HISTOIRE


LE 5 JUILLET 1962 À ORAN

Le 19 mars 1962, un cessez-le-feu est proclamé entre la France et les Algériens du FLN. Dans la clandestinité, le général Raoul Salan, fondateur de l'OAS, réagit : " Je donne l'ordre à nos combattants, dit-il, de harceler toutes les positions ennemies dans les grandes villes d'Algérie. " Le 7 avril, chef des commandos Delta de l'OAS, le lieutenant Degueldre, est arrêté. Le 20 avril, ce sera le tour du général Salan. Le 8 avril, la France métropolitaine vote oui à 90,70% pour l'indépendance de l'Algérie. Le 17 juin, des accords entre l'OAS et le FLN mettent fin aux affrontements entre les deux organisations. Le 26, l'activisme de l'OAS cesse à Oran. Le 28, Degueldre est condamné à mort par un tribunal militaire. Le 3 juillet, De Gaulle déclare l'indépendance de l'Algérie. Le 5, date anniversaire de la prise d'Alger par la France en 1830, un drame va éclater. (D'après " Toute l'Histoire " d'André Jouette, Éditions Perrin).

 

Le FLN a décidé de célébrer ce jour dans la liesse. A Oran, les cortèges se forment dès 7 heures du matin et débordent sur les quartiers européens. La foule est dense. Beaucoup de civils musulmans armés. Pas un uniforme, " français " ou " algérien " n'est visible.

Soudain, à 11 heures 50, d'origine inconnue, une fusillade éclate. Plusieurs manifestants tombent morts. La panique s'empare de la foule qui reflue. Elle retrouve cependant de l'assurance, puisqu'elle s'en prend à des Européens. Certains sont lynchés, d'autres égorgés. La chasse commence.

D'après les témoignages, on voit alors apparaître des musulmans en uniformes. D'une part des policiers, constituée en force intérimaire, d'autre part des hommes venus des maquis. Certains essayent de protéger les Européens. D'autres ouvrent le feu sur eux.

Rappelons-le, l'armée française est toujours présente en Algérie, en l'occurrence à Oran. Dans cette ville, elle est sous les ordres du général Joseph Katz. En 1993, il a publié un livre. Il laisse entendre que les premiers tirs sont le fait de l'OAS. Étrange, puisque l'activité de l'OAS aurait cessé dans la ville depuis le 26 juin. Pour nous, l'hypothèse d'une provocation du FLN n'est pas à écarter. Que fait le général Katz pour protéger ses compatriotes ?

A 12 heures 15, le responsable du FLN pour Oran " le rejoint et lui demande l'intervention de l'armée française. "(1) Katz monte dans son hélicoptère. Un quart d'heure plus tard, il constate, dit-il, que " le calme est revenu. "

Un témoin, du nom de Diaz, " s'étonne qu'on puisse affirmer que le calme était revenu à 12 heures 30. " A 15 heures, un Algérien en uniforme lui tire dessus. Diaz parvient à s'enfuir mais à 16 heures 30, des hommes du FLN " le prennent à nouveau pour cible. " Non seulement les exactions se poursuivent, mais l'armée française n'intervient pas. Ou presque pas. Les archives expliquent pourquoi : ordre venu d'en haut, " Les troupes devaient rester dans leurs casernes. " Katz se justifie : " Les forces françaises, aussitôt l'Indépendance proclamée n'ont plus la responsabilité du territoire ni la charge du maintien de l'ordre... " Même pas de leurs ressortissants.Même Ponce Pilate aurait rougi.

Mais Katz ne craint pas de se contredire. Entre 12 heures 30 et 13 heures, il affirme avoir donné l'ordre de faire intervenir les Gardes mobiles. Or selon les documents, l'ordre de sortie n'est transmis qu'à 14 heures 30 pour 15 heures.

Un autre témoin, M. Castaldi, est passé à tabac par des musulmans " devant un camion de militaires français qui n'interviennent pas... "

On parle du 5 juillet 1962. Néanmoins les enlèvements et les meurtres d'Européens vont durer pendant trois jours. Les Pieds noirs évoquent deux à trois mille disparitions. D'après l'étude d'archives accessibles depuis peu, M. Monneret dit qu'elles concernent 450 à 610 personnes.

Il y a l'horreur. Des récits de femmes et d'hommes égorgés, éventrés, torturés. Il y a aussi les actes d'héroïsme, comme celui de ce lieutenant, Khellif, musulman servant dans l'armée française. Au risque de sa vie et de celles de ses soldats, il obtient la libération de plusieurs centaines d'Européens voués à la boucherie.

Du 19 mars 1962, date du cessez-le-feu, au 31 décembre, les autorités françaises ont recensé 1773 personnes enlevées et disparues dans toute l'Algérie. Nos autorités sont responsables, mais pas coupables...

(1)Les détails de cette page sont tirés du livre " La Phase finale de la guerre d'Algérie," de Jean Monneret, publiée chez l'Harmattan en novembre 2000. M. Monneret a réalisé une enquête soignée auprès de nombreux témoins. Nous avons confronté certaines de ses affirmations à d'autres textes.Nous tenons ce qu'il écrit pour vérité historique.
Alger à la veille du départ de la France

 

Jean Isnard,
Consultant au: Centre de recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001

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