DE POUTINE |
mai 2009
En Russie, lÉtat, principalement le Premier ministre Vladimir Poutine, peuvent compter sur dimportants mouvements de jeunesse. Les plus « officiels » sinspirent des anciens Komsomols et des organisations politiques de jeunesse qui alternent missions dordre public et actions politiques directes. Les autres sont des groupes paramilitaires. La première structure denvergure sest fait connaître en 2005, sous le nom de « Nachis » (les Nôtres en russe). A la suite des « révolutions de couleur » en Géorgie et en Ukraine, ses 100 000 jeunes militants avaient pour mission déviter une « contamination » de la Russie. Vêtus de blousons rouges, ils menaient des actions civiques, appelaient à donner son sang pour la patrie, à visiter les vétérans de guerres et à faire plus denfants. Ils invitaient aussi les Russes à boire moins dalcool Le mouvement a su se rendre attractif. Ses camps proposaient des cours de formation politique ou dagitation-propagande et des entraînements aux sports de combat. A loccasion, ils faisaient office dagence matrimoniale. Ainsi, en 2007, on présentait le premier « bébé nachi », conçu sous la tente lannée précédente. Les Nachis ont aussi bénéficié de l« ascenseur social » de lÉtat, intégrant les grandes entreprises proches du Kremlin comme Gazprom, Loukoil ou Rosneft, voire les structures politiques gouvernementales. A titre dexemple, Robert Schlegel, dattaché de presse des Nachis, est devenu député. Vassili Iakimenko, leur dirigeant, a intégré la haute fonction publique comme directeur de l'Agence fédérale pour la Jeunesse après un mandat législatif sous létiquette de Russie Unie, le parti présidentiel. Les Nachis ont été un instrument au service du Président Poutine : tractant et collant des affiches, ils prenaient la rue pour affronter ses opposants. Ils se comportaient souvent avec un certain sens de lhumour, usaient parfois de la provocation mais toujours avec le soutien des autorités. Pour faire masse, ils payaient de jeunes indigents revêtus de leur fameux blouson rouge. Sûrs de leur impunité, les Nachis, dont certains sont liés à des groupes paramilitaires ou criminels, allaient jusquà se livrer à des interpellations de passants, sur la voie publique, pour tester leur « citoyenneté ». Néanmoins, depuis lélection de Dmitri Medvedev, lorganisation a été mise en sommeil, car sa réputation finissait par assombrir limage du Kremlin, à la suite de violences commises contre des ambassadeurs étrangers jugés « russophobes ». Le ministère des Affaires étrangères sétait vu obligé de gérer plusieurs incidents diplomatiques avec lEstonie, le Royaume-Uni et lUnion européenne. « Jeune Garde », mouvement officiel de Russie Unie, a pris la relève. Il a récupéré la plus grosse partie des crédits alloués à ses prédécesseurs, dont les plus présentables ont été « recyclés » dans dautres activités. Jeune Garde dépend dun seul homme : Poutine. Vus de lextérieur, ses militants ressemblent à ceux des mouvements de jeunesse attachés aux grands partis en Occident, avec en prime un discours très axé sur la lutte contre limmigration et la défense du régime des attaques « des ennemis intérieurs et extérieurs ». Ses membres aiment les actions coup de poing. Déguisés et maquillés, ils mettent depuis plusieurs mois les rieurs de leur côté en parodiant les immigrés illégaux et en brandissant dimmenses billets de chemin de fer « aller simple Moscou-Maison ». Selon Maxim Roudnev, un responsable du mouvement, « les valises des immigrés quittent la Russie pleines dargent gagné sur notre dos. Nous leur proposons de les remplir avec leurs effets personnels et de rentrer chez eux ». Jeune Garde travaille étroitement avec les principales structures gouvernementales et surtout avec le Service fédéral dimmigration (SFI). Cest le cas aussi dautres jeunes « Pro-Kremlin », comme les « Locaux » (40 000 membres). En septembre 2008, quelques-uns de ces derniers, se faisant passer pour des employeurs du bâtiment, sont allés recruter 80 immigrés illégaux dans un quartier mal famé de Moscou. Les candidats ont atterri au poste de police, où un cordon de militants les a accueillis hurlant : « Il est temps de partir pour le Sud ». Parallèlement, des organisations paramilitaires comme le Mouvement contre limmigration illégale (MCII) ont créé des « groupes dautodéfense populaire ». Ils affirment vouloir « rassembler les citoyens de souche pour une opposition organisée aux actions agressives des migrants criminels ». Dotés de « bases sportives » et de moyens importants, les membres du MCII sentraînent au tir, pratiquent les sports de combat et ont lobligation de séquiper darmes de chasse ou darmes à air comprimé. Vexé dêtre tenu à lécart des opérations « publicitaires » des mouvements « officiels », le MCII a fait savoir que lui aussi travaillait régulièrement, quoique plus discrètement, avec les services de limmigration. Il a diffusé les photos de lun de ses barbecues sur lesquelles ont voit Poutine en invité principal. Patrick Cousteau |
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