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M'approchant d'une tour, je tombe
sur un gamin d'une quinzaine d'années zigzaguant sur un
vélo. Se glissant dans mon pas, il attaque: " T'es
qui, toi ? Un condé (1) ou quoi
? " Il siffle deux fois. Même dégaine provocatrice,
trois de ses copains sortent d'une cage d'escalier. " Qu'est-ce
que tu viens faire ici ? T'es pas chez toi ? Bouge ou on te marbre
(2). " Un mètre quatre-vingt, d'origine kabyle, Idir a 25 ans. Fana de boxe, il termine un BTS commercial en alternance (3). Avec ce qu'il gagne, il pourrait quitter la cité. " Les petits, comme ceux que tu as vu tout à l'heure, ont besoin de nous pour se mettre du plomb dans la tête, " tente-t-il de se justifier. En réalité, je le soupçonne de rester attaché à l'environnement de son enfance. " Nous ne leur avons pas toujours montré le bon exemple, continue-t-il marchant à mes côtés. Je me souviens quand je cachais des barrettes de shit (4) dans les jouets de mon petit frère. Mais, nous, à leur âge, si on séchait les cours, c'était pour faire du foot. Pas pour jouer au caïd. " Il hésite un instant. " Aujourd'hui, on ne sait pas ce qui se passe dans la tête des petits. Ils ne rêvent que de casser et de loisirs. " Nous croisons à nouveau la petite bande de tout à l'heure. Idir leur demande : " Qui a brûlé les voitures la nuit dernière ? " Ils ont un sourire en coin pour affirmer qu'ils n'y sont pour rien. La discussion s'engageant, je les interroge sur les causes de ces destructions. Des réponses vagues tombent. En résumé, ils en veulent à tout le monde : à l'État qui ne leur donne pas d'argent ; à la cité dans laquelle il n'y a pas de distractions ; aux Français de souche, accusent-ils, qui les regardent comme des moins que rien. Idir tente une explication : " Au moins quand t'es une racaille, quand tu casses, tu deviens quelqu'un. Tu sors du lot des zombies qui habitent la cité. " Bien sûr, il y a eu une mauvaise gestion de l'immigration, mais nous connaissons des " Noirs et des Arabes " qui ont réussi. Profitant d'une absence d'Idir, un jeune, à la langue plus structurée, me lance d'un ton calme : " Sarko nous a manqué de respect.. " Puis, il ajoute : " Les mecs comme Idir, ils nous font rigoler. Cà fait des années qu'ils essayent de faire bouger les choses avec leurs associations, leurs médiateurs et leurs éducateurs. C'est du vent. Ils n'ont même pas réussi à empêcher la loi sur le hijab (5).Alors, s'il faut tout cramer pour qu'ils nous entendent nous, on continuera... " Idir revient à ce moment là. " Le gosse, qui vient de parler est intelligent, dit-il. Il n'est pourtant pas moins violent que les autres. Son oncle est un barbu (6). Je m'en suis toujours méfié. " Certains médias ont eux aussi évoqué la possibilité d'une piste islamiste. Si c'est le cas, il ne s'agit pas des institutionnels reconnus par l'État. L'UOIF (7) a même été jusqu'à prononcer une " fatoua (8) " interdisant aux jeunes musulmans de participer aux déprédations. J'entends un autre discours, à côté de la cité, dans un café fréquenté par des Maghrébins quinquagénaires. Ils ont du mal à admettre la responsabilité de leurs rejetons ou de ceux de leurs voisins. Un homme portant un collier de barbe affirme que son fils a vu des inconnus mettre le feu à des voitures. " Nos enfants se laissent entraîner dans les violences, assure-t-il, ils ne les ont pas provoqué. " Un autre laisse entendre que " des agents de l'État pourraient avoir fait le coup. " Un troisième voit pour sa part la main des sionistes. Il croit à une manipulation pour " faire basculer la France dans le camp des Américains et des sionistes. " Difficile de reconnaître sa responsabilité de parents dans des événements dont tous les habitants de ce pays sont victimes.
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Le 8 novembre 2005, le Tribunal de Grande Instance de Paris jugeait des incendiaires des banlieues. Salim, 15 ans, entre nonchalamment dans le box des prévenus. Lorsque le gendarme lui retire les menottes, il sourit et lève les bras en signe de victoire à l'adresse de ses copains venus dans la salle. Il a été interpellé par les forces de l'ordre en possession d'une bouteille d'essence. A l'écouter, il venait en aide à un camarade tombé en panne d'essence avec son scooter. Manque de chance, l'ami en question nie les faits. Impassible, jouant son rôle de dur, Salim écoute le réquisitoires du procureur. La Présidente du tribunal, reprend la parole. Elle demande à Salim s'il a quelque chose à dire sur les émeutes des banlieues. Silence. La présidente reformule la question demandant à Salim s'il défend des convictions idéologiques ou politiques. A nouveau, elle reçoit le silence en écho. On voit alors le garçon se pencher vers son avocat. Il n'a pas compris les propos de la Présidente. Il n'avait pas d'antécédents judiciaires. Il écope de trois mois avec sursis et des Travaux d'Intérêt Général à exécuter. Dehors je rejoins les copains de Salim. Devant moi, les voilà eux aussi soudain silencieux. Ils prétendent ne pas savoir parler correctement en français. Finalement, Christian, un jeune d'origine camerounaise se pose en interlocuteur. " Salim, argumente-t-il, il était au mauvais endroit au mauvais moment... " Facile... Il insiste " Entre-nous on se dit la vérité ! " Allusion à mes origines. Rassuré sur ma qualité de journaliste, non de policier comme il le craignait, il finit par laisser tomber : " On voulait juste s'amuser "
Ali Khodja |
Serge Benattar dans " Actualité Juive " du 10 novembre 2005 écrit : " Entre les violences urbaines que la France connaît depuis 15 jours et ce qui s'est passé au Moyen-Orient... il y a des similitudes qu'il serait intéressant de relever... Ce n'est pas toujours évident de mater des jeunes avec des pierres et des cocktails Molotov à la main... " À travers de multiples commentaires, on entend bien le désir des courants sionistes de forcer à l'amalgame, entre les délits commis dans les banlieues et le soulèvement contre les Israéliens sur les territoires palestiniens. Ne leur en déplaise. Sur ces territoires, les Israéliens ne sont pas chez eux. Ils violent brutalement les droits des Palestiniens. Nous, Français, en France, sommes chez nous. Les immigrés sont nos hôtes. Leurs enfants, fussent-ils français, ont avant tout un devoir de reconnaissance. En outre exemplaires dans cette épreuve, nos forces de l'ordre, elles, n'ont pas tué des enfants. Même délinquants. |
Dans l'article " Un ancien du Bétar parle," nous avions évoqué ces bandes de jeunes extrémistes sionistes auteurs de ratonnades dans la rue des Rosiers à Paris. Un lecteur israélite, dans " Actualité juive " du 3 novembre, confirme cette dérive impunie. Il écrit : " Cet après-midi du 9 octobre (2005), alors que je viens de quitter la rue du Roi-de-Sicile pour remonter la rue Ferdinand Duval vers la rue des Rosiers, je suis croisé par plusieurs jeunes qui courent de toutes leurs forces en hurlant. Des passants se sont arrêtés et les regardent. Je ne comprends rien à ce qui se passe, mais il doit se passer quelque chose car je vois aussi que quelques commerçants sont sortis devant leur boutique. J'imagine qu'il y a eu une bagarre... Je continue à marcher mais, en me retournant, je vois, à une cinquantaine de mètres en arrière, deux ce ces jeunes brandir des casques de moto et porter des coups à quelqu'un qui s'est apparemment réfugié dans une entrée d'immeuble et que je ne distingue donc pas. La scène est très brève et ils sont maintenant une dizaine à revenir, toujours en courant, gesticulant et hurlant... J'en entends un se vanter : " Je me suis démis l'épaule tellement je lui ai mis de coups... " J'en entends encore un, grâce auquel je vais comprendre ce qui s'est passé : " Encore un avec un keffieh, hein ? " Je ne peux vraiment pas dire que j'apprécie le keffieh, ce foulard devenu le symbole de la Palestine armée militante... Je trouve même que ce n'est pas très malin de venir arborer un keffieh dans la rue des Rosiers ; même si ce n'est pas de la pure provocation, c'est au moins imprudent. Mais je ne peux comprendre que de jeunes juifs se conduisent en faisant preuve de tant de lâcheté et d'intolérance... " |
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Éducation, couverture sociale, naturalisation, liberté de culte et porte ouverte à la naturalisation, les étrangers en France bénéficient d'un large panel de droits. Pour les Français à l'étranger, comme pour beaucoup " d'étrangers à l'étranger, " de tels droits relèvent de l'utopie. De l'Arabie Saoudite au Nigeria, de la Chine à la Côte d'Ivoire, leur vie quotidienne ressemble à une succession d'interdits gouvernés par l'exclusion et la discrimination Pas de sécurité sociale, interdiction de circuler sur le territoire sans la lettre d'un " sponsor ", de fréquenter l'école publique ou d'accéder à la propriété d'un bien immobilier En Arabie Saoudite, les droits des étrangers sont limités. A condition de subir un test de dépistage du Sida, comme en Chine et en Égypte, n'entrent dans le pays que les musulmans en pèlerinage pour La Mecque et les hommes d'affaires. Les juifs y sont interdits de séjour. Au Liban, les étrangers sont
refoulés à la frontière, si leur passeport
est revêtu d'un visa israélien. Ailleurs, au Nigeria,
en Algérie ou en Chine, seuls les étrangers détenteurs
d'un emploi peuvent séjourner dans le pays. " Amnesty International " rapporte, qu'en 2003, l'Algérie a reconduit trois cents personnes à ses frontières. Quant au Nigeria, il a chassé manu militari plus d'un million de Ghanéens, de Béninois et de Tchadiens. En Arabie Saoudite, alors obligés à payer leurs frais de rapatriement, environ 400 000 employés sont déclarés clandestins chaque année. La " préférence nationale, " un gros mot en France, est obligatoire ailleurs. En Arabie Saoudite, encore, cinquante métiers sont interdits aux étrangers. A condition de n'embaucher que des Saoudiens, les entreprises bénéficient d'avantages fiscaux. Le million d'Indiens ou les cinq mille Français résidant dans le pays n'ont pas le droit de créer et d'exploiter une entreprise ou un commerce à leur nom. En Chine, le marché du travail est fermé aux non-chinois. A HongKong, les entreprises doivent se justifier auprès des autorités quand elles embauchent un étranger plutôt qu'un ressortissant du pays. L'Égypte ne se montre pas plus ouverte. Dans les entreprises, les étrangers ne doivent pas dépasser le quota de 10% des effectifs. Il leur est aussi interdit de posséder une société d'import-export ou une agence commerciale. Au Liban, 76 % des permis de travail accordés aux étrangers sont destinés aux femmes de ménage sri lankaises et philippines. Elles endurent des conditions de vie parfois à la limite de l'esclavage. Souvent, l'employeur confisque leur passeport. Quant aux cadres, médecins et avocats palestiniens, en principe et pour des raisons politiques, réfugiés au Liban depuis vingt-deux ans, ils n'ont pas le droit d'exercer. Sur le plan des restrictions, en matière d'exercice de la religion ou des coutumes des étrangers, l'Arabie Saoudite décroche la timbale. Dans ce pays, célébrer un culte non musulman est passible de dix mois de prison et de trois cents coups de fouet. Un chrétien d'origine indienne, Brian O'Connor, rapporte " Amnesty International, " en a fait les frais cette année. Concernant le droit à l'éducation, les écoles publiques saoudiennes, chinoises ou égyptiennes sont fermées aux enfants d'étrangers. On peut aller plus loin. En Côte d'Ivoire, pendant les émeutes, on a vu la chasse ouverte aux ressortissants Français et aux " Dioulas, " les populations musulmanes du Nord du pays, confondues avec celles des États voisins à majorité mahométane. La discrimination confine parfois au racisme d'État. En 2000, Allassane Ouattara, ivoirien de droit, s'est vu exclu de l'élection présidentielle de son pays en raison de l'origine burkinabée de ses parents. Résidant en Côte d'Ivoire depuis des dizaines d'années, des milliers d'étrangers n'ont aucune chance d'en obtenir la nationalité. Ils n'ont même pas le droit de se porter acquéreur d'une terre à usage agricole. Autre sujet de contestation, les Sénégalaises, les Libanaises ou les Égyptiennes, si elles épousent un étranger, ne peuvent pas transmettre leur nationalité à leurs enfants, encore moins à leur époux. Pire, dans ce cas, une Chinoise perd sa nationalité. Quant au Français qui, en Égypte, voudrait se marier avec une musulmane, il doit, auparavant, se convertir à l'islam. Des situations sur lesquelles méditer avant de s'apitoyer sur le sort de nos immigrés. Laure Carion |
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Une sous culture de haine est née dans les banlieues. Elle s'articule sur le " rap " et a fait son entrée dans les radios et le show-biz qui l'encense au nom des profits encaissés sur les ventes de CD. Les régions et l'État versent eux-mêmes des subventions pour l'organisation de concerts. Espérant acheter la paix dans les banlieues, ils se sont faits les " sponsors " de la haine contre la France. Citations des paroles de groupes connus. On est tous chauds pour exterminer les ministres et les fachos, Le seul moyen : brûler des voitures. La haine coule dans nos artères. Les frères sont armés jusqu'aux dents, tous prêts à faire la guerre... Quelle chance quelle chance d'habiter la France Dommage mon petit que ta mère ne t'ait rien dit sur ce putain de pays Où 24 heures par jour et 7 jours par semaine J'ai envie de dégainer sur des faces de craie... J'crie tout haut : " J'baise votre nation " L'uniforme bleu, depuis tout p'tit nous haïssons On remballe et on pète leur fion. Faut pas qu'y ait une bavure ou dans la ville ça va péter, Du commissaire au stagiaire : tous détestés ! A la moindre occasion ; dès qu'tu l'peux, faut les baiser. Bats les couilles les porcs qui représentent l'ordre en France. Niquer l'système, ils auront le feu car ils ont semé la haine, Qu'on les brûle, qu'on les pende ou qu'on les jette dans la Seine... Elle cherche à brûler nos racines, Mais ya des soldats, des vrais guerriers dans l'ghetto. J'aimerais être dans la peau de ce flingue Tenu dans la main d'un beur qui se verrait caler Le Pen. J'm'en bats les couilles de la gauche J'encule la droite sur ma gauche Sur ma droite, lève le doigt, nique l'État... Ton État je le tourne, je le baise, j'suis chaud comme la braise. Moi je chante pas la Marseillaise, et dans notre équipe on est 16 Moi je n'crains pas l'autorité, les RG, la DST. J'encule les keufs, c'est des pédés qui créent eux mêmes l'insécurité. J'm'en bats les couilles de la gauche, j'encule la droite, ils nous exploitent. Pan ! dans les dents Je m'adresse à toi petit Blanc Je baise ton gouvernement. La France est une garce, n'oublie pas de la baiser jusqu'à l'épuiser comme une pute. Allez-y lâchez les pitts, cassez les vitres quoi, rien à foutre, d'façon en face c'est des flics, c'est UNITY, renoi, rebeu, babtou, tway, mais si on veut contrôler Paris, tu sais que ça sera tous ensemble. Ca y est les pitts sont lâchés, les villes sont à chier, les vitres sont cassées, les keufs sont lynchés, enfin ça soulage, faut que Paris crame. Ce soir à mort Le Pen, on redémarre la guillotine, pire qu'à Djibouti, Poitiers brûle et cette fois-ci, pas de Charles Martel on vous élimine... Traquer les keufs dans les couloirs du métro, Tels sont les rêves que fait Joey Joe. Donne moi des balles pour la police municipale, Donne moi un flingue...
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Avec l'élection de François Mitterrand, en mai 1981, les facilités d'entrée et d'installation en France montent en puissance. A cela deux raisons : L'humanisme naïf des socialistes, quand la générosité demandée ne coûte qu'aux autres, et l'insistance des organisations juives dont il conviendra, un jour, d'analyser les causes. Les choses s'accélérant, dès août 1981, sous le gouvernement de Pierre Mauroy, une circulaire régularise les immigrés clandestins. En septembre, 105 000 personnes obtiennent ainsi le droit de séjourner en France. Ce ne sera pas le seul cas : en 1991, Edith Cresson procédera de même pour 20 000 personnes et en juin 1997, Lionel Jospin, pour 80 000. Très révélateur de la dérive de nos élites, au début de l'été 1998, à plusieurs reprises, Charles Pasqua se déclarera partisan de la régularisation des " sans-papiers. " On l'a compris, après l'installation d'étrangers sur le territoire, il faut, pour le bien de tous, penser à l'intégration. La France jouit d'une longue expérience en la matière. On peut parler de machine à intégrer à la française. Nous étions, à l'époque coloniale, la seule puissance à compter des ministres et des députés noirs ou musulmans. Nous n'imposions qu'une règle, pour " entrer " dans notre société, que les bénéficiaires de cette ouverture, renonçant au " statut indigène, " acceptassent nos codes de vie. Par exemple, ceux venus d'Afrique du nord, s'affranchissant de l'islam dans sa dimension juridique, n'étaient plus musulmans que dans l'espace privé. Depuis les années 60, la règle est la même pour les nouveaux venus sur notre sol. Mais nous ne le martelons pas assez. Pire, par démagogie, trop d'hommes politiques tendent à bercer les immigrés et leurs enfants dans l'illusion de la grandeur d'une prétendue culture des banlieues. Ainsi voit-on élevé au rang de mouvement culturel un mélange de musiques racistes (1) et de vagues souvenirs de traditions d'origine épicés de scènes violentes attrapées à la volée sur le petit écran. Des maires de toutes obédiences,
quand ce ne sont pas les régions ou des départements,
subventionnent des concerts de rap ou des manifestations renvoyant
aux immigrés une image valorisée de la sous-culture
des HLM. D'une main ils donnent des jeux, de l'autre du pain,
avec le RMI et autres aides sociales. Sans doute en toute innocence,
comme autrefois dans la Rome antique, ils ancrent ainsi la population
des banlieues dans sa condition plébéienne. On
devrait se pencher sur le caractère profondément
méprisant et raciste de cette politique. Le 14 novembre dernier (2005), au cours d'une intervention télévisée, Jacques Chirac, dans un tardif instant de lucidité, a qualifié l'insurrection des banlieues de " crise d'identité. " Il aurait pu étendre son constat à l'ensemble de la nation. A titre d'exemple, une française de souche vivant à La Courneuve (93) depuis 1977 (2), avoue : " Les Français d'origine étrangère se replient sur leur origine, ne se sentent plus français. Et moi, Française, je me sens mal... " Elle poursuit parlant de ses fils : " Pour eux, être français, ça ne veut rien dire. Ils n'ont plus de nationalité... Ils ne veulent pas s'intégrer à la société, ils voudraient être blacks et beurs comme tout le monde. " Offrant une image dévalorisée de nous mêmes, nous intégrons de moins en moins. Pire, si nous pouvons nous permettre ce néologisme, nous tendons à " désintégrer " notre population de souche. Dans ce contexte, on s'étonne presque que la situation ne soit pas plus grave encore. Qu'au cours des récents événements, nous n'ayons eu à faire qu'à des escarmouches.A cela une réponse: confrontés à l'effondrement identitaire de notre pays, les gens des banlieues ont réagi diversement. Plus nombreuse qu'on ne le croit, une première catégorie a choisi de bâtir sa vie en harmonie avec nous. Une seconde a opté pour le référent culturel islamiste, très peu, grâce à Dieu, sont tombés dans sa version radicale. Le troisième genre pratique la " délinquance de profit, " trafiquant la drogue et volant les voitures. Au cours des récentes émeutes, seul un quatrième groupe s'est manifesté, celui se livrant à une délinquance mineure basée sur " la destruction de plaisir. " Au cours des derniers événements, ce groupe, et uniquement lui, a participé aux désordres. Les autres ont cherché à protéger leurs intérêts. La partie intégrée à la société en se terrant chez elle, les islamistes en appelant au calme et les tenants de la " délinquance de profit " en s'opposant aux destructions. Ainsi a-t-on vu les islamistes de l'UOIF (3) aller jusqu'à prononcer une fatoua (4) pour interdire les destructions et éviter de se voir attribuer la responsabilité des dévoiements. Quant aux gangs de la drogue, de l'aveu même du ministère de l'Intérieur, dans les quartiers où ils règnent, les incidents se sont faits rares. Point d'explication morale à cela, seulement une logique mercantile,fût-elle mafieuse: attirant les policiers on ruine les commerces parallèles. Arrivé à ce point, il faut bien voir le profil des fauteurs de troubles. Pour beaucoup mineurs, ils ne sont pas, pour la plupart, sortis psychologiquement de l'adolescence. Ils n'ont ni projet de vie, ni ambitions. Leurs parents, incapables de s'affirmer dans notre société, se voient dévalorisés aux yeux de leurs propres enfants et n'ont sur eux aucune autorité. Résultat, sans encadrement, ajoutant l'échec scolaire à la crise de l'adolescence, les fauteurs de troubles n'ont pas de points de repère. Mal dans leur peau, conscients en outre du ratage annoncé de leur vie, pour se donner le beau rôle, ils accusent la société d'accueil de tous leurs malheurs. Les écoutant, on comprend la crise prenant plus ses racines dans leurs psychismes tourmentés que dans une société somme toute ouverte : leurs revendications sont décousues, voire informulées, et l'accusation de racisme, parfois justifiée, sert de prétexte à leur renoncement. Il est en effet trop facile d'accuser de xénophobie les recruteurs. D'abord nous connaissons beaucoup de jeunes français de souche, diplômés ou non, qui cherchent à décrocher un emploi depuis des mois, voire des années. Ensuite, afficher sa " sous-culture " des banlieues, dans son langage et par des comportements agressifs, suscite bien sûr la méfiance. On sent là un sujet à risque, non pour son origine raciale mais en raison de son profil. Tout cela ne serait rien, si notre société était en bonne santé. Nous avons connu et surmonté la vague des " Blousons-noirs " dans les années 50. Mais aujourd'hui, la violence
gagne du terrain dans les établissements uniquement
fréquentés par de jeunes français de souche.
On y compte de plus en plus d'incidents graves, d'insultes, voire
de coups portés contre les enseignants (5).
On comprend un changement profond en cours. Pour nous, l'explosion des banlieues est la partie visible d'une crise de société bien plus grave. Elle est plus sensible parmi les populations d'immigrés en raison de leur plus grande fragilité et de l'accumulation de difficultés auxquelles ils sont confrontés. Il faudrait pour y faire face des méthodes radicales comme l'interruption de l'immigration et l'expulsion des sans-papiers. Il faudrait des camps disciplinaires pour recadrer les " jeunes " déviants. Il faudrait encore un effort particulier de l'enseignement dans les zones les plus fragiles. Il vaut mieux dépenser aujourd'hui en éducation que demain en lutte contre la criminalité. Il faudrait aussi supprimer le droit du sol. Mais il faudrait encore revoir nos repères moraux collectifs et notre concep-tion des programmes regardés par les jeunes. Il faudrait surtout savoir recréer la fierté nationale. Mais comment, quand on sait tout se décider ailleurs qu'à Paris ? Faudra-t-il réduire l'Europe pour reconstruire la France ?
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le regroupement familial |
Impossible de comprendre le drame vécu aujourd'hui dans les banlieues sans en connaître la genèse. Car en politique, il n'existe pas de décision sans conséquences. Un jour, on finit par payer les mauvais calculs. " On, " c'est toujours nous, le bon peuple. Les décideurs, contre toute logique, continuant de bénéficier de nos suffrages, jouissent sans retenue du fruit de notre labeur. Et si le référendum du 29 mai 2005 annonçait l'inversement de cette marche mortelle ? Tout commence dans les années soixante. Notre industrie est en pleine croissance et nous avons besoin de main d'oeuvre. Nous l'importons massivement du Maghreb, principalement d'Algérie, quand les Allemands, ayant perdu leurs colonies cinquante ans avant nous, se tournent du côté de la Turquie. Nos dirigeants commettent alors leur première erreur. Au lieu d'imposer des contrats à durée déterminée, avec obligation de retour à la fin du travail, ils accordent des permis de séjour renouvelables. Le 9 mars 1973, la France, sous la Présidence de Georges Pompidou, s'engage à appliquer la " Charte sociale européenne, " face au Conseil de l'Europe (1). Or, celle-ci nous impose de " faciliter autant que possible les regroupements de la famille du travailleur migrant... " (2) Le 3 mai 1974, devant la même instance, la France ratifie une série de textes, dont la " Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme." Par ce geste, elle s'interdit de pratiquer une discrimination entre ses nationaux et les étrangers (3). Là, il faut nous élever contre un mythe. Au milieu des années 70, tout le monde vous dira qu'une loi fut votée en faveur du " regroupement familial " des immigrés vivant sur notre sol. Nous avons cherché cette loi, nous ne l'avons pas trouvée. Pour cause, elle n'existe pas ! La vérité est plus terrible. Giscard d'Estaing, évidemment informé des traités signés devant le Conseil européen, sait ne pas pouvoir arrêter l'immigration. Pourtant, au printemps 1974, il fait campagne sur ce thème. Elu en mai, dans la logique de ses promesses électorales, le 3 juillet 1974, sur son ordre, le Conseil des ministres, dirigé par Jacques Chirac, décide de suspendre pour trois ans l'immigration de travail et les regroupements familiaux. Les circulaires des 5 et 9 juillet confirment la décision. Le Conseil d'État (4) se saisit de l'affaire. Il constate les circulaires des 5 et 9 juillet en contradiction avec nos engagements auprès du Conseil de l'Europe. La Présidence et le gouvernement inversent alors leur position. Les circulaires du 18 juin et du 2 juillet 1975, suivis du décret du 29 avril 1976, rétablissent, prétendant l'encadrer, le droit au regroupement familial des immigrés. Point de lois donc, mais seulement des circulaires et des décrets, imposés par le carcan des contraintes auxquelles nos dirigeants ont soumis la France, en l'intrégrant au système européen. On mesure là la perte de souveraineté de notre pays. On s'étonne pourtant du silence entourant tout cela. Pourquoi Giscard et Chirac, se taisant, acceptent-ils la paternité d'une loi inexistante sur le regroupement familial ? Pourquoi nos élus, dont quelques-uns doivent savoir la vérité pour avoir vécu ces événements, gardent-ils le silence ? Pour une simple raison. Ils préfèrent passer pour coupables par générosité, plutôt que de révéler au grand jour la manière dont ils ont bradé la France. Car, là ne s'est pas arrêté leur forfaiture. Ils introduisaient sur notre territoire une population accumulant les difficultés. Parlant souvent à peine le français, elle venait des campagnes les plus reculées. Ne connaissant rien à la vie de la ville, elle différait aussi de nous par sa culture religieuse, l'islam. L'intégration s'annonçait difficile. Il aurait fallu, dès le début, produire un effort considérable pour compenser les handicaps de ces nouveaux venus. Inconséquents, nos dirigeants méprisèrent le danger. Année après année, ils laissèrent une bombe gagner en puissance. Jusqu'à la récente explosion. Certainement pas la dernière...
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