LA FAMILLE MILIBAND

octobre 2010

Ed Miliband a gagné les élections internes du Parti travailliste britannique. Il en sera donc le patron. Mais il a gagné contre un autre Miliband, David, son frère. Âgés respectivement de 40 ans et de 45 ans, ils sont les fils d’un communiste notoire. Tous deux ont poursuivi de brillantes études et, par le passé, fait partie du gouvernement de sa Gracieuse Majesté. La faveur de la presse allait à David, mais Ed a été élu par la volonté des syndicats. Pour une raison simple, contre la politique de Tony Blair, il veut un « retour aux fondamentaux de la gauche ». Marion, la mère d’Ed et de David, en revanche, n’a voté pour aucun de ses fils. Elle leur préférait Diane Abbott, noire d’origine jamaïcaine, dont le discours plus « proche du peuple » lui convenait mieux. Visite des racines d’une famille.

Au début du XXème siècle, la relation de la famille commence par une trahison. En 1919, Samuel Miliband, né dans le quartier juif de Varsovie, rejoint l’Armée Rouge afin de combattre contre la Pologne et pour son intégration dans l’ensemble bolchevique.

Faisant preuve d’une résistance opiniâtre, les Polonais parviennent à repousser la marée russe devant les portes de Varsovie. Détail, à Komarow, ils livrent alors la plus grande bataille de cavalerie depuis 1813 et l’une des dernières de l’Histoire.

Après la défaite bolchevique, Samuel s’enfuit en Belgique, cherchant refuge auprès de la communauté juive, et s’installe à Bruxelles, où il rencontre sa future femme, Renia, elle aussi venue du quartier juif de Varsovie. Selon certains, il est un habile maroquinier, pour d’autres, un colporteur vivant en marge de la société. Le 7 janvier 1924, naît un petit garçon, auquel il donne le nom très à la mode d’Adolphe. Viendra plus tard une fille, appelée Anne-Marie.

En mai 1940, à l’entrée des troupes allemandes en Belgique, la famille veut fuir vers la France en embarquant sur un train pour Paris. Mais elle le manque. Sous l’impulsion de son fils Adolphe, qui n’a que 16 ans, Samuel décide alors de quitter avec lui la Belgique, laissant la petite fille, âgée de 12 ans, et sa mère. Les deux hommes, semble-t-il, dirigent d’abord leurs pas vers la frontière française. Puis changeant leurs plans, rejoignent Ostende, où ils parviennent à s’embarquer sur le dernier bateau partant pour la Grande-Bretagne.

Arrivé sur le sol anglais, le petit Adolphe s’empresse de changer son nom en Ralph, moins sujet à polémiques. Avec l’aide de la Commission internationale pour les réfugiés, il parvint à reprendre ses études et rejoint même la « London School of Economics » (LSE), une faveur pour un étranger.

Le jeune Ralph, faut-il dire, sait se trouver des appuis. Il clame aussi son engagement marxiste, sans doute hérité de son père. Une position plutôt bien vue depuis l’entrée de l’URSS dans la guerre aux côtés des alliés. Posant sans doute un peu, il affirmera même s’être rendu adolescent sur la tombe de Karl Marx, à Londres, pour prêter un serment solitaire de fidélité à « la cause des travailleurs ».

A la LSE, Ralph se trouve un protecteur, Harold Laski, un professeur membre du bureau du Parti travailliste. Bien qu’il continue de clamer son marxisme, sans doute sur le conseil du maître, il n’entrera jamais au parti communiste.

Il faut néanmoins payer son écot au pays d’accueil et, en 1943, il se voit contraint d’effectuer son service militaire. Avec l’aide de Laski, il se fait verser dans la marine et ne sera démobilisé qu’en 1946, après avoir participé au débarquement de Normandie et à la libération de la Grèce.

La famille se réunit alors en Grande-Bretagne. La mère et la soeur de Ralph ont survécu protégées dans une ferme française de la région de Mons. En 1961, le jeune homme épouse Marion Kozak, juive tchèque, qui elle aussi a échappé aux nazis grâce à des amis non-juifs. Ralph aura pourtant ces mots terribles : « Je pense qu’il y a une tendance antisémite, même faible, dans tout non-juif ».

Après la guerre, avec le soutien de ses amis, il devient professeur à la LSE, de 1949 à 1972, puis de 1972 à 1978 à l’Université de Leeds. Dans ses notes, il écrira : « Le climat politique à la maison tendait généralement à gauche. Il n’était pas pensable qu’un Juif, notre sorte de Juif, le Juif artisan-travailleur, auto-employé, pauvre, de langue yiddish, inassimilé, non-religieux, soit autre chose qu’un socialiste ».

Il mourut en 1994, devenu un théoricien marxiste respecté. Ses fils ont pris la suite, mais « en entrant dans le siècle ». Plus question pour eux de remettre en question le système d’économie de marché, comme s’y attachait leur père. Ils se contentent de « combattre les injustices » et de « protéger les victimes potentielles ». C’est nettement plus porteur quand on est entré dans le système.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

Retour Menu
Retour Page Accueil