Les marchands

de Tapie

septembre 2008

Depuis 1993, de recours judiciaires en recours judiciaires, Bernard Tapie poursuivait le LCL (ancien Crédit Lyonnais), pour l’avoir lésé, selon lui, dans l’affaire de la vente de l’entreprise Adidas dont il avait chargé la banque.

L’État français était concerné puisque, depuis 1995, et à la suite de la faillite du Crédit lyonnais, il a pris la charge des dettes de cette banque.

Dans cette affaire, la Justice s’était prononcée contre les attentes de Tapie puisque, le 9 octobre 2006, la Cour de cassation avait annulé la précédente décision d’un tribunal, en refusant le versement de dédommagements au plaignant.

Au printemps 2007, cependant, en pleine course à l’Élysée, Tapie déclarait son soutien à la candidature de Nicolas Sarkozy. Même si cette flamme soudaine pour un champion de la droite pourrait sembler suspecte, de la part d’un homme du Parti Radical de Gauche (PRG), nous ne doutons pas un seul instant du désintéressement de son geste.

Néanmoins, le nouveau Président élu, les parties concernées, dont l’État donc, décidèrent de remettre l’affaire de Tapie et du Crédit Lyonnais sur la sellette en convoquant un tribunal d’arbitrage. Une telle cour n’a aucune relation avec le système judiciaire officiel et n’importe qui peut y avoir recours pour régler un différend. Il suffit pour les adversaires d’accepter de se soumettre à la décision des « arbitres » choisis par eux.

Première anomalie, on voit l’État avoir recours à une justice privée pour remettre en question une décision prise par « son » système judiciaire.

Seconde anomalie, les « arbitres » n’ont pris la peine de n’écouter que Tapie et à aucun moment ses contradicteurs.

Troisième anomalie, la personnalité de deux des arbitres. Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, a fait fonction de vice-président dans le « Comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions ». En d’autres termes, il est la cheville ouvrière de la réécriture, aux ordres de Sarkozy, de la réforme de la Constitution. Jean-Denis Bredin, avocat, a aussi été vice-président du MRG (Mouvement des radicaux de gauche). Le parti, devenu PRG, auquel a appartenu Tapie, comme nous l’avons dit plus haut. Cela crée des liens. Sans abuser, l’indépendance de ces « juges », nous semble douteuse.

Quatrième anomalie, vendant Adidas, Tapie avait dégagé une plus-value de 200 millions de francs. Il n’était donc pas perdant. Or, la cour d’arbitrage lui a accordé une indemnité de 285 millions d’euros, à laquelle il a ajouté les intérêts et 45 millions pour « le préjudice moral ». Comme le fait remarquer François Bayrou dans « Le Monde » du 25 juillet, « l’indemnité moyenne, pour une veuve, après la mort d’un conjoint victime de l’amiante, est de 45 000 euros, soit mille fois moins ». Pour une fois Bayrou a raison.

Cinquième anomalie, à titre de dédommagement, les trois arbitres se partagent un million d’euros. Plus de 300 000 euros chacun. A titre de comparaison, plus de deux millions de francs lourds. Royal comme pourboire, non ?

Sixième anomalie, l’État français payant les dettes du Crédit lyonnais rebaptisé LCL, c’est à lui que revient le règlement de la facture. Donc au contribuable. Certes, Tapie doit rembourser quelques créances. Il lui restera néanmoins 22 millions d’euros à se mettre dans la poche.

Voyez-vous, dans la suite de ces anomalies, la preuve d’une action concertée, destinée à privilégier les intérêts d’un homme aux dépens de la collectivité ? Le dire serait médire.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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