur pays. Voilà pourquoi nous avons été cruellement déçus par la campagne militaire lancée par Israël contre le Liban. Cela ne sert pas les intérêts occidentaux. A.C. : Pourquoi cela dessert-il les intérêts occidentaux ? K. M. K. : Les musulmans constituent le cinquième de la population mondiale. Ils détiennent sur leur territoire la plus grande partie des ressources énergétiques. L'intérêt de l'Occident va dans le sens de la paix, d'un dialogue des civilisations et non d'un choc. Je sais les Etats-Unis conscients de leur faiblesse sur ce point, mais ils n'ont pas la volonté politique d'y faire face. A.C. : Pourquoi ? K. M. K. : Parce qu'ils n'envisagent pas leur relations avec Israël comme relevant de la politique étrangère mais comme un problème de politique intérieure. En privé, les hommes politiques américains sont très diserts sur le sujet, mais en public, ils deviennent très prudents. L'intérêt national des Etats-Unis, pensé comme un tout englobant le soutien à Israël, fait oublier aux Américains le principe de justice pourtant bien enraciné dans la tradition américaine. Les Européens sont plus sophistiqués sur le sujet, parce qu'ils ont entretenu des relations avec le monde musulman pendant des siècles. J'espère que les Américains finiront par faire évoluer leur point de vue. A.C. : Central, comme nous l'avons vu dans vos relations avec l'Inde, le conflit du Cachemire dure depuis plus de cinquante ans. Quelles sont vos demandes auprès des Nations unies ? K. M. K. : Le Pakistan ne demande que l'application des résolutions des Nations unies. Elles parlent du respect " des aspirations du peuple cachemiri. " Les guerres passées n'ont rien résolu. Pour régler le problème, il faut innover, être à la fois audacieux et flexibles. Nous devons offrir une solution qui soit acceptable pour le Pakistan et l'Inde, tout en tenant compte des aspirations cachemiries. A.C. : Concrètement, que suggérez-vous ? K. M. K. : Il faut d'abord un retrait des forces militaires. Si les Indiens se méfient de nous, nous leur demandons, pour commencer, de ne se retirer que des agglomérations. Leurs troupes pourront rester dans les vallées, à l'écart des concentrations urbaines. Si les Indiens acceptent, nous sommes prêts à retirer nos troupes du Azad Cachemire. Ensuite, il faut permettre l'instauration d'un gouvernement autonome au Cachemire. Un gouvernement autonome et une forme de contrôle commun, de l'Inde et du Pakistan sur le Cachemire. A.C. : Comment votre proposition a-t-elle été reçue par les Cachemiris ? K. M. K. : Très bien, y compris parmi les Cachemiris proches de la ligne indienne, dirigée par Farooq Abdullah. Des éléments du Parti du Congrès du Cachemire ont eux aussi soutenu publiquement la proposition du Président Musharraf. Pratiquement, seule la ligne dure de Sayyed Ali Gilani s'est montrée rétive à notre proposition. Il faut du temps avant qu'une bonne idée ne triomphe. A.C. : Des groupes armés opèrent-ils toujours, partant de l'Azad Cachemire, pour combattre dans la partie du Cachemire contrôlée par l'Inde ? K. M. K. : Il faut s'en tenir aux faits. Premier point : si nous voulions que des gens s'infiltrent à partir du Azad Cachemire vers la partie contrôlée par l'Inde, il suffirait d'ordonner des tirs d'artillerie. Les Indiens répondraient de leur côté et des hommes pourraient en profiter pour franchir la ligne de séparation. Mais, c'est le Pakistan qui a déclaré, et respecté, un cessez-le-feu unilatéral, s'interdisant ainsi une telle politique. Deuxième point : nous avons laissé les Indiens construire une barrière de sécurité coupant le Cachemire en deux. Pourquoi, être restés passifs ? Pour leur retirer tout argument. Aussi ma réponse est : non, nous ne laissons pas des hommes s'infiltrer côté indien et cela pour une bonne raison, nous voulons la paix avec l'Inde. Les actes sont plus éloquents que les mots. A.C. : Avez-vous une stratégie générale pour l'Afghanistan ? K. M. K. : Ce serait stupide de ne pas en avoir. L'une des priorités majeures de notre politique étrangère consiste à favoriser l'instauration d'un gouvernement stable et reconnu par la population à Kaboul. Quand on montre une carte à la télévision, on voit le Pakistan à côté de l'Afghanistan. Nous souffrons de la mauvaise publicité causée par l'instabilité de l'Afghanistan. Cela décourage les investisseurs dont notre pays a besoin. Nous faisons de notre mieux. 80000 de nos soldats sont dans la région de la frontière. Nous avons plus d'hommes là-bas que les Etats-Unis ou l'ISAF en Afghanistan. Et ce n'est pas gratuit : nous comptons 600 morts. Sur ce front, notre engagement est total. A.C. : Pourquoi donc d'aussi maigres résultats et, pour l'ISAF, vu d'Occident, le sentiment que l'opération s'enlise ? K. M. K. : Parce que la force militaire ne suffit pas. Il faut aussi s'appuyer sur la tradition afghane, comme la " loya jirga, " ces assemblées de notables et de chefs de clans, qui permettent de négocier des sorties de crises. Nous essayons d'organiser une " loya jirga " au Waziristan. Notre but est d'y convaincre les responsables des tribus qu'il est nécessaire de régler le problème des étrangers installés dans cette région à l'occasion de l'invasion soviétique en Afghanistan. Certains se sont mariés. Nous voulons qu'ils remettent leurs armes et donnent leurs noms. Sinon, les tribus doivent les chasser ou alors nous les éliminerons. A.C. : Ces étrangers acceptent-ils de se plier à vos exigences ? K. M. K. : Beaucoup d'entre eux ne veulent pas du cessez-le-feu que nous avons instauré entre les tribus et l'armée. Il y a quelques semaines, un attentat-suicide a fait sept morts parmi nos soldats. Si nous réussissons, ce sera un bon exemple pour l'Afghanistan dans la région où vivent les mêmes tribus. Partisan de cette approche, le Président Hamid Karzaï avait essayé de rallier les chefs des Taliban. Pas ceux qui ont du sang sur les mains, mais les autres. Cela a marché avec l'ancien ministre des Affaires étrangères des Taliban, Wakil Al Moutawakil. Mais à l'époque, la communauté internationale n'avait pas appuyé les efforts de Karzaï. A.C. : Cela suffit-il pour régler le problème afghan ? K. M. K : Il faut aussi des mesures préventives. Nous avons suggéré de construire une clôture le long de la frontière. Les Afghans nous ont répondu que des membres des mêmes familles vivaient des deux côtés de la frontière. Ils ont affirmé qu'une clôture empêcherait ces gens de circuler. Nous avons alors proposer d'ouvrir des points de passage. Nous avons même parlé d'installer des champs de mines. A chaque fois, nous avons essuyé un refus. On veut que nous contrôlions sans aucun moyen des gens équipés de ceintures d'explosif. On nous demande la lune sans nous donner les moyens d'agir. A.C. : Vous appartenez à l'ensemble musulman et une grande partie de la population pakistanaise a de la sympathie pour les responsables d'Al Qaïda. Vous êtes aussi des alliés des Etats-Unis. Comment expliquez-vous cette contradiction ? K. M. K. : Les Etats-Unis on compris que cet extrémisme ne correspondait pas à l'identité pakistanaise. Aujourd'hui, vous trouver des extrémistes musulmans partout dans le monde. Même en Grande-Bretagne. Il faut parler des causes du terrorisme. Non pour l'excuser, comme le croient parfois les Occidentaux, mais pour le combattre. En d'autres termes, nous devons supprimer le terreau sur lequel les extrémistes islamistes prospèrent. Je veux parler du sentiment que les musulmans ont, dans plusieurs parties du monde, qu'ils subissent une injustice. Je pense principalement à la Palestine et au Cachemire. A.C. : Une certaine idéologie religieuse n'est-elle pas aussi un facteur d'extrémisme et de terrorisme ? K. M. K. : Les Etats-Unis ont réalisé que le Pakistan, dans sa globalité, ne veut pas que ce genre de sentiment domine le pays. Même nos partis religieux, qui pourtant n'aiment pas la politique étrangère des Etats-Unis, ne soutiennent pas des actions comme celles d'Al Qaïda. Je veux parler de partis comme le " Jamaat Al-Islamya " ou le " Jamaat Oulema Al-Islam. " Ils acceptent les élections et la liberté de la presse. Nous ne sommes pas dans le cadre du jeu tribal de l'Afghanistan. Les groupes extrémistes, comme le " Laskar-e-Taiba " et le " Jeich-e-Mohammad, " ont été interdits. Quant aux madrasas, seules quelques-unes posaient problème. Nous avons imposé à toutes un programme profane en plus des matières religieuses enseignées. Croyez-moi, on ne peut comparer notre situation à celle de l'Afghanistan. C'est pourquoi nous sommes parfois blessés par les commentateurs de l'information. Par exemple, quand à la suite de l'alerte dans les aéroports britanniques on qualifie les suspects de pakistanais. Ils ne sont pas Pakistanais, mais de nationalité britannique. A.C. : Revenons sur la crise qui vient d'ensanglanter le Liban. Quelle est la position du Pakistan dans ce dossier ? K. M. K. : D'abord, en matière de responsabilité du déclenchement des hostilités, on ne peut pas prendre comme point de départ l'enlèvement des soldats israéliens par le Hezbollah. Il faut tenir compte des nombreuses guerres israélo-arabes, des milliers de prisonniers arabes détenus dans des camps et des rapports d'organisations humanitaires dénonçant les exactions d'Israël. A.C. : Bien, mais dans les circonstances actuelles, la capture des soldats israéliens n'est-elle pas l'élément déclenchant ? K. M. K. : Faisons donc table rase de l'histoire. Imaginez des soldats pakistanais faits prisonniers par les ressortissants d'un pays voisin. Croyez-vous que nous répondrions en en détruisant le pays et ses infrastructures, en bombardant les civils, en tuant des innocents ? Prenant l'enlèvement comme point de départ, on voit bien que les Israéliens ont eu une réponse disproportionnée et en violation du droit international. Je me demande comment ils répondront quand, dans quelques années, on leur posera des questions sur la punition collective imposée aux Libanais. A.C. : Mais aujourd'hui, que faire ? K. M. K. : On compte plus de mille morts et plus de 5000 blessés. Transformons cette tragédie en quelque chose de positif. Que ce bain de sang ait servi à quelque chose ! Il faut que la communauté internationale se focalise sur les problèmes du Moyen-Orient pour installer une paix juste et durable dans la région. Parce qu'il ne peut pas y avoir de paix durable sans justice. A.C. : La France a-t-elle un rôle à jouer dans ce contexte ? K. M. K. : La France est un grand pays. Dans le cadre du Liban, nous attendions qu'elle se mobilisât plus pour lui. Dans l'affaire de l'Irak, en 2003, dois-je vous dire, la France et le Pakistan avaient les mêmes positions. En parlant avec votre ministre des Affaires étrangères de l'époque, aujourd'hui votre Premier ministre, j'ai insisté sur les responsabilités de la France face aux Etats-Unis. Non pas, bien sûr, dans un esprit de confrontation, mais pour que votre pays et l'Europe aident les Etats-Unis de leur connaissance de l'ensemble musulman. Islamad, août 2006 |
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