DE THAÏLANDE |
juin 2010
« Compte tenu du contexte de violences en Thaïlande, que nous avons fermement condamné hier encore, nous avons fait savoir à M. Thaksin (...) quil devait sabstenir de toute manifestation ou déclaration publiques pendant son séjour sur notre territoire », a déclaré le 20 mai 2010 le quai dOrsay. Si lon sen tient aux informations des journaux télévisés, sadressant au porte drapeau dun mouvement supposé démocratique, linterdiction de parole du gouvernement français, a de quoi surprendre. Pour une fois, cependant, les autorités de lHexagone ont, semble-t-il, pris la bonne décision. Pour comprendre, il faut remonter à 2001. A la tête dun parti politique fondé quelques années plus tôt, un richissime homme daffaires rempor-te les élections. Il sappelle Thaksin Shinawatra. Nommé Premier minis-tre, il se lance dans une politique de réduction de la pauvreté et gagne ainsi le soutien dune partie de la population. En 2005, le scrutin est à nouveau en faveur de Thaksin. Problème cepen-dant, en particulier dans le nord et le nord-est du pays, des fraudes ternissent la victoire. En outre, on reproche au Premier ministre son haut degré de corruption. Le 19 septembre 2006, profitant dun déplacement de Thaksin à lAssemblée générale des Nations Unies à New York, larmée démet le gouvernement, sempare du pouvoir et déclare létat durgence. Thaksin obtient lasile politique à Londres, qui le protège ainsi dune arrestation. Après une brève occupation du pouvoir par les militaires et linterdiction du parti de Thaksin, un référendum a lieu, puis des élections le 23 décembre 2007. Un nouveau parti lemporte, le PPP, dirigé par Samak Sundaravej. Dans les faits, on retrouve dans les rangs de cette formation la plupart des responsables de lancien parti de Thaksin, dont elle nest quun faux nez. Les militaires sont piqués au vif. Leur colère monte encore dun cran, quand le gouvernement issu des élections veut amender la Constitution, pourtant votée quelques mois plus tôt au suffrage universel. Devenu Premier ministre, Sundaravej pose lui-même la tête sur le billot en violant la loi. En septembre 2008, la Cour constitutionnelle constate en effet quil a été rémunéré à plusieurs reprises pour participer à un programme de télévision, depuis quil dirige le gouvernement. Or, la législation thaïlandaise interdit au Premier ministre de recevoir dautres émoluments que ceux de sa charge, pendant toute la durée de lexercice de ses fonctions. Il est démis, puis son parti est à son tour dissous pour fraude électorale. La principale formation de lopposition est alors appelée au gouvernement, sous la direction dAbhisit Vejjajiva, un responsable politique pourtant lui-même hostile aux coups de force des militaires. À la mi-mars 2010, cependant, la rue sembrase à nouveau. Sous le nom de Chemises rouges, des manifestants appellent au renversement du pouvoir. Le 10 avril, quand larmée veut disperser les protestataires, elle essuie des tirs darmes automatiques. Les violences se multiplient, agrémentées dincendies et de lancers de grenades. Parmi les manifestants, des groupes armés ont reçu un entraînement militaire. Plus grave des liens sont révélés entre Thaksin et cette tentative dinsurrection. Le 19 mai, cependant, acculées par une offensive de larmée, les Chemises rouges se soumettent. Les deux mois daffrontements auront fait 85 morts, la plupart parmi les civils, mais aussi chez les militaires. Certes, Thaksin et ses amis ont commis une erreur. Si en Yougoslavie ou en Ukraine, les révolutions oranges lont emporté, cest en sinterdisant toute violence. Cependant, les contestataires les plus déterminés ont trouvé refuge dans le nord du pays, dans la région dont est originaire Thaksin. Le risque existe que des groupes de guérillas soutenus par le Premier ministre déchu ne se constituent. Sans un minimum de justice sociale, la Thaïlande risque de devenir une nouvelle zone dinstabilité. Thaksin, un aventurier sans scrupules, risque de faire encore parler de lui. |
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