Comment la Russie pénètre les partis nationalistes

septembre 2010

Fondé en 2003, le Jobbik (pour « Alliance des Jeunes de Droite-Mouvement pour une meilleure Hongrie ») se présente comme « un parti fondamentalement conservateur, patriotique et chrétien ». Il s’oppose, dit-il dans sa propagande, « à ceux qui cherchent de façon de plus en plus évidente à éradiquer la Nation en tant que fondement des communautés humaines ».

Opposé au traité de Lisbonne, en dépit de l’entrée de la Hongrie dans l’Union européenne en 2004, il a obtenu 16,67% des voix à l’Assemblée nationale aux élections d’avril 2010. Il dénonce le traité de Trianon, qui retira à la Hongrie les deux tiers de son territoire (1).

Si, dans leurs déclarations, ses leaders ne revendiquent pas les territoires perdus, « il faut, au moins, déclarent-ils, que les Hongrois d’outre-frontières obtiennent leur autonomie ». Ils veulent instituer un système de double nationalité pour ces derniers. On ne peut voir là qu’une dangereuse initiative.

D’une part parce qu’elle risque de susciter des tensions belliqueuses avec les pays voisins. D’autre part parce qu’elle serait un dangereux modèle pour les États-Nations européens, tous peu ou prou partiellement formés de minorités culturelles pouvant s’identifier à un pays voisin (2).

Gabor Vona dirige le Jobbik, dont le responsable de la politique étrangère s’appelle Béla Kovacs. Or, ce dernier révèle dans ses propos un très fort tropisme en faveur de la Russie. Le 3 février 2010, il déclarait dans une interview : « Notre héritage géographique et culturel lie notre pays à l’Europe et, plus important encore, à la Russie, aux côtés de laquelle nous devons vivre dans le futur ».

Plus loin, il insiste : « La Russie pourrait représenter un partenaire favorable et sympathisant (de notre cause) dans une alliance stratégique afin de défendre les droits des minorités hongroises » dans les pays voisins.

Ces propos ne sont pas innocents. Kovacs est un fils de la nomenklatura communiste hongroise. Dans les années 70, son père servait le régime comme diplomate. Le jeune garçon a alors vécu et étudié au Japon. Plus tard, il a poursuivi ses études à Moscou. Selon son CV, il y a reçu un diplôme en économie, mais reste muet sur le nom de l’école. D’après les recherches effectuées par la presse hongroise, il sortirait en réalité de l’IERIM (l’institut d’État des Relations internationales de Moscou) (3).

Il dit avoir ensuite travaillé au Japon et en Russie en tant que dirigeant dans une société de commerce international. Cependant, une fois encore, il ne dit pas laquelle. En revanche, il se sert d’une carte de visite d’une société dénommée Naura, sur laquelle il est présenté comme directeur de la section internationale.

En réalité Naura, n’a pratiquement pas d’activité. En outre elle a été fondée par la belle mère de Kovacs, et son siège est à Moscou. Il en est de même pour Selena, une autre compagnie créée par la mère de sa femme, dont l’adresse Moscovite se limite à une boîte aux lettres dans un bureau où figurent 300 autres noms de sociétés. Selena ne se révèle pas plus active que Naura et n’est pas joignable par téléphone. Tout cela sent la « couverture » d’un agent.

Plus étonnant, quand la belle-mère de Kovacs est russe, il dit sa femme autrichienne. Il ne faut donc pas s’étonner que, pour la seule année 2006, il ait demandé et obtenu six visas pour se rendre en Russie. Or, en dépit du peu d’affaires engendrées par l’activité des entreprises dans l’organigramme desquelles il figure, Kovacs finance généreusement le Jobbik, comme nous l’avons vu parti nationaliste hongrois.

En revanche, les objectifs politiques de Kovacs apparaissent clairement. En décembre 2008, il a organisé un voyage à Moscou pour le patron du Jobbik pour renforcer l’alliance avec la Russie. Puis, en octobre 2009, lors du congrès du parti, il lançait « l’Alliance européenne des mouvements nationaux ». Cette organisation s’est donné pour mission de rassembler tous les partis nationalistes afin de constituer un front transnational de députés au Parlement européen. A cette date, le « British National Party » a rejoint l’alliance, suivi des partis nationalistes espagnol, portugais et ukrainien. Des négocia-tions sont en cours avec les Lettons et les Slovènes.

Donnant naissance à une Europe destructrice des États-Nations, nos dirigeants politiques favorisent l’émergence de l’ultranationalisme. Du même coup, ils ouvrent une voie royale à la Russie pour s’ingérer dans nos affaires internes.

 

Notes

(1) À la suite de la Première Guerre mondiale, l’Autriche-Hongrie, alliée de l’Allemagne, était dépecée. Le 4 juin 1920, le Traité de Trianon retirait à la Hongrie les deux tiers de son territoire et le tiers de sa population magyare. Les terres perdues revenaient à la Tchécoslovaquie, à la Yougoslavie et à la Roumanie.
(2) Pour ne parler que de la France, nous pensons au Pays Basque, à la Corse et à l’Alsace.
(3) L’IERIM est l’une des meilleures écoles de politique internationale du monde, en particulier pour l’apprentissage des langues étrangères. Sous le régime soviétique, elle était en charge de la formation des enfants de la nomenklatura et plus particulièrement des futurs officiers du KGB.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
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