Coup de « trumpette » et fausse note
en Arabie Saoudite

juin 2017

Le 21 mai, Donald Trump prononçait un long discours en Arabie Saoudite devant une cinquantaine de chefs d’États musulmans.

But proclamé, pour combattre le terrorisme, resserrer les rangs des responsables des États présents derrière les États-Unis.

À cette fin, Trump n’a pas craint d’abandonner sa rhétorique anti-musulmane, ni celle de la guerre des civilisations adoptée en son temps par George Bush fils. Il a dit : « Il ne s’agit pas là d’un combat entre différentes religions, différentes sectes ou différentes civilisations. C’est un combat opposant des criminels barbares qui veulent anéantir la vie humaine et les honnêtes gens, tout cela au nom de la religion »(*). Nous défendons depuis suffisamment longtemps cette approche de la réalité musulmane pour nous réjouir de cette prise de conscience tardive de Trump, en très net décalage néanmoins avec les propos de sa campagne électorale.

Les largesses de la monarchie saoudienne ont dû, faut-il avouer, avoir des effets facilitateurs.

Bien qu’avec mesure, concernant la diffusion du terrorisme, Trump n’a pourtant pas craint de pointer la part de responsabilité de certains pays musulmans, parmi lesquels l’Arabie Saoudite ne pouvait que se reconnaître. Il a osé déclaré : « Un avenir meilleur n’est possible que si vos nations traquent les terroristes et les extrémistes et les chassent. Les chassent de vos lieux de cultes. Les chassent de vos communautés. Les chassent de votre terre sainte et les chassent de la surface de la Terre ».

Mais, chez Trump et son entourage, la vision manichéenne du monde n’est jamais très loin ! Dans le dernier tiers de son intervention, il va se révéler en affirmant : « Cependant, toute discussion en vue d’anéantir cette menace (NDLR : terroriste) serait vaine faute de mentionner le gouvernement qui procure aux terroristes les trois soutiens dont ils ont besoin : un refuge sûr, un appui financier et le statut social nécessaire au recrutement. Il s’agit d’un régime qui est responsable de tant d’instabilité dans cette région. Bien sûr, c’est de l’ Iran que je parle ».

Certes, sur ce point, Trump parle devant un public acquis, celui des dirigeants saoudiens et des pays arabes qui les suivent dans leur guerre contre les supplétifs de l’Iran au Yémen, plus discrètement en Syrie.

Mais quant à faire passer l’Iran pour le « refuge sûr » et « l’appui financier » de Daech, il y a un pas difficile à franchir. Certes l’Iran est la cause de quelques déséquilibres au Moyen-Orient, mais sa diabolisation ressemble un peu trop à celle de l’Irak par Bush en 2003 pour ne pas nous alarmer !

Il y a plus grave : l’ombre d’Israël inspirant les visions outrancières de Trump. L’État hébreu rêve d’annihiler le régime de Téhéran. Récemment, il a trouvé dans les États arabes des alliés qui nourrissent une inquiétude justifiée, mais augmentée de paranoïa, à l’égard de l’Iran. Du coup, tout ce beau monde fait l’impasse sur la politique de Tel-Aviv à l’égard des Palestiniens. Pourtant un solide aliment pour la colère des peuples musulmans et un bel alibi pour le recrutement des terroristes qui se réclament de l’islam.

Si les gouvernants arabes peuvent faire mine de ne plus voir le drame vécu par les Palestiniens, leurs peuples eux y restent sensibles. Cette distance entre les classes dirigeantes et leurs compatriotes, ajoutée par exemple à une crise économique, peut servir de déclencheur à un nouveau Printemps arabe. Elle entretient aussi la haine contre l’Occident.

Note

* Nous utilisons la traduction en français fournie par l’Ambassade des États-Unis en France.

 Relations euphoriques entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis

Petit à petit, la politique étrangère de Donald Trump prend forme. Comme le reste de son programme, elle surprend. À l’égard de l’Arabie Saoudite, pays arabe et donc supposé honni, ses intentions ont été dévoilées à la suite d’un déjeuner privé au cours duquel le Président des États-Unis a reçu Mohammed bin Salman, ministre de la Défense et vice-prince héritier du royaume.

Les Saoudiens envisageaient d’investir plus de 100 milliards de dollars aux États-Unis, montant passé à 380 milliards lors du séjour de Trump à Riyad. En effet, même si l’Arabie Saoudite a perdu 200 milliards de réserves financières en raison de la chute des prix du pétrole, elle conserve néanmoins plus de 500 milliards de dollars à la banque centrale. Elle compte aussi récupérer 100 milliards de dollars avec la vente d’une partie des parts de sa société pétrolière, Saudi Aramco. Sans parler du reste.

On peut penser les Saoudiens investissant leur argent pour s’assurer des revenus, mais pas seulement. Ils font aussi un investissement politique. Ils avaient mal vécu l’accord nucléaire passé avec l’Iran après le feu vert de Barack Obama. Le conflit engagé entre Riyad et Téhéran, sous couvert de haine multiséculaire entre les chiites et les sunnites, est devenu la motivation première de ces deux capitales.

Dans ce cadre, pour les Saoudiens, renforcer leur alliance avec Washington est prioritaire. Vitale même à leurs yeux. Les investissements viennent à point pour conforter cette alliance. Côté Trump, on est pragmatique. L’argent reste l’argent et Israël développant des relations sécuritaires et
militaires avec l’Arabie Saoudite, par peur lui aussi de l’Iran, tous les amis de Trump se retrouvent sur le même bateau.

Oublié, pour l’occupant de la Maison Blanche les grandes envolées de la campagne. Il est maintenant dans le pur et dur : la gestion des États-Unis et de leurs intérêts selon ses propres conceptions.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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